Retraite sur l’esprit des Oblates de l’Assomption.

Informations générales
  • TD51.300
  • Retraite sur l'esprit des Oblates de l'Assomption.
  • I - Instruction pour la veille de la retraite.
  • Orig.ms. ACOA; cop.ms. J48; T.D. 51, pp. 300-306.
Informations détaillées
  • 1 ENERGIE
    1 HUMILITE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 OBLATES
    1 PERSEVERANCE
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 ROUTINE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VOIE UNITIVE
    3 BULGARIE
  • Oblates de l'Assomption.
  • septembre 1876
  • Nîmes
La lettre

Et factum est in diebus illis, exiit in montem orare, et erat pernoctans in oratione Dei.

Si la retraite est utile à tous les chrétiens, elle l’est surtout aux âmes religieuses et plus particulièrement encore aux Oblates de l’Assomption. Leur vocation est la vie active, mais à une condition, c’est qu’à certaines époques elles se recueilleront beaucoup plus sévèrement et qu’elles se livreront à la vie de prière et de contemplation.

Veuillez vous souvenir, mes filles, que je tiens de la manière la plus formelle à ce que vos retraites soient faites très exactement ici à la maison mère, et en Bulgarie, enfin partout où vous serez envoyées. Que cette recommandation très expresse ne soit jamais oubliée pr vous. Une oblate qui ne serait pas fidèle à sa retraite serait une bonne fille peut-être, mais positivement deviendrait bientôt une triste religieuse.

Que doit être la retraite d’une oblate?

Je le trouve dans le texte que j’ai pris:

Il arriva dans ces jours que Jésus alla à la montagne pour prier, et il passait ses nuits dans la prière de Dieu.

D’où je conclus

1° A la nécessité de la séparation d’avec le monde, « exiit ».

2° « exiit in montem », il se sépare en s’élevant.

3° « orare ». Pour se livrer à la prière qui purifie.

4° « et erat pernoctans ». La persévérance.

5° « in oratione Dei ». La prière qui unit.

1° Séparation du monde.

Vous devez vous séparer de quoi? de votre vie ordinaire, de vos idées habituelles, de vos pensées, de votre routine.

1. – Vous devez vous séparer de votre vie ordinaire. Vous êtes une bonne fille, mais que vous êtes loin d’être une sainte! Jetez un regard sur le temps écoulé depuis votre dernière retraite, que d’habitudes du monde, que de conversations peu dignes d’une religieuse, que de plaintes, que de murmures, que de manques de charité!

Tout cela est permis ou plutôt toléré chez une personne du monde. Tout cela peut-il être toléré chez une religieuse? Evidemment non. Pourtant, c’est chez vous. Combien de temps accepterez-vous cet état? Et quand le changerez-vous?

2. – Séparation de vos idées. En général, plus les têtes sont étroites, plus les idées y sont fixes. On n’a qu’une idée, on n’est pas capable d’en avoir deux, et quand ce sont de pauvres idées, où tout cela mène-t-il? D’une part aux jugements contre les supérieurs; aux antipathies envers les soeurs, à certains partis pris; c’est un clou enfoncé dans la tête, il est moralement impossible de le retirer.

Or quand ces idées sont contraires à la vie religieuse, on ne peut se figurer le mal permanent qu’elles produisent, on sent qu’on devrait y renoncer, mais le moyen?

La retraite est le moment favorable pour cette dure extirpation; il faut vouloir, mais Dieu est là. Allez donc au pied du tabernacle demander à N.S. de vous faire renoncer à vos idées et de vous donner les siennes: idées de foi, idées divines, idées qui vous feront envisager votre état sous un tout autre jour. L’oblate qui ne prend pas avant tout les idées surnaturelles pourra se prêcher elle-même, elle ne prêchera pas Jésus-Christ.

3. – Séparation de vos péchés: oui, vous en avez un certain nombre dont vous vous occupez très peu, qui vous rongent le coeur sans que vous y pensiez. Voilà la grande utilité de la retraite. Vous verrez à quel point le péché a enlaidi votre âme. Peut-être êtes-vous tombée dans le péché mortel, il importe d’en voir les épouvantables effets. Quoi! votre vie est tellement engourdie qu’à la fin vous êtes sans vous en apercevoir tombée dans la mort éternelle. Quelle horrible paralysie a précédé cet état que vous soyez tombée dans l’abîme sans vous en apercevoir!

Mais, me direz[-vous], je n’ai que des péchés véniels. Comme si ce n’était pas assez! Entendons-nous, vous avez succombé à des péchés de faiblesse, c’est la triste condition des chrétiens et même des religieux, tant qu’ils ne seront pas au ciel. Mais si ce sont des péchés de malice et d’habitude? Ceci vaut bien la peine d’y faire attention. Songez-y donc et très sérieusement. Vous n’êtes pas morte, vous êtes malade de la plus horrible des lèpres, la lèpre du péché véniel, qui vous rend désagréable à Dieu. Quel besoin pour vous de vous séparer du péché, pour rendre à votre âme sa première beauté par une bonne confession!

4. – Séparation de la routine. La routine est cet ensemble d’habitudes molles, personnelles, paresseuses qui nous font tomber dans une vie absolument opposée à la vie chrétienne et à plus forte raison à la vie religieuse. Qui parmi vous peut affirmer qu’elle n’est pas habituellement dans un pareil état? Voyez-en le danger et élevez-vous au-dessus de vous-même, en vous en allant dans les profondeurs de la retraite vers les sources d’une vie nouvelle, en promettant à Jésus-Christ de faire pour son amour toutes les séparations qu’il vous demandera.

2° Exiit in montem.

La retraite vous élève au-dessus de vous-même. Il s’en alla ce divin maître sur la montagne, exiit in montem.

Le monde et son contact produit [= produisent] cet effet de nous rendre médiocres et grossiers, de nous rendre vulgaires. Il est facile de marcher dans la plaine, d’avoir des idées comme tout le monde, des habitudes comme tout le monde; mais pour s’élever sur la montagne, il faut faire effort, il faut affronter la fatigue, il faut mettre à ses pieds tout ce qui est bas et vil. Et que nous y tenons! Que de chrétiens regardent le calvaire de loin, mais se gardent d’y monter! Que de religieuses qui y vont, mais comme certains disciples du sauveur regardent de loin! aspiciebant a longe.

L’oblate par sa retraite doit s’élever sur la montagne, la montagne du sacrifice, s’unir à son époux sur la croix. Voilà son élévation. Alors elle peut monter, son maître prononcera ces paroles: Et moi quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi; elle participera à ce travail de Jésus-Christ.

Et en effet quand Notre-Seigneur se fut retiré sur la montagne, que se passa-t-il? Il fit le choix de ses apôtres. Et vous, après de ferventes retraites, vous vous élèverez pour vous d’abord par votre sainteté personnelle, ensuite pour les autres en leur communiquant l’appel divin de la conversion ou de la sanctification.

3° La prière. Exiit in montem orare.

Il s’en alla sur la montagne pour prier. L’Evangéliste parle dans le même verset deux fois de la prière, d’où nous pouvons conclure qu’il y a deux sortes de prière dans une retraite. La première qui purifie. Notre-Seigneur n’a pas besoin de celle-là pour lui, mais venant prier son père avant le choix de ses apôtres, quelle prière ne devait pas partir de son coeur divin pour qu’ils fussent purifiés et qu’il pût leur dire: Vous êtes purs; mais non pas tous!

1. – La prière de la retraite a une vertu particulière pour nous purifier, parce qu’elle est une lumière. Nous y voyons nos misères, notre néant, nos ingratitudes, nos chutes, et tout cela est très important à considérer.

2. – C’est encore une force. Nous appelons le secours avec sincérité, et il nous vient du ciel. Sans doute la grâce nous prévient, mais aussi, elle veut être provoquée, selon la parole du psaume de Complies « Cum invocarem, exaudivit me ». Dieu nous donne l’eau qui purifie, mais il faut la demander. Or parmi les demandes que doit faire une oblate, elle doit solliciter le pardon du mal qu’elle a fait dans ses bonnes oeuvres. L’orgueil a été au milieu de tout ce qu’elle a fait pour Dieu, quel fruit peut-elle en retirer? Purifiez-vous donc généreusement, en vous mettant à cette prière qui attire la rosée du ciel ou plutôt le sang de Jésus-Christ sur vos âmes. Placez-vous sur la montagne du calvaire, sous la croix de votre époux. Que de ses plaies sacrées coule le sang qui vous lavera tout entières!

4° La Persévérance. Et erat pernoctans.

Ce n’est pas seulement le jour, c’est encore la nuit que se poursuit la prière du Sauveur. Cette persévérance doit avoir le double caractère de l’humilité et de l’énergie.

1. – De l’humilité. Qu’êtes-vous? des pécheresses et des ingrates, vous avez bien de quoi vous enorgueillir. Vous êtes des pécheresses. La preuve, c’est que vous vous accusez sans cesse des mêmes fautes. Or ce caractère de pécheresse doit vous inspirer envers vous une horreur aussi persévérante que sont persévérants vos péchés. Vous péchez sans cesse, sans cesse vous devez demander qu’ils vous soient pardonnés. Vous êtes des ingrates. Depuis quand? Depuis que vous avez l’usage de la raison. Dieu vous a éclairées, mais qu’avez-vous fait de ses lumières? Il vous a attirées, qu’avez-vous fait de ses appels? Il vous a comblées de grâces, voyez comme ces grâces, ces avances ont été jusques à aujourd’hui gaspillées par vous? Combien de temps cela durera-t-il? Et votre funeste persévérance dans l’ingratitude sera-t-elle remplacée enfin par la persévérance dans le regret, la honte, les fermes détestations du passé, unie à l’humiliation acceptée comme première expiation de vos fautes.

2. – L’énergie. C’est ce qui vous manque le plus. Vous êtes un feu de paille, mais pour persévérer avec énergie, il faut unir sa volonté à la permanente volonté qu’a Dieu de vous sanctifier, et il faut persévérer, parce que Dieu nous ayant donné la force il faut enfin la mettre à profit. Or voici le moment décisif, et je vous prie de considérer de quelle impmortance il est pour vous, que vous vous convertissiez tout entière, et que la conversion que vous allez commencer dans cette retraite soit plus durable que celles qui ont précédé. Combien de fois vous êtes-vous convertie? Combien de fois avez-vous succombé? Question des plus graves qui doit vous faire trembler, mais vous faire demander à Dieu avec l’ardeur et l’humilité la plus grande, la grâce de la persévérance.

5° Prière d’Union.

Comme nous le verrons plus tard, l’âme qui veut s’unir à Dieu est quelquefois entourée d’obscurités, de ténèbres; c’est ce qu’expriment aussi ces paroles « et erat pernoctans ». On n’y voit plus, on ne sait plus où on est, on se demande ce que l’on est venu faire au couvent, dans la retraite. Ne vaut-il pas mieux retourner dans le monde et vivre de la vie de tous? pourquoi se distinguer? pourquoi vouloir une perfection qui ne durera pas? Tout cela a été dit à tous les saints, que Dieu a entourés de ténèbres affreuses avant de les faire pénétrer dans la splendeur des saints. Or quoique cet état dure pour certaines âmes très longtemps, c’est pourtant surtout dans les commencements de la retraite qu’il se manifeste le plus. Suis-je dans l’erreur si je dis que plus d’une est ennuyée, préoccupée, que la pensée de la retraite lui est un véritable supplice. Les voies de Dieu sont différentes, mais je ne crains pas d’affirmer que les plus effrayées, les plus tentées, si elles résistent, sont celles qui feront le mieux leur retraite. Pourquoi? parce qu’elles y apportent un certain sérieux et Notre-Seigneur veut ce sérieux. Pourquoi encore? parce que c’est surtout pour une oblate qui part pour les missions, que la retraite est la préparation de sa vie? Le diable voit le bien qu’elle peut faire et tente tout pour l’en empêcher. Qu’elle persévère et la lumière se fera, parce qu’elle entrera dans l’union avec Dieu, in oratione Dei. Ce sera le fruit de la retraite. Vous deviendrez de vrais instruments de Notre-Seigneur, et voilà à quoi vous devez tendre. Vous n’y serez pas du premier coup, mais au second, mais au troisième; alors Jésus-Christ vous choisira pour ses apôtres, alors il vous dira, quoique d’une autre façon: ecce ego mitto vos: Voilà que je vous envoie, et envoyées par Notre-Seigneur, vous produirez les fruits les plus abondants dont le Père de famille saura bien vous récompenser.

Observations.

1° Silence de pénitence et de recueillement.

2° Disposition à tout donner de ce que Notre-Seigneur vous demandera.

3° Excuses et pardon réciproques de tout le mal qu’on a fait ou que l’on a reçu.

Notes et post-scriptum