Sermons divers

15 mar 1861 Nîmes
Informations générales
  • Sermons divers
  • Carême prêché en 1861 à St-Charles de Nîmes
    Vendredi de la quatrième semaine - *Destinées de l'Eglise*
  • GO 2, p.375-405 (notes du P. Galabert).
Informations détaillées
  • 1 APOTRES
    1 ATHEISME
    1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 BAPTEME
    1 CATHOLIQUES SANS FOI
    1 CIEL
    1 CONSTITUTION CIVILE DU CLERGE
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 DROITS DE DIEU
    1 EGLISE ET ETAT
    1 EGLISE NATIONALE
    1 ENFANTS DE DIEU
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENNEMIS DE LA RELIGION
    1 FONCTIONNAIRES
    1 GALLICANISME
    1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
    1 HAINE CONTRE DIEU
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 LIBRE PENSEE
    1 LOI CIVILE
    1 LOI DIVINE
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 ORGUEIL
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 POUVOIR TEMPOREL DU PAPE
    1 PROTESTANTISME
    1 PROVIDENCE
    1 REVOLUTIONNAIRES ADVERSAIRES
    1 SACREMENTS
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINT-SIEGE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SAINTS
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SATAN
    1 SOUVERAIN PROFANE
    1 TEMPLE DU SAINT-ESPRIT
    2 CHAM, BIBLE
    2 LOUIS XIV
    2 LOUIS XV
    2 LOUIS XVI
    2 NOE
    3 ANGLETERRE
    3 FRANCE
    3 RUSSIE
  • 15 mars 1861
  • 15 mar 1861
  • Nîmes
  • Eglise St-Charles
La lettre

Euntes ergo docete omnes Gentes, baptizantes eos in nomine Patris, Filii et Spiritus. Docentes eos servare omnia quaecumque mandavi vobis (St Math. cap.28, v.19-20).

Allez donc enseigner toutes les nations, etc.

Telles sont, mes très chers frères, les dernières paroles que N. Divin Sauveur adresse à ses apôtres au moment de les quitter, c’est sa dernière recommandation. Après quoi il s’éleva glorieusement vers le ciel pour aller prendre possession de son trône, gage de la royauté qu’il destine à tous ceux qui suivront ses préceptes et obéiront à ses loi. L’Eglise, qui quelques jours après devait être fondée par la descente du Saint-Esprit, est désignée par ces paroles qui nous font comprendre ses destinées. C’est de ces destinées mystérieuses et divines que je viens vous entretenir aujourd’hui. Le sujet est vaste et important. Je suis obligé de resserrer un sujet immense, d’accumuler en quelque sorte les faits et les pensées; mais j’espère que vous voudrez bien supposer ce que je ne dirai pas; que vous rappelant les principes posés dans les conférences précédentes, vous comprendrez facilement les conséquences d’aujourd’hui.

Et pour m’arrêter à un plan, je n’en prendrai pas d’autre que celui fourni par le texte lui-même.

– La première destinée de l’Eglise, c’est l’Enseignement; elle a le dépôt de la doctrine: Euntes docete omnes gentes. – La 2ème destinée c’est la regénération des chrétiens: Baptizantes eos in nomine Patris etc., et dans cette collation du baptême se trouvent renfermés tous les sacrements institués pour regénérer l’homme. – La 3ème destinée de l’Eglise: elle est envoyée pour commander, donner des lois et elle a la sanction afin de les faire exécuter dans les peines dont elle menace les prévaricateurs, et le bonheur sans fin qui sera la récompense des justes. Dans les sociétés humaines, il n’y a qu’une seule sanction, le châtiment infligé à la faute, il n’y a aucune récompense pour le mérite. Dans la société divine au contraire se trouve une double sanction.

Ainsi donc destinées de l’Eglise à qui il est commandé d’enseigner les hommes, de regénérer l’humanité, de former et de commander une société universelle.

Invoquons le secours de Marie.

– Je dis mes frères que la 1ère destinée de l’Eglise est l’Enseignement. Cet enseignement elle le donne comme ayant autorité, tamquam auctoritatem habens. Ce fut le caractère particulier de l’enseignement du divin Sauveur, c’est ce caractère qu’il a voulu transmettre à l’enseignement de ses apôtres; c’est le caractère d’autorité. La société de Dieu avec l’homme ne vient pas d’en bas, elle ne repose pas sur le suffrage universel; elle descend d’en haut; voilà la différence entre l’Eglise de J.-C. et les sociétés modernes. Elles se glorifient d’être issues du suffrage universel, quant à J.-C. il se glorifie de donner à son Eglise pour base et fondement le caractère d’autorité. Telle est la différence entre la société divine de l’Eglise et toutes les sociétés humaines.

Et les apôtres qui n’ont pas eux-mêmes choisi J.-C. pour leur maître, mais qui ont été choisis par J.-C. n’accepteront jamais d’être choisis par personne c’est-à-dire de relever de la multitude. Aussi est-ce avec raison que l’apôtre s’écrie: sic nos existimet homo sicut ministros Dei et dispensatores mysteriorum Christi. Nous ne devons rien aux hommes. Ils doivent nous considérer comme les ministres de Dieu et les dispensateurs de ses mystères. Ce pouvoir ne monte pas des abîmes de la terre mais il descend des splendeurs du ciel. Il a été communiqué par le Sauveur lui-même à son Eglise. Ainsi donc l’Eglise enseigne avec autorité. C’est cette autorité contre laquelle se révolte l’orgueil humain, mais inutilement. Car il pourra bien se laisser aller aux inventions de son intelligence, ce sera toujours une intelligence humaine, une intelligence créée, une intelligence qui a des bornes. La parole de l’Eglise au contraire sera une parole royale, souveraine, sans limite aucune. Ce sera une parole d’autorité ou ce ne sera rien du tout.

Voyez donc, mes chers frères, la suprême absurdité de ces gens que nous entendons dire et répéter sans cesse qu’ils sont catholiques et qu’ils entendent parler comme catholiques. Vous avez droit de parler comme catholique, si c’est pour enseigner, pour professer la vérité transmise par l’Eglise de J.-C.; vous êtes alors un confesseur et un martyr. Mais vous voulez attaquer les vérités de la foi, les altérer, les tronquer; je vous récuse entièrement, votre droit est usurpé. Qu’un protestant vienne et me dise qu’en tant que protestant il a le droit de parler, je l’accorde; qu’un philosophe vienne et me dise « en tant que philosophe, j’ai le droit d’émettre mes idées, mes opinions philosophiques », c’est parfaitement libre à vous; qu’un révolutionnaire vienne me dire « je suis révolutionnaire, et en tant que révolutionnaire j’ai le droit d’enseigner les doctrines les plus subsersives de l’ordre social », on vous reconnaît au nom de la liberté de penser le droit de nier tout. Mais quand vous viendrez protester contre les droits de l’Eglise catholique, lorsqu’on vous verra en dehors des catholiques, en dehors du clergé dont vous ne voulez plus le gouvernement, en dehors des évêques qui protestent contre vos iniques prétentions, en dehors du pape dont vous sapez le pouvoir, on vous verra parler contre le dépôt des vérités confiées à l’Eglise, vous prétendrez parler comme catholiques? Vous êtes un imbécile ou un impie. Il n’y a pas de milieu. L’Eglise parle au nom de Dieu, le catholique n’a le droit de parler qu’avec elle, comme elle. Se dire catholique et parler contrairement à l’eneignement de l’Eglise, c’est la plus grande profanation des mots, c’est dire aux hommes je prends les lois qu’il me plaît afin de saper les croyances d’une religion à laquelle je voue une haine mortelle. C’est abominable et cependant c’est ce que nous avons vu trop souvent de nos jours.

L’Eglise enseigne avec autorité, c’est là précisément ce qui constitue un titre à la haine de ces hommes. L’homme par un effet de sa chute est soumis à l’ignorance et à l’erreur. J.-C est la lumière qui éclaire tout homme venant dans ce monde; Erat lux quae illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. J.-C. est venu pour dissiper toutes les ténèbres, déchirer tous les voiles. L’homme a déclaré qu’il aimait mieux ces voiles, ces songes, qu’il préférait se perdre dans l’impiété et l’hypocrisie; et lorsque la vérité s’est présentée avec toutes les merveilles qui l’accompagnent, l’homme a dit c’est très beau, mais de m’imposer des devoirs, mais de traduire ces vérités par des obligations, mais de courber ma tête sous le joug, c’est ce que je ne veux pas accepter. La vérité est une lumière qui éclaire tous les yeux qui ne sont pas aveugles. Elle est venue dans sa demeure pour dissiper toutes les ténèbres, in propria venit, mais les hommes qui sont ses sujets ne l’ont pas reçue, et sui non receperunt illum. C’est là ce qui nous indigne, c’est ce qui nous afflige. Si les nations repoussent la lumière, si elle se retire, que deviendra l’humanité, que deviendront les sociétés humaines? La vérité l’éclaire, l’homme préfère ses ténèbres, et cependant J.-C. est venu dissiper tous les nuages! Il est venu pour s’incarner en quelque sorte dans chaque homme par la vérité de la Foi.

La vérité c’est la reine des intelligences. L’Eglise est la dépositaire de la vérité, elle a le droit de commander, voilà la cause de la haine de tous les orgueilleux contre l’Eglise. Voilà comment l’Eglise doit convertir les hommes et les diviniser en quelque sorte. Elle abat les intelligences des superbes; elle leur dit: vous n’êtes que parce qu’il a plu à Dieu de vous permettre d’exister. Elle réclame les Droits de Dieu, et les hommes ne veulent pas les reconnaître.

– 2e Partie – L’Eglise regénère.

C’est là une de ces mystérieuses opérations, inconnues à l’intelligence humaine, qu’il faut accepter, que le foi nous révèle, et qui une fois admises répandent les plus magnifiques clartés, et éclairent l’homme d’une vive lumière. – J.-C. dit à ses apôtres: Euntes ergo docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. – Et qu’est ce signe? C’est le signe du renouvellement des chrétiens. Le libre arbitre ou plutôt la libre pensée soutient que l’homme naît bon. C’est là un mensonge, la plus profonde des erreurs, c’est celle que Satan voulut imposer au premier homme: eritis sicut dei. – Non l’homme ne naît pas bon; il naît corrompu par la faute originelle; et si vous rejetez le péché originel, vous ne pouvez plus expliquer la Providence; sans le péché originel nous ne pouvons expliquer le bonheur des méchants et les épreuves des justes; sans le péché originel nous ne pouvons comprendre les cris de douleur de cet enfant qui vient de naître. Avec le péché originel tout s’explique: notre nature corrompue attire la malédiction de Dieu [qui](1) veut punir sur elle l’outrage fait à sa divine bonté. Les épreuves du juste se comprennent et s’expliquent. D’ailleurs comme [deux ou trois mots non déchiffrés] y a-t-il un homme juste? Il y a toujours au fond de notre nature quelque chose d’épouvantable, d’affreux, suite funeste du péché. J.-C. pour sauver l’homme ainsi corrompu s’est fait homme, et l’homme éclairé par lui renaît à le lumière et à la vie, et c’est pour le fortifier, le soutenir, qu’il lui donne sa grâce.

Comment s’opère cette regénération? Il y a un effet de la puissance du Père, de l’intelligence du Fils et de l’amour du Saint-Esprit. C’est dans cette dernière personne divine, dans l’amour de l’Esprit que se consomme cette regénération, lorsque notre temps d’épreuve a cessé. Mais sur cette terre d’exil, ce sera dans le triple caractère d’adoption du Père, de l’imitation du Fils, de la transformation du Saint-Esprit opérée par l’amour, que s’opérera notre regénération; c’est là le germe de toute regénération chrétienne. A mesure que l’homme se perfectionne, un modèle lui sera donné; et ce modèle c’est J.-C.; quel admirable modèle! Un Dieu fait homme vient habiter au milieu de ses frères; devient notre vie, vita nostra. Mais ce n’est pas tout; il s’unit à nous, il vit en nous, il nous nourrit avec son corps et son sang, de son âme et de sa divinité; voilà comment il regénère l’homme.

C’est alors que l’homme ayant J.-C. en lui, a le droit de dire « la terre ne me suffit plus »; attollite portas principes vestras, et elevamini portae aeternales et introibit rex gloriae – Ouvrez-vous, portes éternelles, et laissez entrer le roi de gloire; cette patrie terrestre ne me suffit plus; j’ai été vivifié en J.-C.; il m’a ressuscité avec lui; je dois partager avec lui les demeures célestes: et cum essemus mortui peccatis, convivificavit nos in Christo (cujus estis salvati) et conresuscitavit et consedere fecit in caelestibus in Christo Jesu (Ephes. cap. 2, v.6 et 7). Ainsi le travail de cet homme divin a eu pour but non seulement de nous délivrer de la mort, de nous vivifier dans son amour, mais encore de nous faire ressusciter avec lui afin de nous faire monter au plus haut du ciel, et alors nous asseoir à côté de son père dans les splendeurs du céleste séjour.

Croiriez-vous qu’un homme ait osé dire: la terre me suffit, je veux être mon centre, mon tout. Voilà pourquoi il hait l’Eglise qui a reçu de son divin époux le pouvoir de diviniser l’humanité. Croiriez-vous qu’il y a des hommes [pour qui] cela n’est pas assez grand; et qu’y a-t-il de plus grand que de vivre dans l’amour de J.-C., que de régner avec lui dans les splendeurs célestes [un mot non déchiffré] dans la gloire de son Père.

N’y a-t-il pas des chrétiens baptisés, même parmi ceux qui se disent catholiques, n’y a-t-il pas beaucoup d’aveugles? Si vous voulez que J.-C. vive en vous, il faut vous approcher de la Sainte Table; il faut vous nourrir de sa chair et de son sang; il faut qu’il descende en vous, qu’il vienne habiter dans votre âme pour que ce travail s’opère en vous. Comment se fait-il qu’il y ait tant de chrétiens qui rejettent, qui repoussent J.-C.? – Mais ce n’est pas là le plus [grand] crime; le véritable crime se trouve dans ceux qui le nient, qui le repoussent afin de n’être pas obligés de le croire et de conformer leur vie à ses divins enseignements. Il n’est pas dans l’Eucharistie, disent-ils; il n’est pas Dieu; et l’Eglise qui a la mission de proclamer sa présence réelle, d’affirmer sa divinité, l’Eglise n’éprouve que des contradictions. Voyez-vous ces luttes, ces tribulations soulevées par ces impies qui préfèrent fermer les yeux à la vérité plutôt que de se corriger dans leur vie et leurs moeurs?

Mais tandisque ces hommes s’en vont lutter contre l’Eglise par la paresse, la tiédeur, la lâcheté, le respect humain, l’indifférence, les passions, voyez comme Dieu se choisit des témoins. Il prend un jeune paysan, qu’il arrache à la charrue de son père, pour le placer sur les autels à côté des reines, montrant ainsi où se trouve la véritable égalité, et il les donne comme une protestation contre ces lâchetés, ces hypocrisies, ces apostasies dont nous avons de si tristes spectacles. Tel est le pouvoir regénérateur de l’Eglise.

– 3e [partie] – L’Eglise a le pouvoir de commander.

Jésus continué a ses disciples: docentes eos servare omnia quaecumque mandavi vobis. Par ces paroles il leur confère le pouvoir de porter des lois. Allez, tout ce que vous aurez fait, c’est mon esprit, l’esprit de vérité qui l’opérera en vous: Cum venerit Paraclitus quem ego mittam vobis a Patre, spiritum veritatis, ille testimonium perhibebit de me. C’est moi, dit-il, qui suis l’auteur de ces lois; vous serez mes interprètes, et l’esprit de vérité vous éclairera, vous dirigera et me rendra témoignage par votre bouche. Si J.-C. est Dieu, il est créateur et Souverain Seigneur de ses créatures. Il a le droit de leur donner des [ordres], de les commander; il a droit de commander des lois utiles; il a le droit de communiquer ce pouvoir; il l’a donné à son Eglise; elle n’est que l’écho, que l’interprète des lois divines. Si J.-C. est l’auteur de la loi, si l’Eglise n’en est que l’interprète, repousser la loi de l’Eglise, c’est repousser J.-C.; c’est repousser la pierre angulaire; celui qui tombera sur cette pierre sera brisé, et celui sur qui elle tombera sera écrasé: Lapidem quem reprobaverunt aedificantes, hic factus est in caput anguli (Math.21, 42) et qui ceciderit super lapidem istum confringetur, superque vero ceciderit, conteret eum (v.44).

Certains hommes plus coupables, non contents de repousser cette pierre inébranlable voudraient l’ébranler, l’expulser de son siège afin d’établir une construction nouvelle. Mais leurs efforts seront vains et cette pierre retombera de son poids divin sur les sacrilèges envahisseurs, les écrasera, les anéantira. Aussi peut-on s’attendre à des catastrophes épouvantables lorsque l’on considère certains efforts et certaines attaques modernes.

La société divine établie par J.-C. a le droit de faire des lois. Or cette société se trouvera en contact avec d’autres sociétés. Qui fixera les limites? Chacun? C’est impossible, il faut un tiers pour juger. Mais si ce tiers n’existe pas, il faudra que l’un des deux ait le pouvoir de décider. Entre une société qui n’a pas de promesses d’assistance divine, et une société qui a ces promesses, à qui voudra-t-on accorder la prééminence? Il y a indépendance complète, dira-t-on, et c’est pour cela qu’en 1682 des évêques trop complaisants pour l’absolutisme de Louis XIV, n’ont pas craint dans une déclaration fameuse, de dire que les rois de France ne reconnaissaient au temporel aucune autorité, aucune puissance ecclésiastique supérieure. Mais si ce principe est vrai, il s’en suit que les princes comme tels sont impeccables ou infailliblement damnés, car s’ils peuvent pécher et qu’ils pèchent, ils ne peuvent recevoir l’absolution de personne. Or il faut établir qu’un prince peut pécher comme tel. Est-ce que Louis XVI n’a pas péché en signant la constitution civile du clergé ? Qui lui donnera l’absolution ? Il faudra qu’il ait recours à l’autorité ecclésiastique, or l’Eglise de Dieu a le droit d’apporter certaines restrictions aux sacrements. Les Souverains Pontifes et les évêques se sont toujours réservé certaines fautes, certains péchés. Afin de veiller sur la société entière, c’est avec raison qu’ils se sont réservé certains péchés que l’on peut appeler sociaux. Ils ont le droit de les pardonner à certaines conditions fixées par eux, et ces conditions regardent aussi bien les souverains que les sujets.

Pour me servir de l’expression d’un procureur général fameux sinon célèbre: Nous sommes un gouvernement qui ne se confesse pas. Ce gouvernement était une abstraction et il ne faut pas nous en préoccuper; [mais il] est composé d’hommes baptisés, enfants de l’Eglise; s’ils ne se confessaient pas, ils étaient damnés, car N.S. a dit à Pierre: « Tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans le ciel, etc ».

Un savant évêque, l’évêque de Perpignan, faisait observer à son clergé que l’intrusion du pouvoir temporel dans le spirituel présentait trois étapes: d’abord la séparation du spirituel et du temporel (1682). – Peu après le temporel désire savoir ce qui se passe dans le spirituel, de là le gallicanisme parlementaire, et sous le règne de Louis XV nous l’avons vu faire crocheter par un huissier la porte du tabernacle, obliger le prêtre accompagné d’un huissier [à] porter la Ste Eucharistie à un mourant qui voulait insulter son Dieu jusqu’à son dernier soupir; communions sacrilèges qui ont amené ces sanglantes expiations de 93. – Enfin il y a absorption du pouvoir spirituel par le pouvoir temporel, comme en Angleterre ou en Russie, c’est le dernier terme, chose abominable et impie parce que ce n’est pas à nous, maires ou échevins, préfets ou gouverneurs, empereurs ou rois que Dieu a confié les clefs de son royaume. Vous n’avez jamais reçu une pareille mission.

Il était bon, mes frères, de vous faire connaître les conditions de ce pouvoir confié par Dieu à son Eglise. Le sol tremble sous la chaire de Pierre; malgré certaines protestations renouvelées encore ces jours derniers, nous devons craindre quelque entreprise coupable. Les pouvoirs civils semblent vouloir s’arroger le droit de décider, de trancher les questions de l’ordre spirituel. Que l’Eglise, disent-ils, se préoccupe de son ministère de charité et de sainteté, qu’elle se renferme(2) dans les limites de son pouvoir spirituel.

Si on leur répond que ce pouvoir est exercé par des hommes et sur des hommes, qu’il doit avoir quelque moyen de se manifester, qu’il a besoin d’exister avec des conditions humaines, ils viendront vous dire que les représentants de ce pouvoir ne semblent(3) plus ce qu’ils font, que ces prétentions, ces droits de l’Eglise ne sont que des balivernes. Et les voûtes de l’assemblée où ces paroles ont été prononcées ne sont pas écroulées sur les malheureux qui n’ont pas craint d’insulter ainsi leur père et leur roi. C’est renouveler le crime sacrilège de Cham, avec cette différence néanmoins qu Noé s’était laissé aller à un désordre involontaire, et que le Père qu’ils insultent n’est que malheureux et malheureux par leur sacrilège ingratitude.

N’insistons pas davantage sur les destinées de l’Eglise, pour les comprendre il nous faudrait avoir toute la lumière et la force de la vérité, que nous ne connaîtrons jamais sur la terre.

(Suit la péroraison qu’il m’est impossible d’analyser).

Notes et post-scriptum
1. Le ms a *et*.
2. Le ms a *qu'elles se renferment*.
3. C'est bien le mot du ms. Ajouter *savoir*?