Vailhé, LETTRES, vol.2, p.378

25 nov 1845 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Les demoiselles Carbonnel s’occupent du matériel du pensionnat. -Entre la volonté de la Mère Eugénie de Jésus et la sienne, il y a celle de Jésus-Christ. -Les trois postulantes se préparent à partir. -Nouvelles diverses. -Il fait des petits sacrifices de détachement.

Informations générales
  • V2-378
  • 0+429|CDXXIX
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.378
Informations détaillées
  • 1 CELLULE
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 DESOBEISSANCE
    1 DILIGENCE
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 NOEL
    1 NOVICIAT
    1 PAIX DE L'AME
    1 PENSIONS
    1 POSTULANT
    1 PREDICATION DE RETRAITES
    1 PRIE-DIEU
    1 PROFESSION TEMPORAIRE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENONCEMENT
    1 SERVIABILITE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VOLONTE DE DIEU
    1 VOLONTE PROPRE
    1 VOYAGES
    2 ACHARD, MADAME
    2 ACHARD, MARIE-MADELEINE
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BOURDET, MARIE-FRANCOISE
    2 BOYER, MADAME EDOUARD
    2 CARBONNEL, ANTOINETTE
    2 CARBONNEL, ISAURE
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 EVERLANGE, JEAN-LEOPOLD-DIEUDONNE D'
    2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL D'
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 JEAN, SAINT
    2 NICOLAS, JEAN-EUGENE
    2 SAINT-JULIEN, MARIE-GONZAGUE
    2 SAUVEBOEUF, MADAME DE
    3 MONTPELLIER
    3 PARIS
    3 PARIS, EGLISE SAINT-LOUIS-EN-L'ILE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 25 novembre 1845.
  • 25 nov 1845
  • Nîmes,
La lettre

Et vous aussi ma chère enfant, vous aurez de mes lettres tous les jours. Dieu veuille que mes lettres vous fassent autant de plaisir que les vôtres m’en font. Je vais répondre à deux choses de votre lettre d’avant-hier ou d’hier, et puis je passerai à celle d’aujourd’hui.

1° J’ai en ce moment les demoiselles Carbonnel(2); elles sont venues, et je n’en suis ni content ni peiné. Je pense que le bon Dieu le voulait ainsi, car j’ai tout fait pour les dégoûter, jusqu’à leur dire que je croyais qu’elles feraient mieux de ne pas venir et en leur signifiant qu’au bout de deux ans elles seraient forcées de s’en aller. Elles n’en ont pas moins persisté. Il y a là-dedans un dévouement dont il est difficile de n’être pas touché, et c’est pour cela que, quand elles ont eu pris leur parti, il m’a été impossible de ne pas les encourager tant que j’ai pu. En ce moment, les choses vont au mieux. Mais que d’orages à essuyer! Vous ne vous en faites pas une idée. Elles resteront donc encore deux ans, puis nous verrons. J’aurais voulu leur confier l’oeuvre des petits enfants, mais plusieurs d’entre elles y ont trop de répugnance. J’ignore si je pourrai jamais venir à bout de les vaincre. Une oeuvre de ce genre pourrait être très bonne, mais il faut que les personnes qui s’en occupent veuillent s’en donner la peine.

2° Pour vous, chère enfant (je vous demande pardon de la transition), pour vous, je ne suis pas le moins du monde inquiet de savoir si je viendrai jamais à bout de vous. Je croyais que c’était déjà fait. Au-dessus de toutes vos capricieuses résistances, il y a quelque chose de plus fort: il y a votre volonté et la mienne, et, au-dessus de nos volontés, il y a celle de Jésus-Christ, et, quoi que vous disiez et fassiez, vous êtes liée à celle-là. Et parce que vous ne voulez pas être enchaînée par un lien de devoir seulement, mais aussi par un lien d’amour, vous êtes forcée de remercier Dieu de me placer entre lui et vous pour avoir les moyens de donner à votre obéissance, non seulement une exactitude de justice, mais aussi une plénitude d’humilité, de perfection et de charité.

Le souvenir de vos désobéissances passées vous révolte. Et croyez-vous qu’elles ne me révoltent pas? Vous croyez-vous seule à être orgueilleuse! Oh! vraiment, sachez donc que j’en ai aussi ma bonne part. Et toutefois, sachez que je me sentirais tout prêt à recommencer, si je croyais qu’il vous fût bon que je revinsse encore. Je crois, au contraire, que pour le moment vous avez à vous pacifier, pacifice regnans. Régnez sur vous et sur vos filles par la paix de Jésus-Christ. Au milieu de tous mes ennuis, Dieu me fait la grâce de la trouver auprès de vous cette paix, qui quelquefois se retire. Ah! si je pouvais vous la donner, à mon tour!

3° J’ai vu hier nos trois futures postulantes. Elles sont dans la joie de leur âme. Les deux plus jeunes sont bien enfants dans un sens, mais je le préfère, parce que vous pourrez les former. La tante de Mlle Achard qui les accompagnait pleurnichait bien un peu, mais elle était cependant disposée à se consoler. Je suis allé ce matin chez M. d’Everlange. Au 1er janvier, il me remettra mille écus qui représenteront une pension de 150 francs; à quoi il ajoutera encore 150 francs par an pour le temps du noviciat; à la profession, il comptera encore 1000 francs: en tout 4000 plus le trousseau. A sa mort, Mlle Elisa partagera avec ses frères. Ce père est dans les larmes, mais pressé de la voir partir, parce qu’il sera, dit-il, dans l’agonie, tant qu’il la verra près de lui, et qu’il aime mieux ne plus avoir sous ses yeux le sujet de ses larmes. Je ne saurai que dans quelques jours la réponse des parents de Mlle Bourdet.

Je voudrais pouvoir vous les envoyer pour Noël. Vous les aurez dans tous les cas au moins en janvier. Vous pouvez compter sur 3000 francs pour le mois de janvier, ceux de Mlle d’Everlange. J’ai écrit à mon notaire pour savoir s’il peut me faire un arrangement, d’ici à quelques jours; je vous l’écrirai aussitôt qu’il m’aura donné une réponse.

4° Le petit bonhomme dont vous me parlez pourrait être confié à M. Nicolas qui va revenir. Il faudrait lui écrire au plus tôt, rue Poultier, n° 2, chez le curé de Saint-Louis-en-l’Ile. Je n’ose en charger Mme Foyer; les enfants de cet âge lui font toujours mal. En le recommandant au conducteur d’une diligence, peut-être pourrait-on le faire venir, ou mieux encore l’expédier par la malle-poste jusqu’à Montpellier, où je le ferais prendre. Il y a déjà des enfants aussi jeunes et qui sont très bien soignés.

Veuillez remercier Mme de Sauveboeuf de s’être souvenue de moi. J’ai bien regretté qu’à mon départ de Paris elle ne fût pas de retour dans votre maison. Est-elle redevenue votre pensionnaire? Ce que vous me dites de M. Gabriel me comble de joie. Je vais renouveler mes instances, afin de chercher à l’attirer pour une retraite pastorale, sinon pour l’année prochaine, au moins pour dans deux ans.

26 novembre.

Le pauvre Beiling me fait peur. Je ne lui ai pas encore parlé, mais je souffre bien pour lui. Cependant, il faut dire que depuis deux jours il a pris une mine gaie, qui tient sans doute à la proposition que je lui ai faite de faire une traduction avec lui.

Pour mon costume, n’attendez pas l’abbé Nicolas; expédiez-le-moi par la diligence. Je commence à geler. Le temps est magnifique, mais un peu froid.

Vous ne me dites plus rien depuis quelque temps de l’intérieur de vos filles. Croyez-vous qu’il ne me préoccupe pas? J’ai fait aujourd’hui quelques petits sacrifices de détachement: ainsi, une croix à laquelle je tenais beaucoup, je voulais vous la donner, mais j’aurais eu trop de plaisir à vous l’offrir et j’ai voulu que le détachement fût complet. Je vais donner à mon évêque un bénitier que ma soeur m’avait fait faire; c’était un cadre, au milieu duquel se trouvait un saint Jean peint par elle.

Adieu, ma chère enfant. J’ai encore cinq ou six choses à vous dire, mais je ne me les rappelle plus. Devenez bonne, chère fille, et continuez à me pousser vers ce que Dieu attend de moi. Quoique j’aie été bien paresseux ce matin, j’ai fait une assez bonne action de grâces. Pensez-vous que, dans la chambre des religieux, il soit bon d’avoir un prie-Dieu? Je ne veux pas qu’ils aient plus que vous autres et je ne tiens au prie-Dieu qu’à cause de la confession. Ce que vous me dites de Soeur Marie-Gonzague me comble de joie. Quand donc m’écrira-t-elle?

Adieu, ma chère fille. Je ne vous quitterais jamais, et pourtant il faut être raisonnable. Eh! bien, je vous laisse.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie.
2. Trois soeurs qui s'occupèrent au début du côté matériel de l'établissement. Nous publions les lettres adressées à l'une d'elles, Mlle Anaïs.