OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

• OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
• ZELE POUR LE SALUT DES AMES
• Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 311-316.
• CO 82

• 1 COMBATS DE L'EGLISE
  1 DESINTERESSEMENT DE L'APOTRE
  1 ENFER
  1 ETERNITE
  1 FECONDITE APOSTOLIQUE
  1 FOI
  1 GENEROSITE DE L'APOTRE
  1 GLOIRE DE DIEU
  1 IMITATION DE JESUS CHRIST
  1 INGRATITUDE
  1 MAITRISE DE SOI
  1 PERSEVERANCE APOSTOLIQUE
  1 PRUDENCE
  1 PURETE D'INTENTION DE L'APOTRE
  1 SAGESSE HUMAINE
  1 SALUT DES AMES
  1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
  1 SUFFISANCE
  1 VOLONTE PROPRE
  1 ZELE APOSTOLIQUE
  2 BERNARD DE CLERVAUX, SAINT
  2 GREGOIRE I LE GRAND, SAINT
  2 PAUL, SAINT
  2 SALOMON
  3 JERUSALEM
• 1875

Ignem veni mittere in terram et quid volo nisi ut accendatur(1). -La vie de Jésus Christ n’a eu qu’un but: sauver les âmes en glorifiant son Père. Or, je dois imiter ce divin Sauveur, et pour cela je dois aussi examiner les conditions du zèle. Mon zèle doit être: 1° pur; 2° prudent; 3° persévérant.

I. Zèle pur.

Qu’est-ce que la pureté du zèle? Je trouve la réponse à cette question dans le mot de saint Bernard, sur la pureté du coeur, foyer du zèle: Puritas cordis in duobus consistit, in quaerenda gloria Dei et utilitate proximi(2). En effet, le grand défaut de certains hommes qui passent pour zélés, c’est de se rechercher eux-mêmes. Que veulent certains prêtres, animés en apparence d’un grand zèle? Hélas! arriver. Ils recherchent je ne sais quel intérêt humain, si bien qu’ils se répandent en plaintes et en récriminations quand on n’a pas suffisamment rendu justice à leurs mérites. Est-ce Dieu qu’ils cherchaient? Non, ils se cherchaient eux-mêmes. Et ces prédicateurs tant vantés dont les discours attirent les foules, que cherchent-ils? Est-ce Dieu ou leur réputation? Hélas! au peu de fruit qu’ils produisent, on peut juger si leur zèle est bien pur. Ne sont-ce pas plutôt des hommes comme saint Paul les dépeignait en disant: Omnes quae sua sunt quaerunt non quae Iesu Christi(3). Et dans la modestie de bien des presbytères et dans l’obscurité de bien des cloîtres, qu’est le zèle? La recherche de soi. Quant à la gloire de Dieu, quant à l’intérêt du prochain, l’absence la plus déplorable s’en fait sentir à chaque instant.

Elle est magnifique pourtant la situation de l’homme que la gloire de Dieu embrase. Quel but plus beau à la vie que cette gloire divine à procurer! Quelle admirable vocation que celle d’une créature se cachant dans les rayons de la gloire de Dieu, inondée de lumière, de force, de vie, et s’oubliant elle-même dans son amour pour Dieu, ne songeant qu’à l’honneur de se dévouer à sa cause et de se retremper, quand la faiblesse humaine semble reprendre ses droits, dans cette pensée. J’appartiens à Dieu, je suis son instrument, son envoyé, son ministre, je continue l’oeuvre de Jésus-Christ, et ce que Dieu a voulu se procurer de gloire par la création du monde et le salut du genre humain, il m’en confie une parcelle afin que je la lui rende multipliée par mon travail.

Quelle non moins admirable vocation que celle de l’homme apostolique qui sait apprécier la valeur des âmes et à qui Jésus-Christ a dit: Donne-m’en beaucoup. Il s’en va les cherchant selon ses grâces et selon son zèle, et Jésus-Christ, qui ne considère pas ses succès mais ses sueurs, lui fournit le moyen de travailler beaucoup. Maintenant, qu’obtient-il aux yeux des hommes? Ce qu’avait eu Jésus-Christ sur la croix: le mépris, l’ingratitude. Ou’importe? Il combat, il lutte parce qu’il aime les âmes et les veut arracher à Satan. En face de Dieu, en effet, il y a l’enfer, et il se rend compte de toutes les âmes qui y sont précipitées; le nombre qu’il arrache à la damnation n’est rien en face de celles qui se perdent. Mais enfin il les aime, il prie pour elles, il se donne à elles, il pleure sur elles, et Dieu quelquefois se laisse toucher.

Ai-je ce zèle pur, désintéressé? Ai-je un véritable désir de la gloire de Dieu et du salut des âmes?

II. Zèle prudent.

Le zèle a ses défauts, et il y a incontestablement les imprudences du zèle. Que de bonnes oeuvres compromises par un empressement intempestif! Que d’âmes reculent parce qu’on les pousse trop! Que de pécheurs se seraient convertis si l’imprudence de personnes importunes ne les avait pas fatigués! Ars artium regimen animarum(4). Ah! le zèle prudent dans une âme ardente est celui qui fait quelquefois le plus souffrir, parce qu’il exige des lenteurs contraires à l’impétuosité de la nature, mais c’est cela même qui le sanctifie.

Je prierai, j’étudierai, je réfléchirai, et ainsi mon zèle prendra un caractère surnaturel qui inspirera la confiance. Car voilà un résultat du zèle: ouvrir les âmes. Et comment les ouvrir si elles n’ont pas confiance en nous? La prudence me donnera la clé des coeurs. Mais de plus, la condition pour gouverner, c’est la prudence. Je ne commanderai bien que quand je serai prudent. Diriger, organiser, retrancher sans prudence produit souvent des maux affreux. Il faut que je me décide à être maître de moi par la prudence avant de devenir maître des autres par le commandement.

O Dieu, que d’imprudences dans ma vie, que de travaux sans fruits, que de sueurs inutilement répandues parce que la prudence m’a manqué! Ah! je vous dirai avec Salomon: Da mihi sedium tuarum assistricem sapientiam… ut mecum sit et mecum laboret(5). par la prudence, je réparerai le mal; par la prudence surtout je le préviendrai, et mon zèle intelligent pour le bien décuplera les résultats de mon zèle.

III. Zèle persévérant.

Jésus-Christ, envoyant ses apôtres à la conquête du monde, leur annonçait les persécutions: In mundo pressuram habebitis(6). L’homme de zèle doit être persécuté. Les prophètes le furent par les Juifs: Sic enim persecuti sunt prophetas qui fuerunt ante vos(7). Même avant la croix, la persécution avait commencé. Ierusalem, Ierusalem quae occidis prophetas et lapidas eos qui ad te missi sunt(8), disait le divin Maître; et en même temps, il déclarait bienheureux ceux qui souffraient persécution: Beati estis cum persecuti vos fuerint(9). Engageait-il ses disciples à s’arrêter? La persécution doit durer autant que l’Eglise, et pourtant il déclare la victoire remportée: In mundo pressuram habebitis, sed confidite, ego vici mundum(10). Oui, et c’est là la grande victoire sur le monde, la foi qui compte sur la victoire définitive: Haec est victoria quae vincit mundum fides nostra(11).

Mon Dieu, donnez-moi le vrai zèle puisé dans votre amour et dans le désir d’imiter Jésus-Christ mon modèle. Donnez-moi la pureté, la prudence, la persévérance. « La couronne de la victoire, dit saint Augustin, n’est promise qu’aux combattants. Corona victoriae non promittitur nisi certantibus. » Je combattrai vos combats et je mériterai non la couronne de la terre, mais celle de l’éternité. Ainsi-soit-il.