Vailhé, LETTRES, vol.3, p.380

3 nov 1848 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Sa nouvelle maladie l’a empêché de répondre. -Son mal provenait en bonne partie de ses difficultés avec l’abbé Goubier; il s’en est séparé et est devenu seul propriétaire du pensionnat. -Il ne peut aller à Paris pour obtenir le plein exercice. -Autres nouvelles.

Informations générales
  • V3-380
  • 0+589|DLXXXIX
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.380
Informations détaillées
  • 1 MALADIES
    1 PENSIONS SCOLAIRES
    1 PLEIN EXERCICE
    1 PROPRIETES FONCIERES
    1 REPUBLIQUE
    1 SOUCIS D'ARGENT
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 RATISBONNE, THEODORE
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 3 novembre 1848.
  • 3 nov 1848
  • Nîmes,
La lettre

Quoique je sois rétabli, ma chère enfant, j’ai été pris d’une douleur de côté qui m’a inquiété quelque temps et m’a un peu préoccupé, parce que c’est ainsi que, l’été dernier, a commencé mon indisposition. Grâce à Dieu, ce n’a rien été; mais je n’en ai pas moins ressenti une certaine difficulté à me pencher pour écrire. Et quant au bon Cardenne, je lis sur sa physionomie qu’il fait de tels actes de vertu, quand je le charge d’écrire, qu’après l’en avoir prié deux ou trois fois, je n’ose plus insister. Voilà, ma chère enfant, l’explication de mon long silence, et je vous assure qu’il m’est un véritable remords, après la lettre si bonne et si aimable que je reçois de vous ce matin. Je vous assure que je ne vaux pas la peine qu’on m’aime tant et si bien. Du reste, j’entre dans vos pensées, je vais me soigner et prendre de grandes résolutions de douceur. C’est ce que je m’étais proposé, avant de recevoir votre lettre, et vous ne faites que me confirmer dans mes résolutions.

Mon mal a dû sa gravité à une lettre incroyable que m’a adressée l’abbé Goubier, où il se plaignait de ce que l’on portât sur son compte courant une somme qu’il avait empruntée, il y a trois ans, pour quinze jours et qu’il avait affectée aux besoins de son église, voulant, disait-il, la prélever sur nos bénéfices futurs. Si j’eusse été bien portant, ce n’eût rien été; mais souffrant déjà et le voyant agir au sujet d’un autre homme avec une raideur que je ne m’explique pas, après mes procédés envers lui, je fus fatigué au delà de toute expression. Enfin, le bon Dieu a permis la chose pour un bien, car il en est résulté que je me suis rendu propriétaire de la maison, me chargeant de toutes les dettes, bien entendu; mais nous n’aurons plus de semblables démêlés.

Quant au plein exercice, je vous conjure de ne pas négliger cette affaire. Vous comprenez de quelle importance elle est pour moi. Aller à Paris m’est malheureusement impossible: je suis sans le sou et je ne sais où trouver de quoi faire aller la maison. Je viens de payer près de 40,000 francs d’arriérés. Voilà les pensions des élèves parties! Je ne sais plus de quel côté me tourner. Il y a eu, de plus, quelques personnes, qui ont pris la maison en grippe et qui lui ont fait beaucoup de mal. Il faut que je sois là pour parer de mauvais coups. La rentrée a été pourtant assez bonne. J’ai 115 pensionnaires et j’en attends cinq ou six encore. Si la République se consolidait, j’aurais les plus belles chances.

Je donne à M. Ratisbonne(2) tous les pouvoirs pour vous faire du bien. Veuillez le lui dire de la manière que vous jugerez convenable, mais pourtant après y avoir bien réfléchi; car, tout en entrant dans votre désir, il me semble que plus tard vous y trouverez de l’inconvénient. Excusez-moi de ne pas entrer dans de plus longs détails. Dès que je serai tout à fait fort, je vous parlerai plus au long; aujourd’hui, je veux seulement faire preuve de bonne volonté. Veuillez dire mille choses reconnaissantes pour moi à vos filles.

Adieu, bien chère fille. Vous ne sauriez croire à quel point vos bonnes paroles me remuent l’âme. Adieu. Tout à vous, en Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t IV p. 393 sq., 396.1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t IV p. 393 sq., 396.
2. Le P. Théodore Ratisbonne, fondateur des religieuses de Sion et frère du converti de Saint-André *delle Fratte*.