- TD51.032
- COURS D'INSTRUCTIONS SUR DIFFERENTS SUJETS DE PIETE.
- DES OCCASIONS
- Orig.ms. BM3, pp. 211-218; T.D. 51, pp. 32-38.
- 1 ILLUSIONS
1 ORGUEIL
1 PARESSE
1 TENTATION
2 SALOMON
2 SIMEON, VIEILLARD - A des dames.
- 1837-1839
Influence de la position des hommes sur leur détermination. C’est un homme placé à divers points de vue. C’est un voyageur qui, à mesure qu’il s’élève sur une montagne, découvre les précipices ou s’enfonce dans les vapeurs.
Si l’homme est dans un milieu pour le bien il marchera bien; si mal, – mal.
D’où l’obligation de se faire une position pour le bien.
Tout le monde en convient en théorie, mais la pratique?
Fuyez-vous les occasions du mal, lorsque vous cherchez les occasions de vous laisser entraîner à la médisance? Fuyez-vous les occasions du mal, quand vous allez au bal, au spectacle? Fuyez-vous les occasions du mal, quand vous vous laissez entraîner par les lectures, la vengeance?
Cependant l’arrêt est inévitable.
Deux positions, volontaire, naturelle.
Plus vous êtes dans une position élevée, plus vous avez naturellement d’occasions de faire plus de mal, comme aussi de faire plus de bien. Et plus vous avez, mais encore, vous êtes des occasions de bien et de mal. De sorte qu’à cet égard votre responsabilité augmente. Positus est in ruinam, et in resurrectionem. Quoi que vous fassiez, vous serez pour beaucoup une occasion de péché. Jésus-Christ l’a été, mais il s’agit de l’être sans faute, et de l’être de salut pour tous ceux des âmes desquels vous aurez un jour à répondre.
Fili mi, si te lactaverint peccatores, ne requiescas eis. Prov. 1, 14. Salomon nous peint en un mot la conduite des pécheurs, qui, pour séduire une âme et l’entraîner dans leurs pièges, lui présentent le plaisir comme un lait trompeur; c’est une terrible occasion que ce lait empoisonné de la volupté. C’est du lait, parce que le monde ne présente pas d’abord de l’orgie, mais sous l’apparence de plaisirs innocents il amène peu à peu à ce qu’il y a de plus affreux.
L’homme est créé pour vivre avec ses semblables, et de ses rapports avec eux résultent nécessairement pour lui des états divers dont il importe de se rendre compte.
Mesdames,
Dieu sans doute nous a toujours laissé la liberté de choisir entre le bien et le mal. Et c’est à ce titre seulement que nous sommes capables de mériter ou de démériter. Mais quelque fort que soit notre libre arbitre, quelque indépendante que soit notre faculté ce choisir, il se trouve une foule de circonstances dans lesquelles notre détermination est dirigée par la position que nous nous sommes faite. Selon le point de vue où nous nous plaçons, nous jugeons les choses sous un aspect tout différent, et nous nous laissons entraîner par la marche de tout ce qui nous entoure, comme un voyageur dont les regards changent de spectacle selon qu’il dirige sa marche. Comme un voyageur placé sur un vaisseau qui est emporté sans presque s’en apercevoir par le mouvement du navire, tout influe sur nous. L’état de l’atmosphère agit sur notre santé. Les occasions qui nous environnent agissent sur notre âme. Or, si un air salubre est nécessaire au corps, il ne l’est pas moins à l’âme.
Si l’on peut prévoir qu’un homme emporté par un cheval indompté tombera, on peut prévoir la chute d’un homme qui se laisse trop aisément entraîner [par] ses passions. D’où il est facile de conclure la nécessité d’apporter l’attention la plus grande à la situation que l’on se fait, aux occasions dans lesquelles on se place. On comprend qu’en se mettant dans une atmosphère de vertu on sera presque forcément vertueux, et l’on comprend aussi que si l’on s’expose au péril on périra.
Ces principes établis sont si clairs que je ne pense pas que de sang froid, personne cherche à les contester. Il faut donc se demander comment des vérités qui sont reconnues de tous en théorie, que l’on s’efforce autant qu’on le peut de mettre en pratique, lorsqu’il s’agit de la santé du corps, soient si négligées quand il s’agit de la sanctification des âmes. Il faut se demander [comment] des personnes qui auraient fui aux extrémités du monde pour éviter le choléra, s’exposent tous les jours à des occasions de péché, c’est-à-dire à la mort de leur âme sans le moindre remords.
La conclusion à tirer serait, sans doute, que l’on aime plus son corps que son âme, la terre que le ciel, le monde que Dieu. Mais je ne veux dans ce moment que remonter aux causes qui nous empêchent à fuir les occasions, je les réduirai à trois principales:
La présomption, la paresse, l’illusion.
La présomption. – Les occasions de péché sont de deux sortes: le mal nous environne tellement que l’on a des occasions de péché à chaque instant, nous le trouvons au-dedans de nous. Ce sont certaines occasions involontaires, dans lesquelles nous ne nous sommes pas placés de nous-mêmes. Dieu ne nous en demande pas compte et même il a soin de nous ménager sa grâce. Il suffit d’en profiter et le danger sera aisément vaincu.
Mais il est des occasions volontaires et que nous ne fuyons pas. Nous aimons le danger, afin de faire l’épreuve de nos forces. Nous savons que malheureusement bien des victimes ont été emportées. N’importe, nous éprouvons le plaisir qu’un nageur éprouverait à surmonter un courant rapide. Nous aimons le danger à cause du danger même, parce que nous rougissons que l’on paraisse douter de nos forces. Que de chutes amenées par cette témérité, mauvaises lectures, bals!
Paresse. – Je disais tout à l’heure que les occasions auxquelles nous sommes exposés sont souvent involontaires, et résultent d’une foule de circonstances dont nous ne saurions être responsables. Ainsi une mère de famille, une femme chrétienne, une maîtresse de maison est souvent fort embarrassée, mais j’ai ajouté que dans ces circonstances Dieu venait à notre aide. Saint Paul nous avertit qu’ayant demandé à Dieu à plusieurs reprises de le délivrer de certaines occasions de péché, le Seigneur lui avait répondu: « Ma grâce te suffit ». – Oui, la grâce de Dieu est suffisante. Lorsque Dieu envoyait le prophète Jérémie, il lui disait: Les hommes auxquels je t’envoie porter ma parole, combattront contre toi et ne prévaudront pas, parce que je suis avec toi, dit le Seigneur, afin de te délivrer. Telles sont les promesses de Dieu au chrétien, au milieu des dangers qui lui sont prédits. Mais, remarquez-le bien, Dieu dit à St Paul: « Ma grâce te suffit »; mais il ne lui dit pas de ne point combattre; au contraire, il lui promet le secours, mais il le lui promet au milieu du combat. Les paroles du Seigneur à Jérémie sont plus explicites encore: Bellabunt adversum te, et non praevalebunt. Et Job sur son fumier ne nous avertit-il pas que la vie de l’homme est un combat? militia. Hé bien, avez-vous envisagé les dangers de votre position, sous ce point de vue? Vous êtes-vous tenues prêtes à résister aux assauts? Non, la paresse vous a liées et vous êtes restées les bras croisés; vous avez cru que le Seigneur ferait tout. Et sans doute le Seigneur fera tout si nous le secondons, mais il veut aussi que de nous-mêmes nous sachions faire quelque chose.
Dieu vous donne, m. Dames, par votre position une foule de moyens de pratiquer la vertu, et vous n’en profitez pas. Vous vous laissez engourdir par l’indifférence dans les choses de piété; lâcheté surtout dans la prière qui est la source des grâces.
Paresse qui vous empêche de veiller sur vous-mêmes, pour discerner les occasions volontaires des involontaires. Car je dis que la paresse rend pour vous volontaires toutes les occasions qui seraient involontaires d’elles-mêmes. Faites-y attention.
Illusion. – Enfin, la troisième cause des occasions et des chutes, que les occasions amènent, c’est l’illusion. L’on peut dire que, dans les rapports avec les hommes, les occasions sont au démon ce que certaines grâces prévenantes sont à Dieu. Quel piège que celui que le démon tend sans cesse aux hommes! Vous êtes dans l’occasion du péché et vous ne vous en doutez pas, et cependant remarquez ceci: c’est rigoureux, par cela même que vous vous exposez à l’occasion du péché, vous bravez les avertissements du Saint-Esprit, qui ne cesse de nous répéter: Qui cherche le péril périra. Et par cela même nous méritons une soustraction de grâces. Mais le bandeau que le démon cherche à nous mettre sur les yeux, nous l’aidons nous-mêmes à le placer. Ne l’y aidons- nous pas toutes les fois que nous repoussons par des sophbismes les observations données [par un] directeur prudent, ou que nous nous faisons une nécessité de ce qui ne l’est pas pour nous? Ne sommes-nous pas dans l’illusion, lorsque nourrissant une haine secrète, nous cherchons à parler de l’objet de cette haine et nous espérons ne pas manquer à la charité? Il faut songer à sa réputation et ne pas se placer dans une position fâcheuse. Oui, mais en défendant vos intérêts, souvenez-vous que Dieu a confié à chacun ceux de son prochain: Mandavit unicuique de proximo suo.
Nous connaissons la faiblesse de notre coeur, nous savons avec quelle facilité nos sens se révoltent contre notre âme, et nous cherchons tout ce qui les flatte, et tout ce qu’ils désirent nous le leur accordons. Ne faut-il pas ménager sa santé? ménagez-la sans doute, mais que ces ménagement excessifs ne soient pas le principe de la mort de votre âme: Si oculus tuus scandalisat te…
Mais enfin, Mesdames, et je regrette vivement de ne pas avoir le temps de vous développer cette pensée, songez-vous que par votre position vous êtes nécessairement vous-mêmes une occasion de bien ou de mal, et plus vous êtes dans une position élevée, plus vous l’êtes pour un grand nombre?
Le vieillard Siméon disait de notre divin Maître: Positus est hic in ruinam. Remarquez ces expressions in ruinam. Jésus-Christ, l’auteur de la sainteté, est une occasion de perte, de damnation pour un grand nombre. Or, si Jésus-Christ, l’auteur de la sainteté, est une occasion de ruine, que devons-nous dire de nous? il m’est démontré que déjà en enfer [il y a] un certain nombre d’âmes, dont la damnation peut être attribuée à quelqu’un d’entre nous. N’était-ce qu’une occasion involontaire, innocente, comme pour Jésus-Christ? Je n’en sais rien, mais je tremble. Jésus est une occasion de ruine pour ceux qu’il veut sauver. Mais, Mesdames, vous êtes aussi posées pour le salut; vous êtes par vos bonnes oeuvres, par l’exemple que vous devez donner, une occasion de salut. Mesdames, je vous en conjure, connaissez votre état, et promettant à Dieu de fuir les occasions du mal, promettez-lui encore d’être pour le prochain une occasion de salut.