Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes

1847 Nîmes Tertiaires Hommes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes
  • Cahier des procès-verbaux 1845-1847
    50 et 51. Séances des 28 février et 6 mars 1847. - La prudence.
  • Ecrits spirituels, pp. 1311-1315, et Cahiers d'Alzon, n° 5, pp. 156-162.
  • DI 208-210, pp. 67-70.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 AMOUR DES ELEVES
    1 AMOUR-PROPRE
    1 AUTORITE DU MAITRE
    1 BONTE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 CONVERSATIONS
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRITIQUES
    1 DISTINCTION
    1 EFFORT
    1 ESPRIT DE L'EDUCATION
    1 ETUDE DES CARACTERES
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FRANCHISE
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 GRACES
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MAUVAISES PENSEES
    1 MEDISANCE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PRUDENCE
    1 PRUDENCE DE LA CHAIR
    1 PUNITION DES ELEVES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFLEXION
    1 REPRESSION DES DEFAUTS DES JEUNES
    1 ROUTINE
    1 SEVERITE
    1 SURVEILLANCE DES ELEVES
    1 TIEDEUR
    1 TIERS-ORDRE MASCULIN
    1 VERTU DE FORCE
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VIGILANCE
    2 BLANCHET, ELZEAR-FERDINAND
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CUSSE, RENE
    2 FERRY, FRANCOIS-LEON
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 JOVENICH
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MONNIER, JULES
    2 PRADEL, ABBE
    2 RUAS
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
  • Tertiaires de l'Assomption
  • Tertiaires Hommes
  • 28 février et 6 mars 1847
  • 1847
  • Nîmes
  • Collège de l'Assomption
La lettre

[50] Séance du 28 février 1847.

Présidence de M. d’Alzon.

Après la vertu de gravité, vient la vertu de prudence, qui ne nous est pas moins nécessaire, soit comme surveillants, soit comme enseignants. Et d’abord, comme surveillants. Nous le sommes tous plus ou moins et à ce titre nous avons tous et tous les jours quelque chose à acquérir au point de vue de la prudence.

[Dans la surveillance]

Nous avons en face de nous le mal; nous avons à combattre la prudence mauvaise des élèves, leurs ruses, leurs finesses, soutenues souvent de l’habileté du démon qui veut chasser Jésus-Christ de leurs âmes pour en prendre possession. Mais s’agit-il de combattre en agissant fin contre fin. Ce serait de la prudence humaine et rien de plus. La prudence du maître chrétien, en dépistant les ruses de l’élève, évite de le blesser; elle le corrige sans le froisser. Est-il si difficile d’ailleurs de découvrir le mal dès qu’on le veut bien? Mais que de blessures viennent aggraver le mal, si l’on n’y emploie la prudence unie à la charité, c’est-à-dire la prudence chrétienne. Le bon médecin sonde la plaie, pour la mieux connaître et la mieux guérir, mais il le fait d’une main délicate, exercée; si, au contraire, une main malhabile va froisser les chairs vives, le sang coule aussitôt et la douleur devient plus cuisante. Il faut donc voir le mal mais avec habileté. L’élève surpris en faute et découvert est comme l’animal pris au piège, il se révolte, il entre en fureur, et finit souvent par se briser le membre qui a été pris; puis il s’échappe quelquefois mais mutilé. Un élève est mauvais, il ourdait une trame avec quelques camarades, mauvais comme lui, ou seulement douteux; que la trame soit mise à découvert sans les ménagements convenables, ces élèves seront sévèrement punis, même exclus: la plupart assurément en deviendront plus mauvais. L’autorité pourra triompher, mais la prudence, où sera-t-elle?

La prudence est encore nécessaire pour savoir marier l’indulgence à la sévérité. Si nous punissons tant, c’est que nous sommes imprudents. A certains moments, nous lâchons trop les rênes, puis nous essayons de les ressaisir, mais nous n’y parvenons qu’au prix d’une sévérité inaccoutumée et de punitions exagérées. Tout bon surveillant doit avoir l’immobilité de la force et rester toujours le même. Celui qui sera fort et serré sur le règlement, obtiendra un ordre plus parfait. Les punitions nombreuses sont souvent une marque de faiblesse et d’inexpérience. On ne domine pas assez ses élèves, parce qu’on ne se domine pas assez. Nous devons former des caractères. Aborder cette tâche sans prudence, c’est s’exposer à déformer les caractères au lieu de les former, c’est risquer de leur donner une fausse direction. Usons donc de prudence dans l’application des punitions. Sachons distinguer avec soin le moment où il faut donner, le moment où il ne faut pas donner telle ou telle punition; le moment de parler, le moment de nous taire.

[Dans l’éducation]

C’est manquer de prudence que de juger, soit entre nous, soit devant les élèves, les paroles ou les actions des autres; c’est manquer de prudence dans son enseignement que de ne point réfléchir et se demander souvent, en songeant aux divers caractères des élèves auxquels on s’adresse, ce qu’on doit enseigner sur tel point, ce que l’on doit réserver. Avons-nous tantôt l’abandon, tantôt la gravité, selon les circonstances et les caractères? Pour nos élèves, les uns sont naïfs et croient tout; les autres sont sceptiques et doutent de tout. Savons-nous adapter notre enseignement à ces natures diverses? Prenons-nous toutes les précautions nécessaires pour arriver à un heureux résultat? En un mot, quelle part la prudence a-t-elle dans notre enseignement? Quels sont nos progrès sur ce point? Avons-nous empêché le mal? En avons-nous prévu les causes? Un maître a tant à se surveiller dans ses moindres paroles, dans ses moindres réponses. Un seul mot peut quelquefois causer tant de désordres, une seule parole empêcher tant de mal!

Voilà le côté humain de la prudence. Envisageons-la maintenant par le côté surnaturel. Par ce côté-là, la prudence est pénible. On a envie de parler, on a certaines idées, certains jugements à communiquer. On sens qu’on ne sera pas prudent, qu’il vaudrait mieux se taire. N’importe, on va en avant, on cède à la tentation de montrer de l’autorité. Les lectures que nous faisons devant les élèves, les jugements que nous portons devant eux doivent aussi attirer notre attention. La prudence est parfois quelque chose de si subtil qu’il peut fort bien arriver qu’on y manque sans s’en apercevoir. C’est là une affaire de tact. Sans doute, le tact se donne ou ne se donne pas; on l’a ou on ne l’a pas. Mais alors même qu’on l’a en soi, il peut être endormi, il faut le développer, le former. Lui seul permettra de pratiquer la prudence, dans nos rapports de professeur à surveillant et de surveillant à professeur, dans les jugements que nous portons les uns sur les autres en présence des élèves. N’oublions jamais que c’est un devoir pour nous de nous faire valoir les uns les autres. Dans combien de circonstances n’arrive-t-il pas que les élèves apprennent à juger d’un maître par les paroles d’un autre maître? Quelle imprudence n’y a-t-il pas à autoriser des critiques malveillantes, des jugements indélicats par les jugements et les critiques d’une langue intempérante?

[La vertu de prudence]

Qu’est-ce que la prudence dans son principe? Une certaine disposition qui porte le chrétien à éviter le mal. Si le zèle pratique le bien, la prudence se tient à l’écart du péril. Or, le péril est partout, et si nous ne voulons y succomber, la fuite est nécessaire. Souvent, l’imprudence de notre conduite a pu avoir des conséquences fâcheuses par rapport aux élèves: c’est que nous ne nous sommes pas observés, pas contenus; c’est que nous n’avons pas su prévoir. Et cependant c’est là le mérite, la vertu. Plus on lit l’Evangile, plus on est frappé de l’extrême prudence de notre divin Sauveur dans tous ses discours et dans toutes ses actions. On admire ses réponses à douze ans; et plus tard, aux jours de sa vie publique, comme il est habile à prévoir les conséquences de ses moindres paroles, de ses moindres démarches. Avons-nous cette vigilance chrétienne? Pour pouvoir surveiller les autres, il faut être d’abord prudent à nous surveiller nous-mêmes. Le maître chrétien qui doit avoir la prudence pour deux, doit savoir aussi qu’il n’acquerra pas la prudence convenable, s’il ne l’exerce pas d’abord sur lui-même.

Faisons sur nous-mêmes un examen sévère: que cette vigilance et cette attention soient de tous les instants. Faisons-en notre affaire personnelle. Soyons prudents dans notre extérieur, la prudence extérieure se traduira par la tenue; la tenue est fille de la prudence qui, par ce côté-là, s’allie à la gravité. Demandons-nous si, à ce point de vue, nous ne nous compromettons pas quelquefois. Et soyons prudents pour éviter certains épanchements, car c’est donner à l’enfant un avantage dont il abuse volontiers. L’enfant est si habile à prendre le dessus sur le maître qui s’épanche avec lui. Et pourtant ces épanchements sont nécessaires: ils ouvrent le coeur de l’enfant et gagnent sa confiance; dans eux, point d’action efficace sur le caractère et le coeur des élèves. La vertu de prudence pourra seule nous indiquer la mesure et la limite. Nous calculerons jusqu’où nous devons aller avec tel ou tel élève, pour ouvrir son coeur et ne pas lui ouvrir le nôtre, pour rester maîtres de nous, tout en nous abandonnant. Tout cela exige une profonde connaissance du coeur humain. Etudions-le sur nous-mêmes et sur les enfants. Pour acquérir cette action et cette influence qui doivent être notre principal secours, dans notre coeur d’éducateurs il faut avoir du tact, de l’observation, de la tenue, qualités qui impliquent beaucoup de réflexion.

Par-dessus tout, proposons-nous la gloire de Dieu. Souvent dans notre action sur les enfants, nous pensons trop à nous-mêmes. Rapportons au contraire à Dieu les tentatives faites pour former ces jeunes coeurs. Ce n’est qu’en ayant cette vue supérieure que nous parviendrons à les préserver du mal, à les conduire au bien.

Procès-verbal rédigé par M. Durand.

[51] Séance du 6 mars 1847.

Etaient présents: MM. Eugène Henri, Tissot, Laurent, Pradel, Blanchet, Cusse, Ruas, Ferry, Sauvage, Cardenne, Jovenich, Durand, Monnier.

Présidence de M. d’Alzon.

M. d’Alzon nous suggère quelques considérations pieuses à l’occasion du Jubilé. Envisageons-le comme un temps de pénitence et de miséricorde. Retrempons-nous dans une vie nouvelle. Apportons-y des vues de foi.

Souvent les cérémonies de l’Eglise, ses grandes fêtes, ses grandes époques ne nous frappent pas: nous y trouvons une certaine monotonie qui nous laisse insensibles. Un Jubilé surprend davantage, excite, frappe plus fort; nous sortons en quelque sorte de la routine pieuse.

Dans le Jubilé que la Providence nous a ménagé cette année, prenons un esprit sérieux de pénitence, pénétrons-nous d’une plus vive horreur du péché. Demandons à Dieu la ferme volonté de nous en dégager, de nous convertir.

Sans doute nous sommes des convertis, nous sommes des honnêtes gens, nous avons un certain christianisme extérieur, nous avons quelques bonnes habitudes religieuses. Mais sommes-nous fervents, zélés? N’allons-nous pas plutôt par moments à la dérive?

Estimons-nous heureux que l’Eglise nous rappelle à la ferveur, à l’activité, à des résolutions énergiques et qu’elle nous arrache à la somnolence de la tiédeur et de la routine. Hélas! que d’imperfections en nous! que de jugements téméraires! que d’imprudences! que d’entraînements! que de mauvaises pensées!

Rendons-nous compte de la perfection que Dieu exige dans l’accomplissement habituel des devoirs de la vie. Remontons aux sentiments surnaturels, reprenons les efforts courageux, comprenons une bonne fois les grandes et solennelles obligations que nous impose notre titre de chrétien: donnons beaucoup à Dieu. Il nous demande quelque chose de plus que ce que nous sommes actuellement, voulons-nous le lui refuser?

Jubilé. – Entrons dans la pensée de l’Eglise: c’est le temps des saints désirs, des aspirations affectueuses. Concevons donc de vifs désirs d’avancement spirituel, de progrès soutenus, efficaces, manifestes. Nous pouvons être bons, mais quelles limites donner à la perfection? La grâce veut faire de nous des saints: le voulons-nous? Les demandes de Dieu sont-elles imprudentes et une folie? Il nous demande d’arriver à sa propre sainteté: y voulons-nous donc répugner toujours?

Quels obstacles objecter? Notre faiblesse? Elle est grande assurément; mais quelle mesure à la grâce de Dieu pouvons-nous craindre? Elle agit en nous, elle fait effort pour produire des fruits de perfection. La retiendrons-nous toujours captive, faute de nous abandonner généreusement à l’action de Jésus-Christ?

Notes et post-scriptum