Sermons divers

26 feb 1861 Nîmes
Informations générales
  • Sermons divers
  • Carême prêché en 1861 à St-Charles de Nîmes
    Mardi de la seconde semaine. - *Sur le révolution*
  • GO 1, p.127-163; Ecrits du Père Bailly, 18, p.195-201.
Informations détaillées
  • 1 ATHEISME
    1 BON EXEMPLE
    1 CIEL
    1 DESOBEISSANCE
    1 DEVOIR
    1 DROITS DE DIEU
    1 DROITS DE L'HOMME
    1 EGOISME
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 ENFER
    1 ENFER ADVERSAIRE
    1 ENNEMIS DE DIEU
    1 ENVIE
    1 ESPERANCE
    1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 HAINE
    1 HAINE CONTRE DIEU
    1 IMPROBITE
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
    1 LEGISLATION
    1 LOI DIVINE
    1 LOI HUMAINE
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 MARTYRS
    1 MESSIE
    1 MOEURS ACTUELLES
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 ORGUEIL
    1 PAGANISME
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PERSECUTIONS
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 POLITIQUE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 REVOLUTION DE 1789
    1 ROI DIVIN
    1 SATAN
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 SOCIALISME
    1 SOCIETE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 TENTATION
    1 TRIPLE CONCUPISCENCE
    1 VIE DE PRIERE
    2 ABRAHAM
    2 CARTOUCHE
    2 CHARLEMAGNE
    2 CONSTANCE II
    2 CONSTANTIN LE GRAND
    2 DANTE ALIGHIERI
    2 EVE
    2 HILAIRE, SAINT
    2 JEAN, SAINT
    2 JEREMIE
    2 JURIEU, PIERRE
    2 MANDRIN
    2 MATHATHIAS
    2 MICHEL, SAINT
    2 PLATON
    2 ROUSSEAU, JEAN-JACQUES
    3 ANGLETERRE
    3 FRANCE
    3 ROME
  • 26 février 1861
  • 26 feb 1861
  • Nîmes
  • Eglise Saint-Charles
La lettre

Et in fronte ejus nomen scriptum mysterium (Apoc.17, v.7).

Et sur son front était écrit un nom Mystère.

C’est ainsi que St Jean nous représente cette grande prostituée qui s’était enivrée du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus, qui avait écrasé tous les rois sous son sceptre; elle était montée sur une bête couverte de blasphèmes et elle poursuivait ses affreuses conquêtes jusqu’à l’heure fixée par la colère éternelle et une infaillible vengeance.

Ce que cette prostituée nous représente, on peut croire que c’est le paganisme, mais il existe une autre prostituée montée aussi sur une bête couverte de blasphèmes et vomissant des imprécations contre le ciel et Dieu et si je ne me trompe, elle s’attend en ces jours lamentables à de nouveaux triomphe, je vais vous la nommer par son nom, c’est la Révolution.

Je viens vous en parler comme de la grande ennemie de Dieu; le sujet est immense, puisque c’est toute l’histoire de la guerre de l’enfer et des enfants de l’enfer contre Dieu. Mais en le réduisant aux limites d’un simple entretien, j’ai pensé que nous pourrions examiner ses parties principales.

Je viens ici avec ses origines, ses développements, ses caractères et ses conséquences vous dire quelque chose des maux qui nous menacent. Il y a dans le temps des grands moments de défaillance et J.-C. nous les a déjà annoncés: ita ut in errorem inducantur si fieri potest etiam electi. C’est à ces moments qu’il faut montrer aux véritables chrétiens l’état des choses, sans altération, sans mensonge et au monde que celui qui n’est pas pour J.-C. est contre lui.

Il ne faut pas en ces circonstances écouter les conseils de la raison humaine, ils sont inutiles et ils amènent, comme dit le Dante, ces générations également méprisées du ciel et de la terre!

Aujourd’hui où l’ivraie semble devoir être séparé du bon grain, il n’y a pas à hésiter et qui ne se range pas du côté de la bonne cause se range par là même dans le camp opposé, ne fût-ce que par sa lâcheté.

Je n’aborderai pas la politique, car après tout ce n’est pas le lieu ici, mais comme le mal est grand, je tâcherai d’aller jusqu’à sa racine et de le poursuivre jusque dans ses derniers replis, pour cela invoquons cette Vierge immaculée dont l’Esprit-Saint dit qu’elle est comme une armée rangée en bataille. – Ave Maria.

Il faut bien le dire, la première de toutes les révolutions n’a pas pris naissance sur la terre, mais dans le ciel; selon les anciens Docteurs, ce fut quand le Tout-puissant manifesta aux anges le dessein d’envoyer son Fils sur la terre; alors il le leur montra sous la forme humaine et ils durent l’adorer: Adorent eum omnes angeli Dei. Or il n’entrait pas dans les desseins de Satan de s’incliner devant la divinité incarnée dans la nature humaine: A saeculo confregisti jugum meum (Jérém.II,20) et St Jean nous révèle qu’il y eut un grand combat entre les anges, où Michel et les siens combattainet d’un côté et Satan et ses partisans de l’autre. Quel fut le camp victorieux? Ce fut celui qui portait sur son drapeau Quis ut Deus, Michaël; c’est le titre de gloire et la grandeur de cet archange d’avoir combattu Satan. Et alors Satan et ses anges furent précipités; il n’y avait plus de place pour eux au ciel, ils furent plongés dans les abîmes creusés par la justice éternelle où il n’y avait plus de place à l’espérance. Cependant Dieu, dans les desseins de sa Providence, voulut laisser une certaine liberté à Satan, il lui permit de tenter le premier homme.

Voilà la question qu’il pose, le doute qu’il émet: Est-ce que Dieu peut faire une défense? Cur praecepit vobis Deus? Voyez-vous les droits du Seigneur mis en doute par ce rebelle!

Eve répond, peu importe sa réponse, nous n’avons pas à nous en occuper ici, elle donne une raison plus ou moins mauvaise et le tentateur continue: Nequaquam morte moriemini, sed eritis sicut dii scientes bonum et malum.

La pensée de devenir des dieux, cette fausse science du bien et du mal, voilà ce qui séduit et entraîne nos premiers parents, et la colère de Dieu s’allumant une seconde fois, il les chasse du paradis terrestre.

Alors Dieu sembla se retirer peu à peu et lentement des affaires du monde, cependant lorsque l’infamie sera à son comble, quand toute chair aura corrompu sa voie, il fera bien tomber le déluge et plus tard encore, quand les hommes élèveront une tour pour braver la colère céleste en se mettant à l’abri d’un nouveau déluge, il descendra et confondra leurs langages et dans cette confusion des intelligences commencera la dispersion des nations.

Mais Dieu prend comme en dégoût le genre humain et l’empire de Satan commence; néanmoins on verra toujours les sociétés reposer sur une religion et les sages de l’antiquité devront le reconnaître, ainsi Platon dira « Aucune société n’a été fondée sans que la religion lui servît de base » et Plutarque commentant la même parole déclare qu’il serait plus facile de fonder une société dans les airs que de la fonder sans dieux.

Toutefois quelle idée cette société païenne nous donnera-t-elle des devoirs? La femme dégradée et asservie, l’enfant abandonné, l’esclavage partout, c’est-à-dire l’asservissement de presque tous les hommes sous quelques autres. On a compté à Rome sur cent habitants 80 esclaves. Et on nous parlera du bonheur de ces sociétés! La volupté ne connaîtra plus de limites, la destruction des hommes n’aura plus de bornes et dans une certaine république un jour où le grain manquera pour la distribution publique on n’appellera que les enfants légitimes et une partie infime de la population se présentera seule. Dans les amphithéâtres les hommes seront immolés par centaines, et quand il faudra représenter sur la scène la mort d’Hercule par exemple, on fera brûler un homme vivant; on ira même jusqu’à faire annoncer par un crieur public que dans toute famille réduite à la misère celui qui voudrait se faire couper la tête pour repaître la curiosité homicide d’un homme riche, assurerait par là un morceau de pain à ses enfants et il se présentera un grand nombre de concurrents.

Mais J.-C. paraît, parle au nom de Dieu. Voici ce que dit le Seigneur;il se déclare l’envoyé divin, les messie des nations, celui à qui son Père a tout promis postula et dabo gentes tibi,… [blanc] et voilà qu’un ordre nouveau est fondé, la notion du devoir repose sur Dieu,la notion du pouvoir repose sur la paternité divine. J.-C. nous apprend à obéir en mourant sur la croix; il sanctifie et divinise toute voie. Vous comprenez, mes frères, combien de temps il faudrait pour donner des développements suffisants à ces conditions.

Les empereurs romains qui étaient tout, tribuns du peuple, princes de la jeunesse, empereurs des armées, étaient en même temps pontifes en attendant qu’ils fussent dieux; et voilà que le combat commence entre eux et les disciples de J.-C.

Pourquoi venir troubler l’ordre ancien, s’écrient les prêtres des idoles après leur pontife; il est vrai qu’un empereur, Tibère propose de mettre J.-C. au nombre des dieux; mais le sénat, et je pense qu’il avait raison, refuse de l’inscrire, parce que, disait-il, il ne laisserait plus de place aux autres dieux; oui, ils avaient raison, il valait mieux conserver intacte la divinité de Jupiter et de Vénus.

La lutte a donc commencé, les martyrs sanctifient la terre par ce que j’appellerai en quelque sorte leur excès d’obéissance, et cependant le christianisme s’avance, s’avance jusqu’à ce qu’il puisse poser le diadème sur la tête de Constantin. Alors un nouvel ordre de choses s’établit, on comprend que dans un homme composé d’un corps et d’une âme on doit d’abord considérer son âme et que s’il y a une société qui est la société des corps il y en a une pour l’âme et qu’à celle-là un seul roi a le droit de commander, et ce roi c’est Dieu, ce roi incarné dans un homme c’est J.-C., le roi des intelligences; il a fondé son Eglise et c’est son Eglise qui est la société des intelligences. Non pas que cette société ne laisse à la société des corps sa distinction et son individualité, mais autant l’âme est au-dessus du corps autant la société des intelligences est au dessus de la société matérielle.

Il était naturel que la société humaine acceptât cette direction, mais ceci ne faisait pas le compte des légistes et des empereurs du moyen-âge, et bientôt commence le droit césarien par lequel a été ressuscité le droit ancien des empereurs sur le monde universel. Des luttes épouvantables s’engagèrent et après que la Réforme eut, par intérêt et pour flatter l’ambition des princes, précipité la religion devant le magistrat civil, les rois catholiques eux-mêmes s’emparèrent de cette pensée et déclarèrent qu’ils ne relevaient que de Dieu, mais à peine un siècle après cette étonnante déclaration les peuples à leur tour dirent qu’ils ne relevaient que d’eux-mêmes, nous vous avons obéi, dirent-ils à leurs maîtres, tant que nous avions une garantie contre votre infaillibilité morale, il nous fallait cette garantie, maintenant nous ne voulons relever que de Dieu. Le protestant Jurieu n’avait-il pas déclaré que jamais le peuple n’a besoin d’avoir raison et J.J. Rousseau commentant cette parole n’avait-il pas ajouté: si le peuple veut se faire du mal à lui-même, qui a le droit de l’en empêcher? Et alors entre les peuples et les rois s’élève un épouvantable antagonisme, les rois sont poussés à l’échafaud, la protestante Angleterre nous donne l’exemple que la France doit suivre un siècle et demi plus tard, et les droits de l’homme étant déclarés on ne reconnaît plus les droits de Dieu.

Et c’est ici que je veux établir les caractères de la Révolution et soulever en quelque sorte le voile qui couvre le nom de la grande prostituée.

Ces caractères sont 1° la haine de Dieu. Il se passe en effet ce qui eut lieu quand Satan prescrivit au premier homme de ne pas obéir. Du moment que les hommes ont écouté le besoin invincible d’indépendance qu’ils portent en eux, il est tout simple qu’ils remontent jusqu’au premier pouvoir et ce premier pouvoir c’est Dieu. Si Dieu a parlé, il faut lui obéir et pour ne pas obéir à Dieu qui parle il est bien plus simple de supposer qu’il n’est pas; un philosophe de nos jours a dit: Si Dieu est c’est le mal; or ce n’est pas là un mouvement de dépit, c’est la conséquence d’un système raisonné et sérieux et ce même philosophe qui vit encore a dit aussi: il est impossible que la Révolution pactise avec la divinité. Tant que l’esprit humain n’aura pas chanté sa Marseillaise contre Dieu, il ne servira de rien de chercher à affranchir les hommes.

Voilà ce que ces malheureux, dans leur langage brutal, ne craignent pas de demander; oui, il convient que ceux dont les droits reposent sur la négation de tous les droits et de tous les devoirs attaquent la pierre fondamentale sur laquelle repose toute société.

C’est là le premier caractère de la Révolution: haine de Dieu. Son second caractère c’est la haine des homme.

En effet on éprouve un secret mécontentement dès qu’on sent au-dessus de soi un être supérieur par la force, par la science, par la fortune et par n’importe quelle autre qualité, et cet être supérieur aux autres n’a qu’une crainte, c’est de voir ceux qui sont au-dessous de lui prendre son bien. De là la haine du riche contre le pauvre, il y a schisme entre les deux classes, et le pauvre sentant qu’on lui a enlevé même l’espérance se demandera pourquoi les uns ont et les autres n’ont pas; il se ruera sur le riche et il y aura des catastrophes épouvantables. Nous en avons déjà vu quelque chose, mais je ne crains pas de le dire, nous n’avons pas tout vu, car nous ne sommes pas encore purifiés. – Et de ces ruines amoncelées sortiront des miasmes qui répandront la pestilence au loin et qui exerceront les ravages les plus affreux dans la société humaine.

Dites-moi donc, mes frères, vous qui auriez le malheur d’avoir perdu la foi; dites-moi ce qui se passe au fond de votre coeur, je puis vous l’analyser:

Si vous avez quelque chose, vous avez le désir de le conserver, de l’augmenter par tous les moyens possibles.

Si au contraire vous n’avez rien, vous avez le désir de posséder, et la haine de tous ceux qui possèdent et cela se résume dans le troisième caractère de la Révolution l’égoïsme qui ramène tout à soi.

Egoïsme. – Si aucun Dieu ne peut commander, aucun homme ne peut davantage commander, et si aucun homme ne peut commander je suis mon maître et je n’ai qu’un désir, c’est d’avoir le plus d’esclaves possible; il faut qu’on m’obéisse, on le fera avec colère, avec douleur, avec rage, peu importe! Il me faut des jouissances et je me les procurerai avec de l’argent; si je suis entrepreneur, j’irai trouver un personnage haut placé et je lui dirai: vous voulez un palais, je vous en bâtirai un de quinze cent mille francs mais pour que le scandale ne soit pas trop grand je ne vous porterai qu’un devis de 300.000 fr.; seulement vous me dédommagerez sur les travaux de l’Etat dont vous me donnerez la direction. Si je suis magistrat, je ferai savoir aux avocats que les mémoires dans les procès me frapperont d’autant plus qu’ils m’en feront remarquer les passages saillants avec des billets de banque et que plus les passages seront nombreux et les billets de banque considérables, plus leur cause me paraîtra la bonne. Si je suis banquier et que j’aie besoin de personnages haut placés pour mes spéculations, je leur offrirai des pots-de-vin capables de les séduire et si le vin du pot tache la crinoline de quelque grande dame, ou quelque habit brodé, on s’en consolera en pensant qu’une autre fois on sera plus heureux et plus habile, et quant à moi, si l’on me met en prison, je saurai bien me venger devant la Cour d’assises et ailleurs en révélant la turpitude de tous les instruments que j’ai employés. Nous avons vu, il y a 13 ans, une monarchie tomber devant de pareils procès et de pareilles accusations. O mon Dieu, faites que de pareilles accusations et de pareils procès n’amènent pas de pareille chute.

J’ai parlé des caractères de la Révolution dans l’individu, et je sens que la force me manque pour peindre ses caractères dans la société; j’examinerai cependant quelques-uns d’entre eux.

Premier caractère social de la Révolution: haine du pouvoir.

Haine du pouvoir. – Il y a une chose incontestable c’est que le pouvoir est détesté et il ne s’agit pas ici de tel ou tel pouvoir. Tu as le pouvoir, donc tu as tort, je suis la minorité, donc j’ai raison; c’est toute l’histoire depuis 50 ans.

Second caractère social de la Révolution: haine du devoir.

Haine du devoir. – C’est le même cri sorti de l’enfer dès le commencement: Dixisti: non serviam. Descendez, mes frères, dans le fond de vos consciences, il y a une loi qui dit: Souviens-toi d’honorer ton père et ta mère, et par là il est recommandé d’honorer tout pouvoir qui représente le père ou la mère; or vous reconnaîtrez que tout pouvoir établi est détesté par celui qui ne voit pas Dieu dans son père et sa mère. Que vient-on me parler d’obéir? Ne sais-je pas me commander à moi-même? N’ai-je pas l’âge de raison? Ma raison est développée, je suis émancipé, et ce sera le règne de l’individu. – Passons.

Haine de la loi. – Troisième caractère: haine de la loi, et c’est tout simple, pour ceux qui ne veulent pas du droit il n’y a que l’habileté ou la force. Si je suis fort, je dominerai, si je suis faible au contraire, je serai hypocrite. Jetez les yeux sur ces monstres d’hypocrisie que vomit la société moderne; ils parleront de droit et ils accompliront d’affreux brigandages selon cette parole de St Hilaire de Poitiers à l’empereur Constance: Quod dicis non facis et non dicis quod vis; tu ne fais pas ce que tu dis et tu te gardes bien de dire ce que tu veux.

C’est la guerre du plus habile jusqu’à ce qu’on soit le plus fort, alors on deviendra brutal et tyran, mais en attendant, on dit; endossons le masque de l’hypocrisie. N’est-ce pas le fond de tout ce que nous avons vu depuis 40 ans?

L’homme a des appétits mais il n’a plus le sentiment du droit.

Le droit est fondé sur quelque chose, ainsi la loi humaine est fondée sur sa sanction, la loi divine avait aussi la sienne, elle était dans l’espérance; mais de même qu’on a banni Dieu du ciel, on a banni l’espérance de la terre. Entre la terre et le ciel on a posé cet immense chaos dont Abraham parle au mauvais riche, [chaos magnum] firmatum [est].

Du moment que l’espérance n’est plus, qu’il n’y a plus de patrie éternelle, que je ne puis plus me reposer en Dieu, mes désirs retombent sur la terre et c’est sur la terre que je voudrai jouir. Je n’aurai plus pour contrarier ces désirs la sanction éternelle et je me ferai voleur, filou, etc., je n’ai à craindre que les gendarmes et les geôliers et je tâcherai de leur échapper jusqu’à ce qu’à mon tour ils me servent contre mes ennemis vaincus. – On veut bien mettre la religion de la partie, et tout pouvoir commence par s’en servir avant de l’asservir, c’est ce que nous verrons ensemble vendredi.

Aujourd’hui je dis seulement que s’il n’y a plus d’espérance, il ne reste que le matérialisme le plus abject; et ce qu’il y a de plus terrible c’est que toutes ces abominations sont érigées en théorie. Mandrin et Cartouche étaient des voleurs, mais ils le savaient et sur la roue ils rougissaient de leur profession, ils comprenaient qu’ils ne transmettraient pas à leurs enfants un nom honoré, tandis qu’aux temps actuels leurs principes sont élevés à l’état de système et acceptés par ceux qui ont dit: la propriété c’est le vol et, comme la propriété est agréable à posséder, on en dépouille les possesseurs au nom de cet axiome et alors tous les hommes sont voleurs et sans doute on n’aura plus rien à reprocher à personne.

Oui, c’est un caractère de ce temps, on fait toutes les monstruosités possibles et on se dit intérieurement: je fais bien de faire ainsi.

Je m’arrête, j’aurais à parler encore des plaisirs infames, des ambitions honteuses, mais il me suffit d’indiquer ce qu’il y a de principal. On dit: Que Dieu parle, nous l’acceptons, mais qu’il ne nous oblige pas à croire qu’il a parlé, car si je suis obligé de croire à sa parole, je suis obligé d’obéir à ses commandements. Voilà les derniers mots de cette théorie et ce que nous savons, c’est que cette doctrine empestée gagne les masses.

Ne me dites pas qu’avant Jésus-Christ il y avait déjà de pareils hommes; d’abord je le nie, un principe religieux était au fond de toutes les sociétés, et quand même il en eût été ainsi, une fois J.-C. venu le droit est complètement changé; il est impossible de ne pas subir les conséquences de sa doctrine repoussée ou acceptée. Si vous l’acceptez, elle fera votre bonheur ici-bas, et le ciel vous attend, mais si vous la repoussez, prenez garde, le christianisme vous a apporté des notions, ne fût-ce que la notion de la dignité humaine, des instincts impérissables, quand ce ne serait que l’instinct de la liberté humaine; mais il vous les a apportées à condition que cette dignité et cette liberté seront dirigées par sa loi, et ces biens ne peuvent être livrés à toute main sans devenir comme le feu ou la poudre aux mains d’un enfant.

Vous ne viendrez pas à nier que J.-C. ait passé par la société et les conséquences de ce passage sont qu’il faut en recevoir le bien ou un châtiment proportionné.

Or, mes frères, en face de cette épouvantable situation qui deviendra de plus en plus grave, que doivent faire de vrais catholiques comme vous? D’abord élever un autel et un trône au fond de notre coeur à J.-C., notre Dieu et notre roi, expions par la prière toutes les corruptions qui nous environnent et protestons par l’exemple de toutes les vertus comme nos pères ont fait sous ce premier empire pourri, l’empire romain.

Ce qui arrivera? peu importe! Les martyrs prévoyaient-ils la croix de Constantin? Et les chrétiens captifs des invasions des barbares, prévoyaient-ils en les convertissant l’empire fondé par Charlemagne?

Oh! que je suis heureux de pouvoir exposer cet enseignement devant un peuple catholique qui s’est tenu à l’abri du souffle empesté de la Révolution! Que je suis heureux de songer qu’il y ait ici des hommes toujours prêts à se ranger du côté de Dieu! Moriamur in simplicitate nostra, disait le vieux Mathathias Macchabée à ses enfants, il nous est bon de mourir pour les justices de Dieu et pour les saintes lois de la patrie!*

En face des ruines que la Révolution a faites, qu’il nous soit bon de rester dans notre simplicité de chrétiens, qu’il nous soit bon de mourir pour la sainte Eglise, catholique, apostolique et romaine; c’est par là que la société, si elle peut être sauvée, le sera.

D’ailleurs nous ne sommes pas de ce monde, souvenons-nous que les épreuves sont passagères et que nos espérances ne sont pas d’ici-bas, attendons le triomphe dans le ciel le jour où notre Sauveur placera sur notre tête la couronne de gloire immortelle.

Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum