- Aux Oblates de l'Assomption
- Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
Troisième instruction. - Ier décembre 1874 - CN 16, pp. 55-56.
- 1 ABUS DES GRACES
1 AMOUR-PROPRE
1 ANGLAIS
1 ANTIPATHIES
1 BON EXEMPLE
1 BONTE
1 CORDIALITE
1 CRITIQUES
1 DOUCEUR DE JESUS-CHRIST
1 ENFER
1 GENEROSITE
1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
1 HUMILITE
1 HYPOCRISIE
1 IMITATION DE JESUS CHRIST
1 MEDISANCE
1 OUBLI DE SOI
1 PATIENCE
1 PENITENCES
1 RESPONSABILITE
1 SATAN
1 SUPERIEURE
1 UNION DES COEURS
2 BIBIANE, SAINTE
2 WISEMAN, NICOLAS - Oblates de l'Assomption
- Oblates
- 1 décembre 1874
- 1 DEC 1874
Mes chères enfants,
Notre dernier entretien a été sur l’humilité par rapport à Dieu. Je vais vous la présenter aujourd’hui sous le rapport de la bienveillance. On voit tout en mal dans les autres; leurs actions sont mauvaises, leur manière de voir et même leurs intentions sont jugées impitoyablement et condamnées par nous sans aucune miséricorde. Bon nombre de religieuses sont tellement confites en elles-mêmes qu’elles n’ont pas le temps d’être bienveillantes; elles sont si bien persuadées de leur propre mérite, de leurs vertus éminentes qu’elles n’aperçoivent que les défauts d’autrui. Une religieuse qui a reconnu devant Dieu qu’elle n’est que misère et péché, et que par conséquent elle n’a droit à rien, sera tout naturellement bienveillante et bonne envers tous. Ma bien-aimée est un lys au milieu des épines, telles sont les paroles par lesquelles Notre-Seigneur désigne ses épouses; mais hélas! que de fois le lys est transformé en fagot d’épines, que de religieuses mériteraient une telle appellation et alors si elles sont portières, elles seront épineuses avec les pauvres, les rebutant, les renvoyant durement; envers les gens du dehors, les enfants; faisant attendre longtemps à la porte, étant maussades et paraissant toujours être de mauvaise humeur. Si elles ont une charge dans la maison elles auront toujours l’air d’être dérangées par ceux qui viennent, contrariées de ce qu’on leur demande ou de ce qu’on ne leur demande pas. Ma bien-aimée a toujours un coup de patte envers les unes ou envers les autres; elle se trouve malheureuse, le joug lui pèse, les observations l’irritent, elle murmure, elle se plaint et de tout cela résulte quelquefois la décadence d’une communauté tout entière.
Une religieuse qui veut imiter Notre-Seigneur a bon caractère, elle est bienveillante envers ses soeurs et bonne avec les enfants. Jésus-Christ n’a-t-il pas dit: Laissez venir à moi les petits enfants, il les appelle tous malgré leurs défauts. Bienveillante pour les enfants elle les aime non pas eux mais Notre-Seigneur en eux. C’est une affection surnaturelle qui élève l’âme et fait voir dans ces jeunes coeurs l’image vivante de Notre-Seigneur Jésus-Christ, image quelquefois imparfaite mais qu’on cherche à rendre de plus en plus semblable au divin modèle. Pour celles d’entre vous qui s’occupent des enfants, mes filles, voilà un apostolat ignoré mais magnifique, en attendant que l’on vous envoie en mission si vous en êtes jugées dignes. Maintenant examinez, je vous prie, la bienveillance dans vos rapports avec les soeurs. Voilà une religieuse avide de mortifications, elle demande à prendre la discipline, à faire des pénitences et elle ne songe pas que par son mauvais caractère elle est une vraie pénitence pour toutes celles qui l’entourent. Qu’elle tâche donc de se corriger d’abord et qu’au lieu de voir la paille qui est dans l’oeil de sa voisine elle aperçoive avant la poutre qui est dans le sien. Mais, direz-vous, on a des torts envers moi, on m’a fait telle chose; on a eu tel mauvais procédé; mes chères enfants, c’est alors le moment de mériter. Mais il faut savoir bien prendre toute chose et être bienveillante à l’exemple de Notre-Seigneur qui malgré toutes nos offenses, nos péchés, est cependant toujours le même dans nos adorations et dans nos communions; toujours la même douceur, la même mansuétude, la même bienveillance. Pourquoi ne seriez-vous pas bonnes? Pourquoi ne pas changer? Où en sommes-nous de la bienveillance? Il peut arriver quelquefois que l’on soit obligé de juger, soit pour les enfants, si vous vous en occupez, soit pour quelque emploi dont on vous a chargé.
Il y a dans un couvent une personne qui est réellement à plaindre; c’est la supérieure. Elle l’est sous plusieurs rapports et d’abord, tout ce qu’elle peut dire est souvent mal interprété; ses observations sont prises en mauvaise part et quant à la bienveillance envers elle, elle n’existe pas; le coeur de quelques religieuses est vide de ces bons sentiments et ne se trouve rempli que d’ennuis, de chagrin et de soupirs. L’homme humble ou plutôt la religieuse humble ne se mêle que de ce qui la regarde, grand principe pour conserver la paix. Vous, mes enfants, vous n’avez à répondre que de vous-mêmes, mais votre Mère a la responsabilité de vous toutes, eh bien, sachez que suivant votre conduite, votre soumission, votre bienveillance, vous allégez sa charge ou vous en augmentez le poids. Combien êtes-vous de religieuses? 48, ou à peu près, représentez-vous votre Mère entourée de 48 sacs pleins d’amour-propre; qu’on vienne à en presser un, aussitôt il éclate. Voyons, voulez-vous être des religieuses pleines de vous-mêmes ou faire comme Notre-Seigneur qui ne s’est pas complu un seul instant dans ses perfections infinies. Je crois que si vous voulez prendre au sérieux le peu que je vous dis, vous serez bientôt transformées et vous deviendrez de très bonnes religieuses; mais si vous ne profitez pas des grâces qui actuellement vous sont données, malheur à vous! oh oui, malheur à vous! Notre-Seigneur, bien près de se séparer de ses disciples, leur dit: Aimez-vous les uns les autres; c’est ce que vous devez faire dans ce moment, oubliez vos torts passés, que tout soit effacé de votre mémoire et priez beaucoup les unes pour les autres. Votre Mère souffre du coeur ces temps-ci, je crois, mes enfants, que le bon Dieu élargit le coeur de votre Mère. Que chaque religieuse ait pour sa mère et pour ses soeurs cette grande bienveillance. Je prie beaucoup pour vous, ces temps-ci, et un de mes grands chagrins c’est que vous n’ayez pas encore cette immense charité qui attire tout à elle. Vous devriez attirer des vocations; vous devriez attirer des élèves afin de pouvoir faire du bien à un plus grand nombre d’âmes. Le cardinal Wiseman avait un frère que j’ai beaucoup connu et avec qui je m’étais intimement lié. Un jour il me dit ce mot charmant, surtout dans la bouche d’un Anglais: Je te veux du bien. Mot que vous devriez prononcer pour chacune de vous et dont l’ensemble formerait un petit foyer de bienveillance, de bonté, de charité. Quand commencerez-vous; quand donc l’esprit d’aigreur aura-t-il disparu? Remarquez, mes enfants, qui est-ce qui blâme et d’où vient le blâme. Il n’y a que le démon et ses partisans qui blâment et trouvent toujours à redire. Dans le ciel il n’y a pas de blâme, il ne vient que de l’enfer. Une religieuse qui se permet de blâmer, à qui appartient-elle donc? Si vous saviez (mais vous le savez déjà un peu par expérience) tout le mal que l’on fait à une communauté par ces considérations aigres-douces.
Aujourd’hui, qu’allons-nous promettre à Notre-Seigneur? c’est chose bien facile: Nous serons bienveillantes pour tout le monde. Quelle est celle qui à partir de cet instant, va se mettre à traduire dans sa vie toutes les observations que je vous fais? Allons, vous allez vous mettre généreusement à devenir une communauté bienveillante qui sera alors un foyez d’amour pour Notre-Seigneur et pour le prochain. Oubliez-vous vous-mêmes, mes chères filles, et vous arriverez par là à la sainteté; soyez généreuses comme sainte Bibiane(1) qui pour conserver sa chasteté souffrit courageusement le martyre.