Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.290

• T2-290
• 878
• Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.290
• Orig.ms. ACR, AM 376; D'A., T.D. 38, n. 13, pp. 96-97.

• 1 ANCIENNES ELEVES
  1 CONVERSION SPIRITUELLE
  1 ENFER
  1 EPREUVES
  1 PATERNITE SPIRITUELLE
  1 PORTEMENT DE LA CROIX PAR LE CHRETIEN
  1 PURGATOIRE
  1 SALUT DES AMES
  1 SATAN
  1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
  2 COMBIE, JULIETTE
• A MADEMOISELLE CLEMENTINE CHASSANIS
• CHASSANIS Clémentine
• le 27 juillet 1857].
• 27 jul 1857
• [Clichy,

Ma bien chère enfant,

Juliette(1) vous répétera ce que je la chargeais de vous dire, dans une lettre que je lui adressais quelques minutes avant de recevoir la vôtre et qu’une personne m’avait fait interrompre. Vous devez rester à la tête de l’association(2). Ce pourra être pour vous une planche de salut, et vous en avez besoin. Jamais, ma fille, je ne me suis plus senti votre père, et jamais je n’ai été effrayé de votre état. Mon affection augmente ma terreur, quand je pense à ce que vous pourriez être et à ce que vous n’êtes pas. Mais, je puis bien vous l’assurer, quelques sottises que vous puissiez faire, ni mon appui ni mon coeur ne vous feront défaut. Je serai toujours pour vous un ami dans toute la force du mot, un ami importun quelquefois; mais vous savez, j’en suis sûr, comprendre ce que je vous suis sous toutes mes rudesses. Je reviendrai imperturbablement à la charge pour vous redire sur tous les tons: « Dieu vous attend; il vous veut toute sienne; il vous veut pauvre, mortifiée, fervente, zélée pour sa gloire; il vous veut convertie. Le temps presse. Il vous attend, et le diable vous attend aussi. A qui laisserez-vous la victoire? ».

Vous répondrez: « Mais ne puis-je me sauver comme une simple chrétienne? » Autrefois, c’était possible; aujourd’hui, avec les blessures si profondes que vous avez reçues, j’en doute. Eh! mon Dieu, non, je n’en doute pas. Je vois de toute évidence que les termes moyens ne peuvent plus vous convertir. Aux grands maux, les grands remèdes. Ma fille, ma Clémentine, songez à votre âme, à votre éternité. Qu’est-ce que quelques années d’ivresse en face de l’enfer?

Je vous remercie de la sympathie que vous voulez bien témoigner à mes brimborions d’épreuves. Il me semble que je serais prêt à souffrir avec une grande joie dix fois plus pour assurer votre salut. Après tout, quand on a si souvent parlé de la croix aux autres, il faut bien en prendre au moins quelques petites pour soi. Le bon Dieu m’en envoie moins que je n’en mérite. Aussi, rassurez-vous. Je trouve très bon de faire un peu de purgatoire en ce monde, pourvu que je le fasse bien.

Adieu, ma fille. Je ne puis vous dire combien je vous suis dévoué.

E. D’ ALZON.

Clémentine.