- T2-273
- 865
- Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.273
- Orig.ms. ACR, AL 129; D'A., T.D. 34, n.95,p.245.
- 1 COLLEGE DE CLICHY
1 COLLEGE DE NIMES
2 ALZON, FAMILLE D'
2 BARNOUIN, HENRI
2 BERTHOMIEU, JOSEPH-AUGUSTIN
2 CABRIERES, ANATOLE DE
2 CART, JEAN-FRANCOIS
2 CHAFFOY, CLAUDE-FRANCOIS DE
2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
2 VAILHE, SIMEON
3 LAVAGNAC
3 NIMES
3 PARIS - A MONSIEUR EUGENE GERMER-DURAND
- GERMER_DURAND_EUGENE
- le] mercredi 1er juillet [18]57.
- 1 jul 1857
- [Paris,
Mon cher ami,
Me voilà arrivé au terme du combat, et je ne suis pas vainqueur. Je comptais sur un dernier appui, et, en arrivant ici, je trouve une lettre qui m’ôte tout espoir(1). Dieu le veut sans doute, car il me semble que je puis me rendre le témoignage d’avoir lutté jusqu’au dernier moment. On prétend que ma famille aurait consenti à l’existence de la maison, si j’avais fermé Clichy. Il y a un an, c’est possible. Aujourd’hui, je ne le crois pas. Jamais, depuis un an, on ne m’en a parlé.
Il faut à présent nous occuper de vous. Que puis-je faire? Ecrivez-moi vos idées, et croyez que tout ce que je puis est à votre disposition.
Adieu. Je vous embrasse tristement sans doute, mais avec toute ma vieille affection.
E. D'ALZON.Cependant, le P. d'Alzon ne partit pas sans avertir son évêque. Il lui fit remettre, par l'abbé de Cabrières, l'anneau pastoral de Mgr de Chaffoy, en attendant de lui faire parvenir une autre relique à la fermeture du collège. Il accompagna ce geste d'une lettre, à laquelle Mgr Plantier répondit le 5 juillet:
"L'abbé de Cabrières avait déjà rempli sa triste mission, mon cher vicaire général, quand votre lettre m'est arrivée; elle ne m'a rien appris de nouveau, et cependant elle m'a frappé d'un coup bien pénible, contre-coup de votre propre douleur. La chute de l'Assomption m'accable doublement, et parce que c'était votre oeuvre, et parce que c'était une institution précieuse à mon diocèse. De si nobles motifs vous l'avaient fait entreprendre, vous l'aviez fondée à travers tant d'orages bravés et tant de difficultés ou d'hostilités vaincues, vous aviez fait pour la développer et l'asseoir tant de sacrifices généreux, vous vous étiez créé par là une vie si laborieuse, si amère, vous qui pouviez avoir une existence si belle et si facile, que je ne puis sans la plus cruelle désolation voir tomber ce qui vous a couté tant de dévouement et d'efforts. Et ce qui met le comble à ma peine, c'est que mon diocèse tout entier va perdre un établissement qui lui rendait d'immenses services. Tant de jeunes gens de naissance et de fortune y recevaient une éducation sérieusement chrétienne que c'était là pour notre avenir comme un foyer d'espérance.
"Mais enfin, puisque la Providence vous condamne à vous contenter du bien que vous avez fait jusqu'à ce jour, par cette fondation et par tous les sacrifices qui l'ont accompagnée; vous pouvez vous résigner, mon cher abbé, par le sentiment d'une grande tâche noblement accomplie. Vous avez consumé au service de la jeunesse et pour le bien de l'Eglise une santé magnifique et une belle fortune; c'est une admirable gloire, et si les hommes de la prudence sont tentés de vous jeter la pierre, les hommes de la générosité vous décerneront autant d'estime que de gratitude. C'est parmi ces derniers que je me range. Ma reconnaissance ne durera pas moins que celle de mon diocèse qui doit être impérissable.
"Tant que vous ne serez pas obligé par les nécessités de votre Congrégation de renoncer à Nîmes, vous resterez mon vicaire général; je tiens à rompre le plus tard possible des liens qui m'ont été si doux. Mais quand l'heure décisive de la séparation sera venue, vous pourrez me la faire connaître. Mon choix est arrêté; Mgr Cart a laissé dans mes mains un testament que je dois respecter religieusement, et vous n'ignorez pas que l'homme qu'il me désigne vous touche de bien près et vous est infiniment cher.
"Je vous remercie de l'anneau que vous avez eu la bonté de me faire remettre; il me sera pré cieux à deux titres, parce que Mgr de Chaffoy l'a porté et parce que vous m'en avez fait présent. Je vous remercierai plus tard de l'autre objet dont m'a parlé l'abbé de Cabrières; il m'est impossible de vous en parler aujourd'hui à raison de l'événement douloureux qui doit m'en mettre en possession.
"Merci mille fois, mon cher abbé, de tout ce que vous avez fait et de tout ce que vous avez désiré faire pour l'évêque de Nîmes. Impuissant à retenir sur la pente de sa ruine une maison qu'il aimait il gardera du moins de son fondateur la plus douce mémoire, et vous aurez dans mon coeur cette place de privilège à laquelle vous donnent droit les rapports si heureux qui nous ont unis, et le bien dont l'Eglise de Nîmes vous a vu tant d'années vous constituer le provocateur ou l'instrument.
"Agréez, cher vicaire général, cette assurance et celle de mon plus entier dévouement.
+HENRI, évêque de Nîmes".
Outre les sentiments qu'elle exprime, cette lettre éclaire l'attitude de Mgr Plantier, que d'aucuns ne comprenaient pas ou jugeaient mal, et aussi l'attitude de l'abbé de Cabrières. En effet, l'évêque de Nîmes connaissait la décision de la famille d'Alzon, qui s'était portée garante des dettes de son fils, de vendre l'Assomption; il savait par ailleurs la ferme volonté de son vicaire général, qui n'habitait presque plus Nîmes, d'abandonner cette ville si la continuation de son oeuvre lui était interdite. Dépourvu de ressources pour se substituer à lui, Mgr Plantier avait résolu, depuis deux ans qu'il gouvernait le diocèse, si le collège était vendu, de n'autoriser aucun de ses prêtres à s'associer à la nouvelle organisation. Certes, il pensait à la fondation d'un groupe de missionaires diocésains, mais il n'entendait pas qu'une oeuvre se substituât à une autre, à l'encontre de ce que pensait l'abbé de Cabrières; *Sint omnimo mei aut non sint*, disait-il. Enfin, si le P. d'Alzon ne rentrait pas à Nîmes, il était décidé à le remplacer comme vicaire général, et c'était l'abbé de Cabrières, directeur de l'Assomption en l'absence du P. d'Alzon, qui était appelé, par la volonté testamentaire de Mgr Cart, homologuée par Mgr Plantier, à recueillir sa succession. "Le P. d'Alzon ne l'ignorait pas, l'abbé de Cabrières non plus; le clergé et le peuple nîmois en soupçonnaient quelque chose. D'où la mauvaise humeur qui perce contre l'abbé, à qui l'on reproche sa torpeur intéressée, alors que la réserve commandée par les circonstances s'inspira toujours chez lui de la plus exquise délicatesse". (VAILHE, *Vie du P. d'Alzon*, II, pp. 244-246).1. Sans doute la lettre de l'abbé Berthomieu du 19 juin à Mère M.-Eugénie et transmise par elle au P. d'Alzon (*Lettre* 863, n.1). -"L'appui" de la Mère lui étant refusé, le P. d'Alzon partit de Lavagnac pour un court arrêt à Nîmes, qu'il quitta sans adieux, presque en fugitif, pour se rendre à Paris. "L'abbé de Cabrières, écrit le 30 juin l'abbé Barnouin qui s'étonnait de cette conduite, a eu la bonté de me dire qu'en nous quittant de la sorte vous aviez voulu vous soustraire à des adieux qui auraient achevé de briser votre coeur".
Cependant, le P. d'Alzon ne partit pas sans avertir son évêque. Il lui fit remettre, par l'abbé de Cabrières, l'anneau pastoral de Mgr de Chaffoy, en attendant de lui faire parvenir une autre relique à la fermeture du collège. Il accompagna ce geste d'une lettre, à laquelle Mgr Plantier répondit le 5 juillet:
"L'abbé de Cabrières avait déjà rempli sa triste mission, mon cher vicaire général, quand votre lettre m'est arrivée; elle ne m'a rien appris de nouveau, et cependant elle m'a frappé d'un coup bien pénible, contre-coup de votre propre douleur. La chute de l'Assomption m'accable doublement, et parce que c'était votre oeuvre, et parce que c'était une institution précieuse à mon diocèse. De si nobles motifs vous l'avaient fait entreprendre, vous l'aviez fondée à travers tant d'orages bravés et tant de difficultés ou d'hostilités vaincues, vous aviez fait pour la développer et l'asseoir tant de sacrifices généreux, vous vous étiez créé par là une vie si laborieuse, si amère, vous qui pouviez avoir une existence si belle et si facile, que je ne puis sans la plus cruelle désolation voir tomber ce qui vous a couté tant de dévouement et d'efforts. Et ce qui met le comble à ma peine, c'est que mon diocèse tout entier va perdre un établissement qui lui rendait d'immenses services. Tant de jeunes gens de naissance et de fortune y recevaient une éducation sérieusement chrétienne que c'était là pour notre avenir comme un foyer d'espérance.
"Mais enfin, puisque la Providence vous condamne à vous contenter du bien que vous avez fait jusqu'à ce jour, par cette fondation et par tous les sacrifices qui l'ont accompagnée; vous pouvez vous résigner, mon cher abbé, par le sentiment d'une grande tâche noblement accomplie. Vous avez consumé au service de la jeunesse et pour le bien de l'Eglise une santé magnifique et une belle fortune; c'est une admirable gloire, et si les hommes de la prudence sont tentés de vous jeter la pierre, les hommes de la générosité vous décerneront autant d'estime que de gratitude. C'est parmi ces derniers que je me range. Ma reconnaissance ne durera pas moins que celle de mon diocèse qui doit être impérissable.
"Tant que vous ne serez pas obligé par les nécessités de votre Congrégation de renoncer à Nîmes, vous resterez mon vicaire général; je tiens à rompre le plus tard possible des liens qui m'ont été si doux. Mais quand l'heure décisive de la séparation sera venue, vous pourrez me la faire connaître. Mon choix est arrêté; Mgr Cart a laissé dans mes mains un testament que je dois respecter religieusement, et vous n'ignorez pas que l'homme qu'il me désigne vous touche de bien près et vous est infiniment cher.
"Je vous remercie de l'anneau que vous avez eu la bonté de me faire remettre; il me sera pré cieux à deux titres, parce que Mgr de Chaffoy l'a porté et parce que vous m'en avez fait présent. Je vous remercierai plus tard de l'autre objet dont m'a parlé l'abbé de Cabrières; il m'est impossible de vous en parler aujourd'hui à raison de l'événement douloureux qui doit m'en mettre en possession.
"Merci mille fois, mon cher abbé, de tout ce que vous avez fait et de tout ce que vous avez désiré faire pour l'évêque de Nîmes. Impuissant à retenir sur la pente de sa ruine une maison qu'il aimait il gardera du moins de son fondateur la plus douce mémoire, et vous aurez dans mon coeur cette place de privilège à laquelle vous donnent droit les rapports si heureux qui nous ont unis, et le bien dont l'Eglise de Nîmes vous a vu tant d'années vous constituer le provocateur ou l'instrument.
"Agréez, cher vicaire général, cette assurance et celle de mon plus entier dévouement.
+HENRI, évêque de Nîmes".
Outre les sentiments qu'elle exprime, cette lettre éclaire l'attitude de Mgr Plantier, que d'aucuns ne comprenaient pas ou jugeaient mal, et aussi l'attitude de l'abbé de Cabrières. En effet, l'évêque de Nîmes connaissait la décision de la famille d'Alzon, qui s'était portée garante des dettes de son fils, de vendre l'Assomption; il savait par ailleurs la ferme volonté de son vicaire général, qui n'habitait presque plus Nîmes, d'abandonner cette ville si la continuation de son oeuvre lui était interdite. Dépourvu de ressources pour se substituer à lui, Mgr Plantier avait résolu, depuis deux ans qu'il gouvernait le diocèse, si le collège était vendu, de n'autoriser aucun de ses prêtres à s'associer à la nouvelle organisation. Certes, il pensait à la fondation d'un groupe de missionaires diocésains, mais il n'entendait pas qu'une oeuvre se substituât à une autre, à l'encontre de ce que pensait l'abbé de Cabrières; *Sint omnimo mei aut non sint*, disait-il. Enfin, si le P. d'Alzon ne rentrait pas à Nîmes, il était décidé à le remplacer comme vicaire général, et c'était l'abbé de Cabrières, directeur de l'Assomption en l'absence du P. d'Alzon, qui était appelé, par la volonté testamentaire de Mgr Cart, homologuée par Mgr Plantier, à recueillir sa succession. "Le P. d'Alzon ne l'ignorait pas, l'abbé de Cabrières non plus; le clergé et le peuple nîmois en soupçonnaient quelque chose. D'où la mauvaise humeur qui perce contre l'abbé, à qui l'on reproche sa torpeur intéressée, alors que la réserve commandée par les circonstances s'inspira toujours chez lui de la plus exquise délicatesse". (VAILHE, *Vie du P. d'Alzon*, II, pp. 244-246).