- Aux Oblates de l'Assomption
- Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
Quatrième instruction. - 4 décembre 1874 - CN 16, pp. 57-58.
- 1 ABUS DES GRACES
1 CHARITE ENVERS DIEU
1 CHATIMENT DU PECHE
1 CORDIALITE
1 DESIR DE LA PERFECTION
1 DISTINCTION
1 EFFORT
1 EPOUSES DU CHRIST
1 EPREUVES DE L'EGLISE
1 GENEROSITE
1 HUMILITE
1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
1 INSENSIBILITE
1 JUSTICE DE DIEU
1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
1 NOEL
1 OBLATES
1 PROLETARIAT ADVERSAIRE
1 SEVERITE
1 SPIRITUALITE TRINITAIRE
1 TRAVAIL
1 VERTU DE PAUVRETE
1 VIE DE PRIERE
1 VIE DE SACRIFICE
2 ADAM
2 DUGAS, JEANNE DE CHANTAL
2 EVE
2 INNOCENTS, SAINTS
2 LAURENT, CHARLES
3 FRANCE
3 NICE - Oblates de l'Assomption
- Oblates
- 4 décembre 1874
- 4 DEC 1874
Mes chères filles,
La dernière fois, je vous ai parlé de la bienveillance que vous deviez avoir vis-à-vis des inférieurs, vis-à-vis des enfants et enfin vis-à-vis des supérieurs. Je me propose aujourd’hui de vous entretenir de la bienveillance que vous devez avoir envers Dieu. Bienveillance qui vous portera à lutter contre vous-même, à combattre vos défauts pour être agréables à Notre-Seigneur. Croyez que vous êtes bien mauvaises pour Dieu, oubliant sans cesse la dette immense de reconnaissance que vous lui devez pour tout ce que vous avez reçu de Lui. Que devrait être, dites-moi, une religieuse qui non seulement est la créature de Dieu, ayant reçu l’être et la vie, l’enfant de Dieu, par le don de la foi et la grâce du baptême, est encore appelée par une prédestination toute miséricordieuse à être son épouse bien-aimée? Et vous, mes filles, destinées à une mission spéciale par votre vocation d’Oblate, vous avez encore là un autre motif de reconnaissance envers l’Epoux divin qui vous a choisies comme ses apôtres et ses envoyées pour lui gagner des âmes. Quelle ne doit pas être l’ardeur de votre amour pour Lui. Marchez donc dans une très grande charité vers ce Dieu si bon qui est votre Père, qui vous a donné son fils pour époux et son Saint-Esprit pour embraser vos coeurs; et qui attend de vous une vie forte et généreuse. Est-ce ce que vous faites? Hélas non, vous êtes de bonnes filles et c’est là votre malheur. Le jour des Saints Innocents, un ancien élève faisant l’ordre du jour dit en parlant de moi: Il avait fait des plans fort beaux sur le papier mais… Vous aussi, mes filles, vous faites de même. Le jour d’une prise d’habit, le jour d’une profession, on fait des plans magnifiques mais hélas, ils sont toujours à l’état de projet et ne deviennent jamais une réalité. Craignez cependant une religieuse vulgaire; car les religieuses vulgaires contentes d’elles-mêmes sont plus à redouter dans une communauté que les religieuses mauvaises. Celles-ci font de grosses bêtises comme vous en avez fait il y a quelque temps mais par une certaine sévérité, une certaine rigueur, on parvient parfois à les corriger, ce qui est à peu près impossible pour une religieuse vulgaire. Qu’êtes-vous, dites-moi, venues faire ici? serait-ce pour être une religieuse vulgaire qui cache ses sottises sous son voile? Que Dieu vous en préserve! non, croyez-moi, tâchez de mettre dans toute votre conduite une certaine distinction; distinction non extérieure, mais cette distinction spirituelle qui plonge ses racines et puise sa vie dans un élément divin. Je veux être une religieuse vraiment distinguée dans l’ordre surnaturel, et pour cela je veux être généreuse et faire tous les sacrifices que Notre-Seigneur demande de moi. D’ici Noël examinez un peu votre vie; à quoi bon être habile envers Dieu; à quoi cela sert-il? Adam et Eve voulurent être habiles en jetant la faute sur le serpent; furent-ils épargnés pour cela? non, ils furent punis tous deux. C’est ce qui nous arrivera un jour si nous faisons le mal, quelque excuse que nous alléguions alors pour nous justifier. La conclusion de ceci, mes enfants, est que nous devons prendre garde de ne point abuser des grâces comme nous l’avons fait jusqu’ici; préparons-nous sérieusement à la fête de Noël, afin de faire naître Notre-Seigneur en nous il faut que nos coeurs soient si bien disposés que le divin enfant y trouve ses délices; une mère ne prépare-t-elle pas sa layette pour le fils qu’elle attend? C’est un travail immense que je vous donne à faire; voyez cette délicatesse exquise que vous devez apporter dans l’acquisition des vertus qui vous manquent. Délicatesse dans l’humilité sincère, délicatesse dans la charité, délicatesse dans la pauvreté, etc. Qu’êtes-vous devant Dieu? Néant et péché; hélas, depuis l’âge de raison que de péchés n’avez-vous pas commis; et si vous avez fait le mal, ne devez-vous pas le réparer? Renouvelez-vous dans la sainteté du Père, la perfection du Fils, l’ardeur du Saint-Esprit. Prenez la résolution absolue de vous mettre généreusement à l’oeuvre et de ne vous ménager en rien. Qu’il est triste de n’avoir affaire qu’à de bonnes filles. Quand prendrons-nous le parti de laisser ces idées humaines et de devenir des saints. Quand imiterons-nous la Très Sainte Vierge qui prend le plus pur de son sang pour former le corps de l’enfant divin. Depuis quelque temps je comprends de plus en plus toute la nécessité qu’il y a d’être très difficile pour les admissions et un supérieur, s’il veut se sauver, doit exiger beaucoup de ses novices et les former surtout à savoir se donner et se donner entièrement, avec générosité, avec ardeur. Je disais hier au Père Laurent que depuis longtemps et dans aucun endroit je ne me suis trouvé à l’aise comme je le suis ici au milieu de mes filles; mais justement puisque je suis à l’aise au milieu de vous, je veux en profiter pour vous dire franchement vos vérités et combattre fortement tous vos défauts. Je suis résolu à devenir très sévère pour vous, à être vraiment père mais non pas bon papa et je prie votre Mère et aussi Soeur Jeanne de me dire tout ce qu’on pourrait remarquer de mal en vous. Je suis obligé devant Dieu d’exiger dans mes filles une vraie transformation. Voici l’avant-dernière instruction avant mon départ; eh bien! je veux à mon retour de Nice constater de vrais progrès; la condition pour cela c’est que vous ne soyez pas des filles humaines. Posez-vous souvent cette question: Que suis-je venue faire ici? Au milieu de toutes les persécutions que subit l’Eglise, les communautés religieuses ne sont point épargnées et vraiment, mes filles, les temps sont si mauvais que je ne sais ce que l’avenir nous prépare. Je lisais dans un journal anglais ces paroles épouvantables: O bourgeois, nous aurons notre vengeance, que vos têtes soient blanchies ou non, nous les faucherons et nous nous en prendrons non seulement à vous mais à vos femmes et à vos filles. Jugez si avec de tels sentiments dans le peuple, les religieuses peuvent être bien en sûreté dans leur couvent. Si Dieu épargne encore la France, c’est en faveur des bons qui s’y trouvent, méritez-vous d’être comptées au nombre des bons? Quand profiterez-vous des avis sévères qui vous sont donnés? Les temps s’annoncent si mauvais que ceux mêmes qui voulaient de la république n’en veulent plus; je compte beaucoup cependant sur la bonté de Dieu et crois que la France verra encore de beaux jours mais en attendant, des flots de sang seront répandus. Que je sois pris pour otage ne m’étonnerait nullement; mais si je suis fusillé, vous pourriez bien être pendues. Pour conjurer ces catastrophes épouvantables qui se préparent, pour combattre de tels ennemis, vos armes à vous, mes filles, c’est la prière, c’est le travail, ce sont les vertus que vous acquerrez et qui désarmeront peut-être le bras de Dieu. Les circonstances sont graves, très graves, demandez à Notre-Seigneur de savoir vous soumettre si c’est sa justice qui triomphe ou de profiter de la crainte que vous inspire l’attente de ces événements si c’est sa miséricorde.