- TD49.061
- Notes diverses.
- [Réflexions sur la société]
- Orig.ms. CU 120, pp. 12-13; T.D. 49, pp. 61-63.
- 1 AUMONE
1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
1 FORTUNE
1 LEGISLATION
1 LUTTE CONTRE LE MONDE
1 MENDIANT
1 PAUVRETE
1 SOCIETE
3 PARIS - 1829-1830
- Paris
[A]
L’hydre veut se baigner dans le sang, mais elle s’y noiera, et les ruines dont elle avait voulu former son repaire deviendront son tombeau.
[B]
Dans les sociétés naissantes les grands écrivains ont presque toujours été acteurs. Dans les sociétés dégénérées, force leur est pour écrire de chercher la retraite. C’est que l’on n’écrit bien que dans le véritable état de la société. Quand elle commence, les hommes sont trop isolés; il leur faut trouver là où ils ont été le plus réunis. Dans les sociétés qui dégénèrent, la civilisation les réunit trop. C’est un abus qu’il faut réparer par un peu de solitude. Le parfait état, c’est celui où la société passe des champs dans les cités, où elle n’est plus campagnarde, où elle n’est pas encore vilaine.
[C]
Parler de la mendicité, c’est un peu tard sans doute. Et pourtant lorsqu’on voit tant de malheureux dans Paris se soustraire aux attaques des agents de police en remplissant un panier de quelques fruits, on serait tenté de mettre à leur place les ridicules efforts de nos philanthropes, si la pitié qu’inspirent ceux qui sont réduits à mentir ainsi sur leur état ne faisait naître autre chose que le rire. Forçant le pauvre à matérialiser sa prière, ils ne l’empêcheront pas de mendier. Il est des abris derrière lesquels la légalité ne peut plus les atteindre. Mais ce ne sera plus au nom de celui qui a formé de la même boue et son corps destiné à souffrir, et le corps du riche que les plaisirs entourent, et qui semble avoir chargé l’indigent de rappeler à ses frères ce qu’ils sont, et de leur demander pour prix de la vérité qu’il leur donne, de quoi leur présenter, quelques jours encore, le spectacle de la misère de tous; ce ne sera plus au nom de Dieu que le pauvre exigera l’aumône du riche; ce sera en lui présentant un échange de quelques marchandises d’un vil prix.
Et pourtant, voyez comme la loi est nécessairement limitée et ne peut atteindre le pauvre. Dès qu’il peut jouir de quelques misérables liards, que pourra faire l’agent de police? L’emprisonner? Mais pourquoi? Parce qu’il mendie? Il ne mendie pas. Voyez plutôt dans ce panier les fruits et ces pierres dont il fait le commerce. En vérité, c’est pitié.
Il y aurait bien des choses à dire là-dessus; mais on est de son temps, il le faut bien, et c’est le malheur de ceux qui naissent à certaines époques.