- TD 7.290
- TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES|RAPPORTS
- Rapport de M. l'Abbé d'Alzon, directeur.
- Rapport de M. l'Abbé d'Alzon, directeur (Dans: Maison de l'Assomption, institution de plein exercice à Nîmes, Typographie Ballivet et Fabre, 1849, p. 19-33).
- DU 11; TD 7, P. 290.
- 1 ANCIENS ELEVES
1 AUTORITE PAPALE
1 BANQUET ANNUEL DES ANCIENS ELEVES
1 CANDIDATS AU BACCALAUREAT
1 COLLEGE DE NIMES
1 COMPORTEMENT
1 DEFENSE DE L'EGLISE
1 DESOBEISSANCE
1 DISCIPLINE SCOLAIRE
1 EDUCATION
1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
1 LEGERETE
1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
1 MAITRES
1 PLEIN EXERCICE
1 QUERELLE DES AUTEURS CLASSIQUES
1 RAPPORTS ANNUELS
1 SCEPTICISME
1 TRAVAIL
1 UNIVERSITES D'ETAT
1 VIE SCOLAIRE
2 ALAUZIER, GUSTAVE D'
2 ATHANASE, SAINT
2 BALLIVET ET FABRE
2 BARAGNON, JULES
2 BASILE, SAINT
2 BOUZIGE, ERNEST
2 BRENNUS
2 CABRIERES, ANATOLE DE
2 CHARLEMAGNE
2 CICERON
2 CLOVIS
2 CULLIERET, ADRIEN
2 EURIPIDE
2 FERRY, CAMILLE
2 FERRY, CHARLES
2 FRESLON, ALEXANDRE-PIERRE
2 GACHE, ADOLPHE
2 GARNIER, PAUL-MARIE
2 GLAS, FELIX
2 GREGOIRE DE NAZIANCE, SAINT
2 GUIZOT, FRANCOIS
2 HORACE
2 ISOARD-VAUVENARGUES, GONZAGUE D'
2 LAVERNEDE, JOSEPH DE
2 LOUIS-PHILIPPE Ier
2 LOUIS, SAINT
2 MALOSSE, PAULIN
2 MONTAL, ALBERT DE
2 NARBONNE, AIMERY DE
2 OVIDE
2 PELERIN, PAUL DE
2 PICARD, FRANCOIS
2 PIE IX
2 PLATON
2 PLUTARQUE
2 REDIER, JOSEPH
2 ROQUEPLANE, JACQUES-HENRI
2 ROUSSET, ALBERT
2 SALVANDY, NARCISSE DE
2 SOPHOCLE
2 SOULEZE, AUGUSTE
2 VIALLET, LEONCE
2 VIRGILE
2 WALSIN-ESTERHAZY, PAUL
3 AFRIQUE
3 ALLEMAGNE
3 ANGLETERRE
3 ESPAGNE
3 EUROPE
3 FRANCE
3 ITALIE
3 MONTPELLIER - 16 août 1849
- Nîmes
Messieurs,
Toute société, tout peuple subsiste d’une vie qui lui est propre et qui forme sa constitution morale; avant même que sa constitution politique n’ait été déterminée par les lois. Cette vie, c’est une idée; plus l’idée est vraie, plus elle est fortement acceptée, plus aussi la société dont elle est la vie est forte, plus grand est son principe d’activité.
Lorsqu’on étudie un peu attentivement notre histoire, on est forcé de reconnaître que, de tout temps, la pensée dont la France a vécu fut une pensée religieuse, une pensée chrétienne. Et comme toutes les sociétés semées à la surface du globe tendent à se réunir dans la grande et universelle société dont Dieu est le chef, la France, à cause de l’énergie de sa foi et par une grande et sublime vocation, a été destinée à défendre et à répandre au loin le principe chrétien. Telle a été sa mission, telle sa gloire, telle sa raison d’être la France, et non pas l’Angleterre ou l’Allemagne, l’Espagne ou même l’Italie. De Clovis à Charlemagne, de Charlemagne à saint Louis, elle fut guerrière pour la cause de Dieu. Sans remonter si loin, de nos jours encore, un roi de France, à la veille d’une révolution qui devait l’emporter, n’envoyait-il pas nos flottes rouvrir au christianisme les portes de l’Afrique? Et tout récemment, nous Français, qui ne voulons plus de religion de l’Etat; nous, flétris dans l’intelligence par le scepticisme et dans le coeur par l’amour du bien-être matériel, à peine avons-nous vu l’autorité du vicaire du Christ compromise, qu’entraînés par je ne sais quelle impulsion qui nous forçait même à l’inconséquence, nous avons réclamé le droit et l’honneur d’aller, au nom de l’Europe chrétienne, jeter encore dans la balance l’épée victorieuse de Brennus. Ce n’était pas, cette fois, pour satisfaire une vaine ardeur de conquêtes; c’était pour renouer, comme à notre insu et quoi qu’il en dût arriver, la chaîne de nos traditions historiques; c’était pour obéir, presque malgré nous, à l’idée dont nous avions si longtemps vécu.
Mais la mission de la France envers l’Eglise ne s’est pas seulement accomplie par le glaive. On nous a souvent reprochés de semer à travers le monde notre esprit de propagande et de prosélytisme. Oui, sans doute, nous l’avions cet esprit; Dieu nous l’avait donné pour le triomphe des doctrines de la société divine, pour la diffusion de la vérité catholique, et nous l’avons répandu en effet. Nous l’avons comme versé à flots avec le sang de nos missionnaires martyrs; nous l’envoyons encore porté sur les ailes de notre charité. Ignore-t-on que, de toutes les contrées chrétiennes, la France est celle qui fournit le plus abondamment à l’entretien des ouvriers évangéliques de l’autre côté des mers, et que tous les jours, de nos cités les plus incrédules, partent des apôtres qui prêcheront la foi chrétienne depuis les Cordilières jusqu’aux plateaux les plus élevés du Thibet?
Quelle plus belle mission que celle d’être appelé à défendre le royaume du fils de Dieu et à en reculer les limites? Eh bien! il faut le dire avec une douleur profonde, cette sublime destinée, on dirait que la France n’en veut plus. Tandis que, parmi ses enfants, quelques-uns semblent l’accepter avec l’enthousiasme des premiers âges, d’autres, chaque jour plus nombreux, s’indignent du triomphe de la foi qui n’est plus dans leur coeur.
C’est contre ce funeste dédain que nous sommes résolus à protester. Cette mission, qui ressort de chaque page de nos annales, nous voudrions en donner l’intelligence de plus en plus raisonnée à nos élèves; ce but sublime, nous voudrions en faire l’objet de leur préoccupation comme chrétiens ayant à vivre sur la terre, afin qu’un jour, quelle que soit leur carrière sociale, par leur parole ou par leur plume, par leur exemple ou par leur épée, ils concourent au succès de cette belle et noble cause. La France, en effet, a surtout été grande quand elle s’est armée pour le Christ; et si, même sous des princes ou des gouvernants peu favorables à l’Eglise, une force irrésistible a fait servir leurs combinaisons les moins bienveillantes à son triomphe extérieur, nos élèves se souviendront qu’ils doivent, eux, jeunes chrétiens, avec un dévouement réfléchi, poursuivre, dans une même pensée, ce double but: l’extension du règne du Christ et l’accomplissement le plus glorieux des destinées de la France.
Ce sont là du moins nos désirs, ce sont les pensées qui nous dirigent dans nos travaux. Comprise ainsi, l’éducation, malgré ce qu’elle a d’aridités stériles, d’amères déceptions quelquefois, nous apparaît toujours comme une oeuvre magnifique et en un sens vraiment divine.
Disons un mot de ce que nous avons fait, de ce que nous voulons faire pour obtenir des résultats conformes à nos vues; disons aussi quels obstacles se dressent à chaque instant devant nous.
Depuis deux ans surtout, la question des études nous a vivement préoccupés; de nombreuses conférences ont eu lieu entre MM. les professeurs à ce sujet; on a modifié quelques opinions, on en a développé d’autres; en un mot, il est arrivé ce qui arrive toujours quand on part d’un principe auquel on a foi: un travail s’est opéré pour mettre tout en harmonie avec ce principe.
Voici, en résumé, à quelles conclusions nous sommes parvenus, après de longs et consciencieux débats.
Si l’on veut se faire une idée du mal à guérir dans l’enseignement tel qu’il est donné aujourd’hui en France, on est forcé de répéter un mot prononcé déjà souvent et que l’on commence enfin à comprendre: C’est qu’au collège, on vit, depuis trois cents ans, en plein paganisme. Tout élève saturé de Virgile et d’Ovide, d’Euripide et de Sophocle, de Platon et même de Cicéron, devrait n’invoquer que les immortels, commencer ses repas par une libation au père des dieux et des hommes, chercher dans ses promenades la rencontre de quelque faune ou même de quelque hamadryade. Je me suis même plus d’une fois demandé s’il n’y avait pas une sacrilège plaisanterie à commencer par l’invocation du Saint-Esprit l’explication de telle ode ou de telle églogue, à moins que ce ne fût pour obtenir la grâce de n’en comprendre que les mots, et de ne pas trop chercher ce qui est sous-entendu dans les éditions expurgées.
Oui, depuis la Renaissance, nous sommes païens dans l’instruction de nos élèves; nous avons imprégné de paganisme leur intelligence et leur imagination et comme pourtant nous voulions étre chrétiens, nous avons eu deux enseignements, celui de la chapelle et celui de la classe; chaque jour, quelques moments pour la doctrine de Jésus-Christ; chaque jour, plusieurs heures à nous occuper de Jupiter et de Junon. Le matin et le soir, nous avons, dans nos prières, songé au Ciel; et, du matin au soir, nous avons parlé de l’Olympe. On a traduit les grands hommes de Plutarque; qui de nous a lu les vies ou les panégyriques des Saints écrits par saint Grégoire de Nazianze, saint Basile, saint Athanase, qui valent bien, pourtant, Plutarque et ses grands hommes.
Qu’en est-il résulté? -On le devine aisément. D’abord, dans la vie des plus grands hommes païens, on ne verra jamais que l’exemple de vertus païennes, dont le principe est essentiellement opposé à celui des vertus chrétiennes. En second lieu, l’étude de la fable n’est que l’étude des passions personnifiées; et les passions, sous quelques formes qu’elles apparaissent, sont toujours reconnues par le coeur humain. Et il a été logique d’entendre des enfants formés sous l’influence et dans l’admiration de cette fantasmagorie idolâtrique, déclarer que, pour eux, dans le choix qu’ils avaient à faire, il ne reconnaissaient plus d’autres divinités que Vénus et Bacchus. Je vous demande pardon de prononcer de pareils noms: ils se rencontrent à chaque page de Virgile, le chantre du pieux Enée, et d’Horace, le gai buveur de Tibur.
Nous savons tout ce qu’on peut nous faire d’objections; nous savons aussi quelles réponses y donner. Une autre fois peut-être développerons-nous plus longuement nos idées à ce sujet; aujourd’hui, il suffira de dire que nous croyons devoir réserver pour les classes les plus avancées l’étude des auteurs profanes. On y appréciera mieux ce qu’ils ont de supérieur pour la forme, et leurs pensées n’auront pas infecté de leur venin des esprits trop peu préparés. D’autres textes, des textes chrétiens, seront mis entre les mains de nos élèves dans les premières classes. Sans doute, ce travail se fera lentement, parce que, d’ordinaire, ce qui est brusque dure peu; sans doute, il faudra d’abord plus de peine de la part des professeurs; mais ceci n’est qu’une affaire de dévouement, et nous sommes habitués à compter sur celui de nos collaborateurs.
Certaines personnes ne manqueront pas de nous dire: Suivre un pareil plan, c’est dérouter un enfant qui n’aura pas commencé ses classes chez vous. -Rien n’est plus évident, il sera dérouté. Qu’en conclure? Que nous devons modifier notre enseignement en vue des enfants qu’on ne nous a point donnés? L’objection sera facilement résolue par les personnes qui comprennent l’avantage de l’unité dans l’enseignement. Quant à celles qui ne l’apprécient pas, nous n’avons jamais pris l’engagement de soumettre nos idées aux leurs.
Un obstacle plus grave surgira de la part des élèves. Les préoccupations du baccalauréat ruinent tous les jours, on le sait assez, la force des études en France. A peine un futur bachelier a-t-il posé le pied sur le seuil de la classe de philosophie, quand il l’y pose, qu’il est saisi de je ne sais quelle émotion fébrile. Il semble qu’un fantôme s’est dressé tout-à-coup au milieu de la route classique; et voilà nos apprentis philosophes qui en perdent volontiers le sens commun, pourvu qu’ils aient le sens du questionnaire de l’examen. Cette sorte de fureur ou de monomanie se manifeste même quelquefois plus tôt; et tels de nos élèves, qui termineraient à peine aujourd’hui leur cours de rhétorique, sont bacheliers depuis six mois, depuis quinze mois même. Comment se sont faits les cours de rhétorique et de philosophie? Ce problème n’est pas, grâces à Dieu, de notre compétence. Que reste-t-il de ces études de serre-chaude? Demandez-le aux cinq ou six cents nouveaux bacheliers dont la France est pourvue depuis quinze jours.
Assurément, il y a là un abus énorme auquel il faut obvier. Des études mal faites amènent la plupart du temps le dégoût de l’étude, de tout travail intellectuel. Or, le dégoût du travail produit des hommes nuls, ou médiocres, ce qui est peut-être pire. Cette affirmation, pour souffrir quelques exceptions, n’en est pas moins absolue.
Mais ne nous exposons-nous pas à rendre par là plus difficile l’admission de nos élèves au baccalauréat? Nous sommes convaincus du contraire. Si, comme nous l’espérons, nos études grammaticales deviennent chaque jour plus fortes, évidemment les élèves pourront ensuite faire de meilleures études littéraires. Ils ne perdront rien de la partie technique de l’enseignement; ils y gagneront beaucoup de fausses impressions de moins et un ensemble de saines idées de plus.
Nous sommes d’ailleurs moins gênés dans nos allures, depuis qu’enfin nous pouvons donner l’enseignement complet chez nous; car, vous le savez, à l’instant où nous allions couronner, par un cours de philosophie, l’enseignement classique, ce plein exercice que M. de Salvandy nous présentait dans le vague lointain d’un avenir indéfini, que M. Guizot nous assurait avant huit jours (la révolution de février ne les lui accorda pas), M. Freslon (qu’il reçoive ici le témoignage public de notre reconnaissance) en faisait le dernier acte de son passage au ministère.
Par cette concession, notre établissement, qui, après tout, eût participé à la liberté telle quelle de la future loi sur l’enseignement, reçoit comme par anticipation une garantie de stabilité et de durée, qui rassurera, nous l’espérons du moins, les plus effrayés de nos amis, et nous permettra de poursuivre nos travaux avec une sécurité plus grande pour l’avenir.
Deux mois auparavant, malgré le malaise apporté dans bien des fortunes par les perturbations politiques, malgré les suspicions dont certaines personnes, parfaitement intentionnées du reste, avaient entouré la maison, la rentrée s’était effectuée d’une manière satisfaisante. Nous ne perdions pas un grand nombre d’élèves, comme on nous l’avait annoncé; nous en obtenions, au contraire, vingt de plus; ce qui est peu, en proportion des années précédentes; ce qui est beaucoup, eu égard aux temps difficiles que nous venons de traverser.
Si la Providence fait beaucoup pour nous, nous savons que l’homme ne doit pas lui laisser tout faire. Le plein-exercice concédé, le nombre de nos élèves accru malgré tant de causes de diminution, le succès des quelques candidats présentés, cette année, par nous aux examens du baccalauréat; en un mot, l’importance chaque jour plus grande de la maison, nous impose des devoirs de plus en plus sérieux. Nous croyons avoir commencé à les remplir.
Déjà cette année, le nombre des professeurs licenciés s’est accru par le succès de l’un d’entre eux devant la Faculté des lettres de Montpellier. A la rentrée prochaine, nous en compterons au moins six avec le même grade. Parmi les établissements libres, il en est peu qui offrent une pareille garantie pour la force des études.
Il est une question que nous nous sommes souvent adressée. -Les élèves qui auront séjourné plusieurs années dans cette enceinte, une fois rendus à leurs parents, devront-ils rester à jamais isolés les uns des autres? N’auront-ils aucun lien qui les rattache à leurs anciens maîtres? -Pour les rappeler quelquefois dans ces murs, aussi bien que pour encourager l’application et la régularité des bons élèves, nous avons, de temps en temps, égayé la maison par ces divertissements improvisés et déjà traditionnels? dont les détails resteront toujours gravés dans le souvenir de ceux qui en furent les acteurs ou les témoins.
C’est encore dans ce but que nous avons inauguré le banquet annuel des anciens élèves. Institué tout récemment, nous espérons que désormais il réunira, chaque année autour d’une table de famille, tous ceux qui se ront fiers d’avoir été formés et enseignés ici, et qui auront surtout conservé l’esprit de la maison.
Enfin, nous avons établi qu’à l’avenir une médaille sera distribuée à tout élève qui aura terminé parmi nous le cours de ses études et laissé d’honorables souvenirs de conduite et de travail. Cette médaille sera tout à la fois une récompense, un signe de ralliement pour les élèves entre eux et un souvenir de l’esprit chrétien que nous avons cherché à leur inspirer.
Pouvons-nous espérer que tous nos élèves, à la fin de leurs cours, quitteront l’Assomption avec le désir de la revoir, et quelques-uns ne la considéreront-ils pas comme une cage odieuse, dont ils sont tout heureux de s’être envolés? -Avouons-le avec quelque tristesse,nous avons aperçu ces tendances, humiliantes pour nous et pour eux, chez quelques rares élèves. Soit ennui d’études ou la paresse empêchait les succès de la vanité, soit besoin d’une indépendance un peu trop excentrique, soit habitudes antérieures de formes trop sans gêne que la règle ne tolère pas, quelques natures incomprises, comme il y en a partout, souffrent ici, tantôt avec des soupirs au clair de lune, tantôt en rongeant leur frein. Ces infortunés s’indignent ou s’affligent qu’on expose leur dignité à la honte des arrêts, et qu’on torture leur passion de l’air extérieur sous le joug de la retenue ou des privations de sortie. Nous savons qu’ils désirent ne pas revenir; nous les en remercions, et nous les conjurons de rester chez eux. Rien d’ennuyeux, en général, comme un jeune ennuyé. Nous tenons extrêmement peu à ceux qui ne tiennent point à nous, et l’Assomption n’est point faite pour cette rêverie sentimentale qui pousse avec de naissantes moustaches.
Grâces à Dieu, c’est là l’exception; et bientôt, nous en avons l’espoir, l’exception même ne subsistera plus; car, à côté du groupe peu nombreux de nos adolescents à mérite inapprécié, grandit l’immense majorité de ces élèves, qui aiment infiniment les vacances et qui ne se croient pas, pour cela, contraints à détester le temps des études; qui sont tout heureux sous le toit paternel, sans se croire esclaves sous celui du collège; dont l’affection pour leurs parents est sans bornes, et qui savent trouver encore pour leurs maîtres une place au fond de leur coeur.
Ces heureuses dispositions ont été puissamment développées sous l’action chaleureuse, quoique trop rapide, d’un de ces hommes qui ne passent nulle part sans y faire beaucoup de bien. Nous serions ingrats, si nous ne proclamions ici hautement les fruits précieux d’une parole, qui, partant du coeur d’un saint prêtre, venait retentir dans le coeur de tous, élèves et maîtres. -La Retraite de 1849 fera époque dans l’Assomption. Qui n’y a pas pris la résolution de devenir meilleur? Je ne crois pas être un témoin trop favorablement prévenu, en affirmant que ses résultats durent et dureront longtemps encore.
Nous avons hâté d’ajouter que la bienveillante libéralité de la Ville a voulu, par la fondation de quatre prix d’honneur, encourager nos efforts et donner comme une sanction à l’esprit dans lequel nous cherchons à nous développer. Ces prix seront accordés à l’élève qui, dans chacune des quatre divisions, se sera le plus distingué, pendant toute l’année, par le double mérite de la conduite et du travail. Nous n’avons pas cru pouvoir mieux interpréter la pensée de nos généreux magistrats.
Nous serons court dans notre jugement comparé des divisions.
La Quatrième, que nous voulions laisser grandir, il y a un an, a parfaitement poussé. Sous l’influence vraiment heureuse d’un élève un peu plus âgé que ses camarades, elle a fait preuve de tout le bon esprit qu’on peut montrer entre sept et dix ans. Citons, pour la conduite,
MM. Soulèze (Auguste), Rousset (Albert) et d’Isoard-Vauvenargues (Gonzague);
Et MM. Soulèze (Auguste), Ferry (Camille) et Gache (Adolphe) pour le travail.
La Troisième Division est, pour le moment, la division tapageuse. La Seconde ne voulait plus de son vieux bagage de légèreté, d’insoumission, de turbulence; la Troisième l’a ramassé et en a fait son lot; il ne faut pas disputer des goûts. Ces jeunes mutins ont eu besoin de sentir plus d’une fois une main vigoureuse courber leurs têtes, beaucoup trop à l’évent, sous le joug d’une sévère discipline. Nous devons cependant une mention honorable
A MM. de Montal (Albert), Malosse (Paulin), Cullieret (Adrien) et Baragnon (Jules), pour la conduite;
Ainsi qu’à MM. de Montal (Albert), Baragnon (Jules) et Ferry (Charles), pour le travail.
Pour la Seconde Division, il y a métamorphose complète. Oublions toutes les paroles peu aimables que nous avons adressées aux élèves qui la composent. Ils les méritaient, il est vrai; mais aujourd’hui, il en est tout autrement. Sauf deux ou trois personnages, qui ont voulu rester comme le type d’un élève de la Seconde Division, d’autrefois (et l’on sait ce que cela veut dire), une merveilleuse transformation s’est opérée. Conduite et travail, nous sommes contents de tout; et nous ne craignons pas de le dire, si l’on veut connaître le véritable esprit de l’Assomption, c’est dans la Seconde Division surtout qu’il faut aller le chercher. Parmi ceux qui l’expriment le mieux, nommons
MM. Walsin-Esterhazy (Paul) de Narbonne-Lara (Aimery), Glas (Félix), Garnier (Marie) et Redier (Joseph), pour la conduite;
Et MM. Walsin-Esterhazy (Paul), d’Alauzier (Gustave), Redier (Joseph) et Bouzige (Ernest), pour le travail.
Reste la Première Division. Elle s’était annoncée assez heureusement; nous espérions n’avoir à lui donner jusqu’au bout que des louanges. Nous nous sommes trompés. Au printemps, lorsque tout pousse, ont apparu certaines tendances pétulantes, certains airs plus ou moins attendris, plus ou moins évaporés, certaines prétentions beaucoup trop fréquentes à augmenter les vapeurs de l’atmosphère par les vapeurs du cigare. Quelques autres indices encore nous ont donné de l’inquiétude. Peut-être aurions-nous dû nous montrer sévères; mais comment l’être jusqu’à l’exclusion, quand on n’a encore que des conjectures? Aujourd’hui, nous avons plus que cela, et nous affirmons que le mal sera réparé pendant les vacances.
Cependant, nous ne prétendons pas que ces critiques doivent s’étendre à d’autres qu’a une très faible minorité; car, l’ensemble de la Première Division (c’est-à-dire trente-cinq élèves au moins sur quarante-cinq) a droit des éloges; et nous les donnons de bon coeur avec l’espoir que, dans un an, ils pourront sortir de notre bouche sans aucune réserve. Les élèves qui se sont le plus distingués dans la Première Division sont:
MM. de Cabrières (Anatole), Picard (François), de Pèlerin (Paul), Roqueplane (Henri), de Lavernède (Joseph) et Viallet (Léonce), pour la conduite;
Et MM. de Cabrières (Anatole), de Pèlerin (Paul), Roqueplane (Henri) et Picard (François), pour le travail.
Notre tâche envers vos parents est terminée, mes amis. Il ne nous reste plus qu’à vous dire adieu jusqu’à la fin des vacances. Vous allez partir. Pourquoi ne pourrons-nous pas rendre à leurs familles tous ceux de vos camarades qu’elles nous avaient confiés? La mort, qui avait passé quatre ans sans vous frapper, a voulu vous faire payer cher la trève qu’elle semblait vous avoir accordée. Deux de vos condisciples, enlevés sous vos yeux, vous avertissent que ni l’âge, ni la force apparente de la santé ne vous mettent à l’abri de l’inévitable loi de notre nature. Emportez avec vous cette pensée triste, mais utile; qu’au milieu des entraînements auxquels un jeune homme peut être exposé, elle soutienne votre conscience; qu’elle veille sur vous mieux que l’oeil de vos parents ou de vos maîtres; qu’elle désenchante pour vous tout plaisir funeste; qu’elle fortifie votre âme, en l’éclairant de cette lumière qui, pour l’homme de foi, jaillit toujours du fond du tombeau!