- TD 1-5. 162
- TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES|DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX.
- DISCOURS PRONONCE PAR LE DIRECTEUR DE LA MAISON.
- Discours prononcé par le directeur de la maison à la distribution solennelle des prix, le 16 août 1858. (Dans: Maison de l'Assomption à Nîmes, Typographie Ballivet, 1858, p. 3-16.
- TD 1-5, P. 162.
- 1 AMOUR DES AISES
1 APOSTOLAT
1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
1 APOSTOLAT DE LA VERITE
1 COLLEGE DE NIMES
1 DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX
1 EDUCATION RELIGIEUSE
1 EGOISME
1 ENGAGEMENT APOSTOLIQUE DES LAICS
1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
1 ESPRIT DE L'ASSOMPTION
1 FORMATION DU CARACTERE
1 HISTOIRE DE L'EGLISE
1 INSTITUTS RELIGIEUX
1 JESUS-CHRIST MODELE
1 MARTYRS
1 MATERIALISME
1 PARENTS D'ELEVES
1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
1 QUESTION SOCIALE
1 SACERDOCE
1 VERITE
1 VIE RELIGIEUSE
1 VIE SPIRITUELLE
1 VOEUX DE RELIGION
2 BALLIVET, IMPRIMEUR
2 BENOIT, SAINT
2 DOMINIQUE, SAINT
2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
2 MAISTRE, JOSEPH DE
2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
2 THERESE, SAINTE - Le 16 Août 1858.
- Nîmes
Monseigneur,
Messieurs,
Il n’est certainement personne d’entre vous qui n’ait suivi avec intérêt les discussions sur l’enseignement soulevées parmi les catholiques, lorsqu’une part de liberté plus grande leur fut enfin donnée. Depuis si longtemps nous avions été écartés de l’éducation, que nous parûmes un moment avoir perdu l’habitude d’en appliquer certains principes. Tout le monde sans doute était d’accord sur le but, mais quelles profondes divisions sur l’emploi des moyens! Selon les uns, il n’y avait qu’a reprendre les anciennes voies pour retrouver les succès d’autrefois; les autres croyaient que les bouleversements apportés dans la société exigeaient le recours à de plus vigoureuses méthodes, pour rétablir les grandes lois de la vie chrétienne, dans les jeunes intelligences confiées aux établissements plus exclusivement catholiques.
Ces divisions affligèrent plus d’une âme honnête. Telle ne fut pas notre impression. Après tout, cette lutte était comme nécessaire: ne fallait-il pas étudier sérieusement si des éléments nouveaux ne devaient pas être introduits dans nos écoles, si des modifications, des améliorations aux anciens plans n’étaient pas indispensables? Quoi de plus utile, pour obtenir de précieuses lumières sur ces graves questions, que la controverse? Et, si quelquefois elle a failli être trop vive, si quelques exagérations ont pu se faire jour, sachons faire la part de l’entraînement humain, et considérons surtout le terme atteint par les plus raisonnables.
Au fond, peut-être était-on d’accord. Tous ne voulaient-ils pas reconquérir, sur l’indifférence et le sensualisme des temps modernes, de jeunes intelligences faites pour les illuminations de la vérité et pour ces ardents combats du bien contre le mal, où devront se retremper les générations futures, si elles veulent se rendre dignes de leur mission? Ne convenait-on pas qu’il fallait opposer aux appréciations erronées des sciences, de l’histoire et de la philosophie, les jugements basés sur les notions de la foi? Les saintes lois de la morale affaiblies, l’ancienne force du caractère français affaissée, l’amour du bien-être atteignant comme son apogée, n’était-ce pas autant d’obstacles que tous se proposaient d’écarté? Encore une fois, l’on était d’accord; et si les uns n’avaient pas voulu avoir seuls raison, si les autres n’avaient pas prétendu repousser tous les torts qui leur étaient imputés, il eût été facile de s’entendre.
Aujourd’hui, grâce à une parole souveraine, tombée de la chaire qui enseigne les peuples et les rois, la guerre a cessé, les combattants ont mis bas les armes; il semble reconnu généralement que, si l’on peut trouver d’excellentes ressources dans la tradition des anciennes méthodes, les temps modernes nous ont crée d’incontestables nécessités. A peu près comme les ingénieurs d’une citadelle assiégée sont forcés d’opposer un plan nouveau de défense à un nouveau système d’attaque, la conclusion générale a été qu’il fallait, par les principes de la foi plus souvent et mieux exposés, par les grands exemples de la vie chrétienne et des vertus des Saints plus souvent mêlés à l’instruction littéraire et scientifique de la jeunesse, repousser les invasions d’une raison incrédule et les amollissements d’une vie tous les jours plus énervée par le plaisir.
Nous ne pensons pas que personne, parmi les catholiques, se refuse à cette conclusion. Quant à nous, nous sommes, dans les termes où nous la posons, irrévocablement résolus à la maintenir; mais aussi, dans la mesure où nous croyons que tout le monde l’accepte, elle sert de point de départ pour atteindre des horizons nouveaux. Permettez-moi de vous en signaler quelques- uns, en vous parlant du zèle pour la vérité; peut-être aurons-nous indiqué du même coup, un des plus efficaces moyens de la faire pénétrer dans les âmes, et vous aurons-nous fait mieux saisir le moule dans lequel nous voudrions couler vos enfants.
Lorsque Jésus-Christ apparut ici-bas, il désigna lui-même le caractère de sa mission par ces mots: Ignem veni mittere in terram, et quid volo, nisi ut accendatur? Que voulait-il indiquer par ce feu? La poésie païenne nous raconte la fable de Prométhée pénétrant dans les cieux pour y ravir aux dieux immortels le feu, principe de toute vie, et nous dit l’inexorable justice du Destin, l’enchaînant au rocher où le vautour lui fera subir l’éternel supplice de son audace. La révélation nous montre, non pas un Titan venu de la terre, mais un Dieu descendu du Ciel, apportant, au prix des plus incompréhensibles abaissements, des plus cruelles douleurs, de la mort même, le feu sacré qui, qui en purifiant les âmes et en les renouvelant, communique une vie surnaturelle au monde. Ce feu, c’est quelque chose qui brûle et qui éclaire; c’est l’amour de la vérité; c’est le bonheur d’en porter le flambeau; c’est le saint enthousiasme de la vertu et du sacrifice; c’est la lumière de l’intelligence et la force d’accomplir le devoir. Et sa manifestation la plus étendue sera précisément la vie chrétienne s’écoulant de la vie d’un Dieu, comme de sa source première, dans le coeur des hommes, devenus les fils d’un père qui est le roi des Cieux.
Sans doute, les muances que revêtira cet élément divin sont innombrables, dans les différents individus qu’il transformera; et, cependant, on peut lui assigner quelques principaux caractères. Jésus-Christ dit à douze pauvres artisans: « Allez, enseignez toutes les nations »; et l’Apostolat fut fondé, le culte de la vérité établi. Qu’était-elle devenue, cette vérité, sous le poids de toutes les erreurs religieuses, de tous les mensonges philosophiques du monde ancien? Qui pouvait l’aimer d’un amour pur, lorsqu’elle avait subi l’affront de tant de faussetés? A peine Dieu était-il connu dans la Judée et son nom grand dans Israël, les vérités, diminuées parmi les enfants des hommes, avaient rompu leur faisceau et perdu leur caractère fondamental, l’unité. Profitant des ténèbres tous les jours plus épaisses, les vices, les passions étendaient leur empire immonde sur les générations dégradées, déchiraient les derniers lambeaux de la loi du vrai, afin que bien croire ne fût plus le fondement de bien vivre; et le proconsul romain, en face de la Vérité faite homme, avait pu dire, en haussant les épaules: « Qu’est-ce que la Vérité »? Or, à quelques heures de là, la Vérité, que les hommes avaient espéré enfermer dans un éternel tombeau, brisa la pierre du sépulcre, et, s’élançant glorieuse, marqua au front les instruments les plus humbles de ses futures conquêtes, afin de montrer ;ous clairement que l’empire qu’elle venait établir ne devait sa force qu’à elle seule.
Là commence l’Apostolat catholique. Et l’on vit quelques hommes pauvres, faibles, grossiers, ignorants, enseigner au monde un nouvel amour, l’amour de la chaste et sainte Vérité. Ce que cet amour a produit, vous le savez, Messieurs. Depuis les Apôtres, les triomphes de cette reine des âmes sur tous les obstacles, ses luttes contre toutes les forces humaines, cette soif de toute intelligence qui a connu l’enseignement divin, prouvent irrécusablement que « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole sortie de la bouche de Dieu ».
Ce que la Vérité et ses défenseurs ont eu à souffrir et de la tyrannie des pouvoirs terrestres, et de l’oppression de la sagesse humaine, et du despotisme des passions, les annales ecclésiastiques sont là pour le raconter. Elles racontent aussi quel amour nouveau se forma dans le coeur des Apôtres à côté du culte de la vérité, et cette divine tendresse des âmes, ce sentiment de leur valeur et de leur dignité, ce besoin de les enfanter à une vie nouvelle, ces sollicitudes comme maternelles, en face des dangers qui menacent le chrétien à peine régénéré, forment les caractères de l’Apostolat, inspirent ces sentiments inconnus à l’ancien monde et que la Vérité vivante pouvait seule inspirer.
Or, tandis que les Apôtres et leurs successeurs portaient, à travers les ténèbres du monde, le flambeau révélateur, des hommes qui en avaient reçu la lumière, mais qui ne se sentaient pas assez forts pour la conserver au milieu des orages et des agitations de la terre, s’en allaient au désert, loin de la corruption du siècle, lui vouer un culte spécial dans le silence et le recueillement, épris qu’ils étaient de cet éloquent et harmonieux silence de la vérité, qui, selon l’expression d’un Père, « tombe dans l’âme comme à son insu et ne lui laisse d’autre impression que celle d’une mélodie descendue du ciel ». La nécessité de rendre plus pure une âme appelée à devenir le tabernacle de la Vérité, le bonheur d’écouter les enseignements de cette divine maîtresse, les aintes précautions à prendre pour empêcher que le monde ne vînt à ternir de son ombre le doux éclat qu’elle répandait dans le sanctuaire du coeur, telle est, en partie du moins, l’explication de ces vies extraordinaires que nous rencontrons, aux premiers siècles de l’Eglise, à travers les sables du désert, sur les rochers de l’Arabie et dans ces antres syriens où l’homme semblait disputer une retraite aux animaux de proie.
Mais tous n’étaient pas appelés ou aux sueurs de l’apostolat ou aux épreuves de la contemplation: le christianisme ne devait point dépeupler le monde, et la Vérité devait avoir ses témoins. Elle les eut, et la doctrine chrétienne, en protestant contre la vie des païens, fut une source de luttes inconnues jusqu’alors. Du sein de ces populations affaiblies par le luxe, la débauche et le scepticisme, sortirent des hommes qui osèrent dire: « La douleur est utile, quand elle est une prédication; la mort est un bien, quand elle est une immolation offerte à la Vérité ». Ce fut l’époque des Martyrs; et, depuis Etienne, priant pour ses bourreaux sous les pierres dont ils l’écrasaient, jusqu’aux missionnaires dont le sang répandu de nos jours appelle les armes de la France, l’ère des Martyrs nous présente une série d’hommes qui crient, par toutes leurs blessures que la Vérité est un trésor mille fois plus précieux qu’une vie de quelques instants.
L’apostolat, la vie religieuse et le martyre, tels sont les trois grands effets de la dernière manifestation de la Vérité sur la terre et du zèle qu’elle alluma. Les uns la reçoivent pour la communiquer à leurs frères; ils iront, malgré tous les dégoûts et malgré tous les obstacles, la répandre, avec leurs sueurs et leur sang, jusqu’aux extrémités du monde. Les autres la prendront comme une richesse inestimable, et, l’emportant loin de tout regard humain, lui consacreront, dans les austérités de la pénitence et dans les longues et silencieuses méditations de la solitude, des hommages dignes (s’il se peut) de sa pureté céleste et de sa mystérieuse beauté. D’autres enfin, par la foi, la patience et un invincible amour, vaincront, en se laissant tuer, le père de mensonge; et la Vérité triomphante s’avancera à travers le monde sur les flots de sang répandus pour confesser ses droits.
Cette triple force de la Vérité ne s’est pas seulement manifesté aux premiers jours de l’Eglise, elle s’est combinée sous différents formes elle s’est modifiée selon les temps et le besoin des luttes livrées à l’immortelle épouse du Christ. Il serait trop long d’en étudier les diverses transformations à travers les siècles; mais, pour qui veut réfléchir aujourd’hui sur les incontestables victoires que l’Eglise remporte depuis soixante ans environ, après tant d’humiliations et tant d’insultes, il est certain que, de nos jours, le sacerdoce, la pratique des conseils évangéliques, l’énergie de la vie chrétienne sont encore les trois éléments qui, combinés entr’eux, doivent, si nous le voulons, ménager les mêmes triomphes que jadis, puisqu’ils nous offrent les mêmes ressources et les mêmes armes. Et, pour ne parler que de la France, depuis un demi-siècle, le sacerdoce devenu plus libre peut-être parce qu’il a été plus pauvre, ne semble-t-il pas retrouver la sève des jours antiques, et, après s’être comme lavé dans son propre sang, ne s’est-il pas montré aussi puissant qu’autrefois en paroles et en oeuvres? « L’oeil ne voit pas ce qui le touche », disait M. de Maistre, et c’est peut-être à cause de cela que nous ne sommes pas assez frappés de cette série incalculable d’institutions prodigieuses sorties de terre comme sous le souffle et les rayons de l’apostolat catholique.
Mais que dire surtout des inventions de la charité qui, pour apporter à la Vérité des preuves nouvelles, se multiplient de toutes façons et se précipitent vers tous les dévouements, cherchant à apaiser tous les besoins et à guérir toutes les souffrances? Ce sera, certes, un jour un des plus beaux spectacles que h’histoire puisse présenter, que la vue des grands combats livrés aujourd’hui et auxquels l’esprit humain accorde une trop distraite attention. D’une part, l’égoïsme et ses entraînements, ses despotiques exigences, ses ravages et ses honteuses victimes, l’amour effréné de jouir, le culte de la matière et l’indomptable appétit des jouissances que la matière peut procurer, les abîmes creusés par de malhonnêtes spéculations, l’amour de l’argent, parce que l’argent procure les moyens de prolonger l’orgie, le scandale de quelques privilégiés se plongeant; comme pour faire douter de la Providence, dans la turpitude de tous les succès; et, dans les bas fonds de la société, les longs murmures des classes souffrantes, pour qui la terre est devenue un enfer, parce que l’incrédulité moderne, en leur ôtant la Vérité, leur a ôté l’espérance; -et, de l’autre côté, la pauvreté, la chasteté, l’obéissance, essayant, à force de prières, d’immolation et d’amour, de renouer entre le ciel et la terre les liens brisés par les péchés des hommes et la colère de Dieu.
A mesure que la civilisation, offrant aux insatiables appétits de l’homme de plus séduisants objets, creuse, avec la déception et le désespoir, le gouffre de misères plus inouïes, il semble que l’Eglise inspire à ses enfants des dévouements plus ingénieux et leur communique le don d’inventer de plus délicats et de plus puissants remèdes pour de plus difficiles guérisons. N’est-ce pas là, en effet, que paraît se diriger l’effort de tant de jeunes congrégations se formant sur tous les points où un nouveau besoin se déclare? Mais, tandis que la philanthropie se perd en admiration pour ces oeuvres si multiples et si merveilleuses que la charité destine à soulager la souffrance physique, on ne remarque pas assez un autre genre d’indigence que n’ont point oublié les sollicitudes de l’Eglise: la faim de tant d’âmes épuisés par les enivrements d’une fausse science, l’obscurcissement de tant d’esprits aveuglés par les doctrines les plus décevantes.
Il est bon, sans doute, de donner au pauvre qui tend la main un pain qui nourrisse, un vêtement qui couvre sa nudité; il est mille fois meilleur d’offrir l’aliment de la Vérité à tant de pauvres êtres qui ont perdu le bien de l’intelligence. Et, sous ce rapport, on ne saurait trop dire quel bien accomplissent les familles religieuses, soit que, avec les fils de S. Benoît, de S. Dominique, de S. François, on les voie, immortels phénix, renaître de leurs cendres, soit que, cherchant leur raison d’être dans le moderne état de choses, elles se prêtent à tout ce que des exigences plus après, de maladies plus profondément enracinées réclament de précautions plus habiles, de patience plus soutenue, de zèle plus intelligent.
Je vous montrais tout-à-l’heure les religieux au désert; quelques-uns, comme le trappiste, le chartreux, s’y enfonceront encore plus, pour y prier, travailler et souffrir; mais d’autres, comprenant qu’ils doivent vivre dans le monde sans être du monde, sauront répandre au milieu des hommes les trésors dont le ciel ne manque jamais d’enrichir les pauvres volontaires et les amants de la Croix.
Depuis l’humble frère de la doctrine Chrétienne, qui se donne aux fils du peuple, comme le Sauveur du monde se donnait aux petits enfants de la Judée, jusqu’a Jésuite, à la fois professeur, prédicateur, directeur des âmes; depuis le fils de sainte Thérèse, qui joint, dans nos villes, la contemplation du Carmel à l’austérité des anciens jours, jusqu’au Bénédictin, dont la cellule a vu s’élever ces monuments d’érudition, éternel désespoir de la science isolée, que de sueurs répandues, que de sillons tracés, que de défrichements accomplis avec une persévérance et un ensemble que l’intelligence la plus vigoureuse, livrée à ses seules forces, n’atteindra jamais! De tous ces travaux, cependant, quel est le résultat? une expansion plus grande de la Vérité. Quel en est le mobile? le zèle chrétien. Oui, voilà bien le feu divin apporté par le Sauveur sur la terre, se communiquant aux petits sous les plus humbles apparences, illuminant les recherches du savant, décuplant les forces du missionnaire et montrant que, pour posséder la vie, il faut en revenir toujours à l’éternelle Vérité.
Et toutefois le monde ne peut être ni un grand séminaire ni un immense couvent; mais, en restant au sein de leur famille avec toutes les relations créées par la société, les chrétiens n’ont-ils rien à y faire? La flamme céleste ne les atteindra-t-elle pas? Si le temps des Martyrs est passé, chrétiens d’aujourd’hui, ne sommes-nous pas leurs fils? S’il n’est plus nécessaire de confesser la vérité du haut des échafauds, ne reste-t-il point l’apostolat laïque, pour employer ici une parole tombée du Vatican? Et le courage n’est-il pas indispensable à tout homme qui veut, dans la position que lui a faite la Providence, se montrer loyalement et énergiquement enfant de Dieu et de l’Eglise? Pour moi, j’ai besoin de le dire, rien ne me paraît, plus beau, plus magnifique que la vie du chrétien venant protester, par ses vertus calmes et fortes, contre les dégradations qui nous envahissent, illuminant les principes de sa conduite aux splendeurs de la foi, et montrant, par ses actes encore plus que par ses paroles, la puissance du dévouement et du sacrifice, tels qu’ils furent, il y a dix- huit cents ans, prêchés du haut du Calvaire.
Et ne nous reprochez pas de présenter à vos enfants les types d’une perfection trop élevée. D’un côté, les hauteurs qu’elle habite; de l’autre, leur faiblesse, j’allais presque dire leur lâcheté native, vous garantissent que le plus grand nombre du moins n’atteindra pas de pareils sommets; et, après tout, il est bon d’apprendre à ces jeunes consciences que leurs vrais modèles sont ceux qui se rapprochent le plus de l’éternel modèle des hommes, Jésus- Christ.
Mais, Messieurs, où veux-je en venir, après toutes ces considérations? Tout simplement à l’Assomption et aux principes qui présidèrent à la naissance de cette oeuvre. Permettez-moi de vous y faire remarquer deux choses: – premièrement, elle a été fondée sur quelques parcelles du triple élément dont je viens de vous entretenir: la vie sacerdotale, la vie religieuse et la vie chrétienne dans le monde. Quelques prêtres, dont ce n’est point ici le lieu de faire l’éloge, des religieux,dont le nombre s’accroîtra (j’espère) bientôt, de généreux laïques, dont le concours comble le vide de nos rangs et apprend en même temps à nos fils ce que peut être un chrétien dans la société. -En second lieu, cette triple pensée est comme la base de l’enseignement moral donné dans ces murs: rien de plus grand que le sacerdoce; rien de plus saint que le triple anneau des voeux qui constituent la vie religieuse; rien de plus nécessaire qu’une génération de jeunes hommes opposant aux vices du monde leurs humbles et mâles vertus. Que nous serions heureux, Messieurs, s’il ne sortait de cette maison que des chrétiens, véritables, tels qu’il nous les faut aujourd’hui, précédés et soutenus par quelques bons prêtres et quelques fervents religieux! Les uns, allant plus loin dans la voie de la perfection, aideraient leurs frères à suivre courageusement la ligne assignée à tous par la Providence; les autres, entourant fraternellement leurs aînés, leur serviraient de point d’appui et au besoin de rempart.
Mes Enfants, je viens de dire à vos parents ce que nous voudrions faire de vous, et par quels moyens nous essayons d’atteindre notre but. Vous rentrez dans vos familles, et on saura bientôt à quel point nous avons réussi. J’ignore si on vous trouvera tels qu’on eût pu l’exiger; mais, je puis vous le dire, jamais votre dette n’a été plus grande; car, sachez-le si je me suis étendu avec quelque complaisance sur les devoirs imposés aux chrétiens de nos jours, c’est que mes modèles étaient devant moi; et les sacrifices accomplis pour assurer ici un sanctuaire à votre éducation prouvent, plus que toutes mes paroles, combien le respect et le zèle pour la vérité sont profonds et efficaces chez les catholiques de Nîmes.
Soyez fiers, mes enfants, des exemples qui vous sont donnés, des traditions créées pour vous, et préparez-vous à montrer votre reconnaissance en marchant dans la voie qui vous est tracée par ceux qui vous précèdent.
Monseigneur, en daignant honorer de votre présence cette solennité, vous ne venez pas seulement présider une fête de famille, vous récompensez de nobles efforts. Les hommes qui les ont tentés se groupent autour de vous; ils sont heureux des encouragements que,plusieurs fois, pendant cette année, Votre Grandeur a bien voulu leur apporter. Avec eux, vous le voyez, on peut faire d’utiles choses; ils savent que personne plus que vous n’est capable d’en inspirer de grandes et de leur imprimer le caractère de prudence et d’énergie qui en garantit le succès. Mettez en oeuvre les éléments féconds qu’ils déposent à vos pieds, et la Vérité, dont vous êtes un si éloquent apôtre, accomplira encore, sous votre direction bénie, les prodiges du zèle chrétien!