Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes

jul 1846 Nîmes Tertiaires Hommes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes
  • Cahier des procès-verbaux 1845-1847
    33 à 35. Du 5 au 29 juillet 1846.
  • DI 208-210, pp. 35-39.
Informations détaillées
  • 1 ADMISSION AU TIERS-ORDRE
    1 AMOUR-PROPRE
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 ASSOCIATION DE L'ASSOMPTION
    1 AUTORITE DU MAITRE
    1 CLASSES SUPERIEURES
    1 CLERICAUX
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONTRARIETES
    1 DISTINCTION
    1 DOUTE
    1 EGOISME
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 ESPERANCE
    1 ESPRIT CHRETIEN
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 FOI
    1 HUMILITE
    1 INSENSIBILITE
    1 LAICISME
    1 LUTTE CONTRE LE CORPS
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MORT
    1 MORTIFICATION
    1 MORTIFICATION CORPORELLE
    1 ORGUEIL
    1 OUBLI DE SOI
    1 PARESSE
    1 PATIENCE
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 RATIONALISME
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TIERS-ORDRE MASCULIN
    1 TRAVAIL
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE PRIERE
    2 BEDE LE VENERABLE
    2 BLANCHET, ELZEAR-FERDINAND
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CUSSE, RENE
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 EVERLANGE, PIERRE-EMILE-LEON D'
    2 FOURNERY, LOUIS
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GUYHOMAT, ABBE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 HENRI, ISIDORE
    2 JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE, SAINT
    2 JOVENICH
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MONNIER, JULES
    2 RANCE, ABBE DE
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 SURREL, FRANCOIS
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 REIMS
  • Tertiaires de l'Assomption
  • Tertiaires Hommes
  • 5, 12 et 29 juillet 1846
  • jul 1846
  • Nîmes
  • Collège de l'Assomption
La lettre

[33] Séance du 5 juillet 1846.

Présents: MM. d’Alzon, Tissot, Henri, Laurent, Cusse, Cardenne, Jovenich, Monnier, Durand, Sauvage, Decker.

Présidence de M. d’Alzon.

M. d’Alzon répond à quelques objections qui lui sont faites au sujet des deux derniers entretiens. Il avait signalé comme un avantage de l’esprit laïque l’aptitude à l’investigation, à la critique, lesquelles sont un principe de science. N’est-il pas à craindre dans notre Association que le laïque, à mesure qu’il avance dans les idées religieuses, à mesure qu’il s’unira davantage avec le prêtre, ne perde cet esprit de critique pour l’influence prédominante de l’esprit d’autorité?

Il suffit de s’entendre sur le sens des mots. Il y a une critique, un doute chrétien, il y a une critique, un doute anti-chrétien, incrédule; un doute orgueilleux et un doute humble. Oui, le laïque se dépouillera de ce qu’il y a d’orgueilleux et d’incrédule dans son doute, dans sa curiosité, dans sa critique, afin de retourner, plus pure et plus sanctifiée, contre le monde une arme qu’il avait employée jusqu’ici contre l’Eglise. Rien n’est à regretter dans cette influence exercée par l’idée religieuse. L’esprit de critique demeurera, moins le mal. N’aura-t-il pas gagné à ce dépouillement, à cette épuration salutaire?

Mais l’esprit religieux n’enlèvera-t-il pas à ce doute, même légitime, toute son énergie? Il sera épuré, sans doute, mais n’aura-t-il pas été diminué? – L’histoire littéraire répond suffisamment à cette objection. St Thomas procède par le doute chrétien: sa critique et sa discussion en sont-elles pour cela sensiblement affaiblies?

Dans le domaine des sciences positives, les corporations religieuses n’ont-elles pas cependant été inférieures à la science laïque? – Au Moyen-Age la science a été concentrée entre les mains des corps religieux, qui nous ont laissé d’admirables travaux. Si avec le monopole de la science, et sans le stimulant de la rivalité laïque, la science des religieux a été si puissante, que ne ferait-elle pas avec la concurrence? Il est faux que l’esprit religieux n’ait pas honorablement suivi le mouvement scientifique imprimé aux temps modernes. Les Jésuites, les Bénédictins, etc. de nos jours, ont donné des noms encore illustres et vénérés qui font autorité parmi les savants. Après tout il faut amener l’objection à ses dernières limites, et la réduire à cette seule question: l’esprit d’Association éteint-il l’un ou l’autre esprit? – Non, assurément. Il le fortifie au contraire. – Retranchons l’Association, et mettons en regard l’esprit laïque et l’esprit ecclésiastique: lequel devra l’emporter? Si l’esprit laïque domine, la religion tombe. La conséquence est inévitable. Faut-il l’accepter?

Il y a opposition évidemment entre les deux esprits. Mais un rapprochement est-il impossible? Il s’agit seulement de bien déterminer le milieu par lequel peut s’opérer cette conciliation.

La vérité doit être défendue aujourd’hui par la science. C’est sur ce terrain que se placent aujourd’hui les intelligences d’élite du catholicisme. La critique et la discussion sont admises de fait par le catholicisme: il engage la lutte contre le monde dans l’esprit même du monde. Acceptons cette position. Notre Association nous donne les moyens de nous y maintenir avec avantage, en nous conduisant à une foi plus forte: l’esprit ecclésiastique cède quelque chose du principe d’autorité, l’esprit laïque abandonne une part de son indépendance. Ils ne s’isolent plus, ils se rapprochent dans un centre commun, l’association religieuse.

Des écueils se rencontreront. L’un des deux esprits peut tendre à absorber l’autre. Mais le plus grand danger n’est pas là: il est surtout dans le manque de dévouement et dans l’oubli du sacrifice. De chaque côté il faut se déposséder sans cesse pour s’élever toujours. Agir pour le bien seul, pour la vérité seule, sans y chercher sa propre satisfaction, avec un désintéressement absolu.

Maintenant le monde aura-t-il confiance en nous? Le monde incrédule, non. Mais nous n’agirons jamais ou bien peu sur lui. Laissons-le nous juger, avançons toujours. Les chrétiens nous comprendront bientôt. Et c’est aux chrétiens que nous nous adressons. Comment attirer à nous? Comment opérer des rapprochements désirables? En nous posant d’une manière respectable. Et puisqu’aujourd’hui tout se porte vers la science, recommandons-nous par la science. Dieu fera le reste.

[34] Séance du 12 juillet 1846.

Présents: MM. d’Alzon, Tissot, Surrel, Henri, Laurent, Cusse – Blanchet, d’Everlange, Cardenne, Monnier – Decker, Sauvage – Guyhomat.

Présidence de M. d’Alzon.

M. Guyhomat est admis aux réunions de l’Association.

M. d’Alzon insiste sur le sens qu’il prétend attacher au doute qu’il appelle légitime. Il n’accepte le doute que comme l’expression de la conviction de l’impuissance de la raison. Mais il repousse le doute cartésien, comme funeste dans son esprit, puisqu’il est venu aboutir aux excès de la philosophie moderne.

Il revient encore sur quelques objections, particulièrement sur les méfiances que nous pouvons inspirer au monde. Vouloir répondre à toutes les objections, c’est s’exposer à des objections sans fin. Il faut accepter une position prise, et toutes ses conséquences. Non seulement dans le monde incrédule, mais encore parmi les catholiques nous serons l’objet de certaines méfiances. Les uns nous accuseront de n’être pas assez religieux, parce que nous introduisons le laïque dans l’éducation, les autres nous trouveront trop religieux et nous reprocheront d’empreindre l’esprit laïque d’habitudes trop ecclésiastiques. – Ne nous occuppons que des reproches sérieux et raisonnables. Au milieu des obstacles, allons toujours en avant, et abandonnons-nous à Dieu. Ayons par-dessus tout l’esprit de J.C. Puis tenons compte s’il le faut des circonstances, mais sans servilité. Rappelons-nous toujours que la question pour nous n’est pas une question de plaire ou de déplaire par rapport au monde qu’il est impossible de contenter, mais une question de foi.

M. d’Alzon abandonnant ses réflexions nous communique les impressions qu’il a recueillies de la lecture des vies de l’abbé de La Salle et de l’abbé de Rancé. Il s’arrête particulièrement aux idées pratiques que l’histoire de leur vie peut nous fournir, et aux applications que nous pouvons en faire pour la direction de notre conduite dans l’oeuvre de l’Assomption.

D’abord une chose le frappe et le console: les contradictions que tous les deux trouvèrent dans l’établissement de leur Oeuvre. L’abbé de La Salle est hué par le peuple de Rheims, désapprouvé de son archevêque, blâmé par le chapitre des chanoines. L’abbé de Rancé est traité d’esprit bizarre, orgueilleux, visant à l’extraordinaire. Premier fruit pour nous à recueillir. Attendons-nous aux contradictions. Nous en éprouvons déjà, supportons-les paisiblement: ce n’est qu’un flot qui passe. L’abbé de La Salle les bravait avec une sorte d’obstination, l’abbé de Rancé avec un calme supérieur, et une patiente indifférence. Imitons de préférence la patience et le calme du Trappiste.

Quel fut l’esprit de l’abbé de La Salle et de l’abbé de Rancé quant au développement de la vie chrétienne? – Chez tous deux une mortification sévère; mais l’abbé de La Salle s’adressant à des natures plus grossières, les austérités de sa pénitence ont quelque chose de violent, d’excessif: le corps est rudement châtié. L’abbé de Rancé, sans ménager assurément le corps, semble préférer cependant les mortifications spirituelles. Il s’adresse au coeur et à l’intelligence; ce genre de discipline semble nous convenir plus particulièrement.

Chaque saint a une physionomie qui lui est propre, un extérieur, une tenue à lui. L’abbé de La Salle, qui devait s’adresser au peuple, a dans ses manières une certaine rudesse d’allures. L’abbé de Rancé apporte à la Trappe quelque chose du bon ton, de la dignité, de la noblesse de son éducation. Nous nous adressons surtout aux classes élevées de la société. La physionomie de l’abbé de Rancé peut heureusement nous servir de modèle. Il nous convient aussi de prendre ces habitudes dignes, ces manières distinguées qui recommandent l’homme bien élevé. Elles sont d’ailleurs un secours, une sauvegarde contre le laisser-aller des instincts inférieurs.

Dans l’abbé de Rancé comme dans l’abbé de La Salle éclate une grande confiance en Dieu. Prenons cette confiance virile. Ne reculons pas. Avançons intrépidement. On nous traitera de fous, on nous blâmera; laissons passer miséricordieusement ces petits bruits d’en bas. Maintenons-nous dans une grave et simple tranquillité.

[35] Séance du 29 juillet 1846.

Présents: MM. d’Alzon, Tissot, Surrel, Laurent, Cusse, Cardenne, Jovenich, Monnier, Isidore, Guyhomat, Sauvage.

Présidence de M. d’Alzon.

M. d’Alzon nous lit le récit de la mort du vénérable Bède, et nous donne quelques détails sur les travaux de ce savant illustre.

Prenons là un modèle. La mortification, les austérités, les pratiques, la prière, l’étude, l’enseignement, ces grands saints savaient tout allier, et se posséder dans cette discipline rigoureuse de l’âme et du corps. Maîtres de tout leur être, ils prenaient en quelque sorte leur âme à deux mains et la broyaient doucement, avec calme, avec puissance. Chaque acte d’autorité exercé ainsi sur l’esprit et le corps doublait leur énergie et les établissait dans une habitude permanente de force et de vigueur.

Apportons cet esprit dans le travail.

Accoutumons-nous à envisager le travail comme une mortification salutaire, prenons-le en esprit de pénitence. Mêlons la prière au travail. Elle en fera disparaître l’aridité, et la fécondera.

Beaucoup d’oraison, beaucoup de travail: c’est le moyen de nous inspirer le courage pour nous surmonter, pour nous enlever à la nullité des occupations frivoles, inutiles, perdues pour le bien. C’est le remède efficace contre l’oisiveté de l’ignorance, contre l’orgueil de la science. Le travail donne le goût de l’activité, la prière varie favorablement le travail, repose l’esprit, lui donne plus de souplesse, ne laisse pas s’éteindre le feu du coeur. C’est la récréation de la science.

M. Sauvage fait ses adieux à la Réunion. Plusieurs de nos enfants ont offert leur communion à son intention. Nous nous entretenons de cette délicatesse moins rare qu’on ne le croit dans le coeur des enfants, et qui domine leurs petits égoïsmes. C’est un élément qu’il ne faut pas négliger dans l’éducation. Développons ces sentiments de délicatesse. Ils appartiennent surtout à l’éducation chrétienne, et lui donnent une fraîcheur, une sérénité, que l’on ne trouve pas en dehors du sentiment religieux. Cultivons l’esprit de nos enfants, mais développons aussi leurs coeurs.

Il n’y a pas eu de réunion le dim[anche] 26. – Mort de notre jeune confrère l’abbé Louis Fournery.

Notes et post-scriptum