1) Prendre soin d’une plante…
Sur votre étagère, ses feuilles affichent un vert blafard et pendent tristement vers le plancher. Votre plante n’est pas heureuse. Alors, régulièrement, vous lui mettez une bonne rasade d’eau, et vous investissez deux fois par an dans un terreau gorgé d’engrais et de produits chimiques pour booster cet élégant élément de décoration de votre intérieur. Si elle se relève, tout n’est pourtant qu’illusion : votre relation à elle est au point mort malgré les signes de vie que vous croyez voir. Cette prise de conscience, les moines olivétains de l’abbaye Notre-Dame de Maylis (Landes) l’ont vécue en 2013, quand un insecte s’est attaqué à la plante médicinale à partir de laquelle ils produisent la tisane « détox » qu’ils vendent ensuite. Premier réflexe : des pesticides pour sauver leur trésor végétal. Mais après avoir lu l’encyclique Laudato si’ du pape François, leur regard évolue face à cette « agression biologique » : « Nous avons changé de perspective. Une infestation d’insectes, c’est le signe d’un déséquilibre majeur de la terre, confie à La Croix frère Joseph, le jardinier de la communauté. Avant, nous cherchions à protéger la plante, maintenant, nous nous demandons comment nourrir le sol. » Ils se forment alors à la permaculture et découvrent le principe des « plantes compagnes », celles qui, en partageant la terre d’autres, les aident à grandir. « Quand saint Benoît demande que les frères s’obéissent mutuellement, c’est la définition même de l’interdépendance, pour les plantes comme pour la vie de la communauté, souligne le père François You, abbé de Maylis depuis dix-neuf ans. Récemment, nous avons découvert que le romarin aidait à protéger notre plante et lui permettait de mieux pousser. Et bien, entre nous, ça doit être pareil.» «L’intérêt de la permaculture, c’est aussi de recréer du lien »,, souligne frère Joseph. « Comme les plantes, rappelle le père abbé, nous ne pouvons pas vivre seuls, mais nous devons être en réseau. »
2) … comme on prend soin d’un ami
Si nous sommes bien les gardiens de la Création, nous sommes aussi le gardien de nos frères. Pour cela, il faut… le connaître.
Le premier conseil de celui qui est aussi aumônier national du mouvement Pax Christi est à la portée de tous : « Invitez un jour votre boulanger, le chef de l’entreprise voisine ou le maraîcher, pour qu’il vous raconte son travail, ses questions et ses initiatives. Il y a tant à comprendre. Et quand une telle rencontre nous touche au plus profond, alors des conversions peuvent s’opérer. » Cette conversion commence quand on cesse, consciemment ou inconsciemment, de voir l’autre, ou l’imprévu comme «toxique». Exemple à travers les « mauvaises herbes»: « L’expression en dit long de notre rapport à la terre qui vient de loin, déplore le père Dominique Lang. Pour un agriculteur qui trime, les herbes qui poussent toutes seules et envahissent ses champs de blés ou de colzas sont « mauvaises » puisqu’elles demandent des efforts supplémentaires. De même, dans un jardin de fleurs, on oppose celles que nous avons semées et qui sont bonnes à celles qui poussent toutes seules et qui sont « mauvaises ». Mais dès que l’on prend conscience que nous faisons partie d’un écosystème qui nous dépasse, alors on change notre regard sur ce que la nature elle-même nous donne et on s’émerveille de la richesse de sa biodiversité. »
3) Vouloir toujours moins de déchet
Le premier « déchet » à faire disparaître n’est ni plastique ni alimentaire mais ronge plus durablement qu’une matière radioactive : c’est« le cynisme, le découragement, la corruption», explique le père Dominique Lang. « Il est important de préserver en soi la capacité à s’émerveiller : lutter pour la beauté du monde guérit le cœur, même si cette lutte est âpre. » Ce « combat » est aussi acceptation : « Le monde est parcouru d’une belle complexité, riche de promesses et de potentiels en tout genre. Mais cette complexité a un autre visage, celui d’un usage immodéré des biens communs, comme en témoigne la « culture du déchet » qui se répand dans nos têtes et dans nos sociétés. Vouloir viser une vie plus simple demande de refuser volontairement certains progrès, certains produits, certains avantages pour cesser de courir à tout vent après toutes les possibilités qui s’offrent à nous.» C’est le chemin dans lequel se sont engagées les bénédictines de Prailles (Deux-Sèvres), spécialisées dans les travaux d’imprimerie. En 2010, elles tournent le dos à l’impression numérique et reviennent à la technique ancienne de la typographie. « Dans une société où nous voulons toujours plus, il faut savoir accepter un travail artisanal, moins parfait mais aussi plus humain >> explique mère Marie, la prieure.
3) Vouloir toujours plus de simplicité
Si, chez les religieux et religieuses, la simplicité volontaire s’inscrit dans une continuité de leur vœu de pauvreté, c’est la simplicité de vie du Christ lui-même qui peut éclairer les chrétiens en général. Mais dans notre société d’hyper-consommation, on a parfois besoin d’aide et d’aller un pas après l’autre. À la communauté assomptionniste de Denfert-Rochereau à Paris, « l’idée est celle d’un processus, chère au pape François: étape après étape, on bouge les lignes », confie le père Dominique Lang. Dans le jardin, les frères ne jettent plus les restes végétaux dans un incinérateur urbain, mais le recyclent ; après avoir appris à faire des composts en ville, ils remplissent et vident régulièrement leurs trois bacs. Prochaine étape : « Remonter en aval et limiter le gaspillage alimentaire, en changeant notre manière de cuisiner. Pour cela, nous préparons des journées de formation pour repenser la manière d’acheter et de préparer les repas en privilégiant des repas plus simples, de saisons et des produits locaux ou proches, tout en limitant les stocks inutiles, les chambres froides remplies et le suremballage. »
5) Retrouver le rythme
Le jeûne, en particulier pendant le Carême mais pas uniquement, n’est pas tant une histoire de se priver de l’un ou l’autre aliment pour suivre une règle. « La façon dont on mange est profondément liée à notre être», souligne Laura Morosini, dans La Croix. Consultante en conversion écologique, elle est présidente de l’association Chrétiens unis pour la Terre qui a lancé, en 2013 un« Carême pour la terre » pour « redécouvrir la beauté du Carême, en s’abstenant de viande et de poisson», en s’appuyant sur un livret avec des témoignages, des prières, des textes bibliques ». « De nos jours, nous sommes malheureusement très éloignés de ce que nous consommons, à cause de l’industrialisation massive de nos aliments. Or la préparation des repas a quelque chose de sacré, une noblesse. Retrouver le sens de cuisiner ensemble, avec un retour aux produits bruts, cela a un vrai potentiel révolutionnaire ».
Redécouvrir la sobriété alimentaire, c’est faire preuve d’humilité, se replacer dans une Création plus large que la seule humanité. L’harmonie avec la nature à laquelle nous sommes appelés devrait être une nouvelle alliance, pas une exploitation.
Laura Morosini
6) Lire Laudato si’ : il n’est jamais trop tard
192 pages … cela peut faire peur. Et pourtant, de l’avis général, Laudato si’ vaut le coup. D’abord parce que lire, c’est cultiver son jardin intérieur et l’enrichir. Ensuite, parce qu’on n’est pas obligé de le faire d’un coup. « Une lecture à plusieurs, un paragraphe chaque jour, passant sur ceux qui paraissent trop loin de sa vie ou encore écouter le texte récité par d’autres dans des podcasts ou vidéos sur Internet » : autant de petites astuces du père Dominique Lang pour se plonger dans la prose du pape François et se laisser toucher. D’autant que, ajoute-t-il, cette encyclique est pleine de « conseils spirituels simples proposés par François ». À suivre tout au long de l’année. ■
Article de Muriel Cas pour L’Assomption et ses Œuvres – N°757