- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES. APPENDICE
- DES CONDITIONS POUR ACQUERIR LE BONHEUR
[Ia - IIae, q. IV.] - Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 356-359.
- BH 5
- 1 AME
1 BONHEUR
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 CORPS
1 CREATURES
1 DIEU
1 INTELLIGENCE
1 POSSESSION DE DIEU
1 SENSATION DE PLAISIR
1 THOMAS D'AQUIN
1 VISION BEATIFIQUE
1 VOLONTE
2 JEAN, SAINT - 1875
I. -Ce qu’on appelle délectation n’est pas la béatitude, mais ne s’en sépare pas. La délectation se produit quand le bien qui cause le bonheur est acquis; ce n’est donc pas la délectation du bien que je dois poursuivre, mais le bien lui-même. La possession du bien infini ne peut subsister sans délectation, mais la délectation ne vient qu’après. C’est donc vous, ô mon Dieu, bien suprême, que je dois chercher avant tout; la délectation viendra, sans doute, mais elle ne viendra qu’à la suite de votre possession.
La délectation qui sera ma récompense sera, au ciel, causée par la vision de Dieu. Je dois donc aspirer d’abord à posséder la cause, qui est la vision; la délectation suivra comme fruit, comme résultat.
II. -Pour être heureux, faut-il que j’aie la compréhension de l’objet de mon bonheur? Oui et non. Si j’entends, par compréhension, que je puis saisir totalement Dieu, évidemment non; l’être fini, limité, ne peut entièrement saisir l’être sans limites. Mais si j’entends, par compréhension, l’effort que je fais pour saisir [Dieu] par mes facultés naturelles, accrues par les forces de la grâce, oui, dans ce sens je puis dire que j’ai la compréhension de Dieu, autant que mon être, perfectionné par un secours surnaturel, en est susceptible. Et dès lors, je puis dire qu’il faut, pour mon vrai bonheur, que j’aie la vision de Dieu, le voyant tel qu’il est, comme dit saint Jean, videbimus eum sicuti est(1), le comprenant autant que mon intelligence en est capable, me reposant en lui dans la jouissance d’une délectation suprême.
III. -Et pour arriver là, il me faut user de toute la droiture de ma volonté. A quoi bon me détourner à droite ou à gauche? Pourquoi ne pas prendre le chemin direct? Trouverai-je mieux que Dieu? Pourquoi fausser ma volonté? Si je suis fait pour le bien suprême, pourquoi chercher un autre bien et ne pas chercher Dieu par tous mes efforts? Je n’arriverai jamais au bien parfait sans un effort de volonté parfaite. Le bien suprême n’est-il pas dans la vision de l’essence divine, qui est l’essence même de la bonté?
Et c’est ainsi que, dans le ciel, la volonté de celui qui voit l’essence de Dieu aime nécessairement tout ce qu’il aime, par rapport à Dieu, dont il ne peut plus être séparé.
IV. -L’homme n’a pas besoin de son corps pour voir Dieu, puisqu’il le voit par son intelligence. L’intelligence séparée du corps peut voir Dieu; mais, comme la perfection de l’être humain consiste dans l’union de l’âme et du corps, pour que l’âme jouisse de tout le bonheur dont elle est capable, il faut que l’union entre le corps et l’âme s’accomplisse de nouveau, parce qu’il convient que le corps, sur la terre instrument de mérite, soit récompensé selon la capacité qui lui est propre. C’est en ce sens encore qu’il convient que le corps jouisse d’un certain perfectionnement, soit afin que l’âme ne puisse plus souffrir de son union avec lui, soit afin que le corps devienne plus apte à recevoir rejaillissement de bonheur qui s’écoulera de l’âme sur lui.
V. -Rien de créé n’est nécessaire au bonheur. Le seul bonheur se trouve dans la jouissance de Dieu. Quid mihi est in coelo et a te quid volui super terram(2)? Dieu seul, Dieu seul, voilà le vrai bonheur; et c’est ainsi que je dois entendre encore le cri du prophète: Mihi adhaerere Deo bonum est(3).
Comment! Dans mes rapports avec Dieu je ne trouve qu’un empêchement, c’est de le mettre tout entier dans mon intelligence et dans mon coeur, à cause de la limite de ces deux faculté, et je voudrais diminuer leur capacité par quelque chose de créé!
Que j’aime les créatures en Dieu et pour Dieu, cela se conçoit, elles me deviennent un moyen d’aller à lui; mais que je m’arrête à elles! Non, pas même l’amour du prochain, dans la pleine jouissance de Dieu, n’est nécessaire, parce que, quand il n’y aurait qu’un seul élu dans le ciel, rien ne manquerait à son bonheur par la seule jouissance de Dieu.
Que je comprenne ces choses, ô mon Dieu! Et que, me perdant en vous, je ne cherche que vous(4)!
2. "Qu'y a-t-il pour moi dans le ciel, et qu'ai-je désiré de vous sur la terre?" (Ps. LXXII, 25.)
3. Pour moi, c'est mon bonheur de m'attacher à Dieu." (Ps. LXXII, 28.)