Vailhé, LETTRES, vol.2, p.317

30 sep 1845 [Nîmes], MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Dieu les a faits siens ensemble et, il l’espère bien, pour l’éternité. -Sa conversation avec l’évêque. -Il lui a révélé son voeu de Turin et son désir de s’enfermer au pensionnat de l’Assomption. -L’évêque a permis d’essayer. -Nouvelle réunion de l’Association; on décide de commencer le noviciat à Noël. -De l’Association sortiront l’Ordre et le Tiers-Ordre. -Ses occupations multiples. -Lettre pour Mme Boyer. -Rentrée du pensionnat. -Les billets des Bénédictins. -Nouvelles diverses.

Informations générales
  • V2-317
  • 0+410|CDX
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.317
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ASSOCIATION DE L'ASSOMPTION
    1 BILLET A ORDRE
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CONSENTEMENT
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 MAITRES
    1 NOEL
    1 NOVICIAT
    1 PAPE
    1 POSTULAT
    1 PRISE DE VOILE
    1 PROVIDENCE
    1 RECITATION DE L'OFFICE
    1 RECONNAISSANCE
    1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 REPAS
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 TIERS-ORDRE DE L'ASSOMPTION
    1 VICAIRE GENERAL
    1 VOEU DE TURIN
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BONALD, LOUIS-JACQUES-MAURICE DE
    2 BOYER, MADAME EDOUARD
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 CUSSE, RENE
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 DONEY, JEAN-MARIE
    2 EVERLANGE, PIERRE-EMILE-LEON D'
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GOUSSARD, BENEDICTIN
    2 GOUSSET, THOMAS
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 MONNIER, JULES
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PERROULAZ, ABBE
    2 PITRA, JEAN-BAPTISTE
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 SURREL, FRANCOIS
    2 THIEBAUD, CHANOINE
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 FRANCHE-COMTE
    3 LYON
    3 NIMES
    3 REIMS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 30 septembre 1845.
  • 30 sep 1845
  • [Nîmes],
La lettre

Si je revenais à la question que je vous ai quelquefois posée, ma chère enfant: est-ce que je ne vous ennuie pas? Je ne sais trop, cette fois, ce que vous me répondriez. Quand je songe a la patience avec laquelle vous acceptez mes commissions et au zèle que vous mettez à les faire toutes si bien, malgré l’ennui du déménagement(2), je suis tenté de vous faire mes excuses, et puis, réflexion faite, il me semble que je ne le dois pas. Allons, il faut que je sois vrai. Je n’ai pas besoin de grandes réflexions pour cela. Il me semble tout naturel que vous preniez intérêt à ce qui me concerne. Mais pour cela il faut que je me rappelle que c’est vous, et qu’entre vous et moi il y a Notre- Seigneur. Je le remercie tous les jours de nous avoir faits siens ensemble et de nous avoir rapprochés de telle sorte que c’est, je l’espère bien, pour l’éternité.

Pourquoi est-ce que je prends la plume? Vraiment, ma chère enfant, je n’en sais rien, sinon parce que j’ai beaucoup à faire, que j’ai des moments où la tête me part et que je viens vous demander un peu de ce calme que vous m’aviez si bien procuré, pendant que j’étais auprès de vous. Mais comme tout cependant doit avoir un but utile, dans l’ordre de ce que Dieu nous demande, voulez-vous que je vous conte la conversation que j’ai eue avec Monseigneur? Elle fut longue, puisqu’elle dura une heure et demie. Je la lui avais demandée depuis quelques jours. C’était un dimanche soir, après Vêpres, ordre donné de ne laisser entrer personne(3).

J’entre dans son cabinet et je lui dis que je viens lui parler comme à mon évêque, presque comme à mon confesseur, mais aussi comme à mon ami. Ce début le toucha. Il me dit qu’il pensait, depuis quelque temps, que j’avais besoin d’un guide et que, l’archevêque de Lyon devant passer sous peu par Nîmes, il avait eu l’idée de me proposer une conversation à trois. « Monseigneur, lui répondis-je, je vous assure que vous me suffisez. Lorsque j’ai été nommé par vous grand-vicaire, je fus un an à me dévouer à vous d’une manière absolue. Je fus, plus tard, dans la pensée que vous ne compreniez pas mon affection et que je m’étais trop avancé. Il en résulta pour moi une espèce d’irritation qui dura jusqu’à mon voyage de Franche-Comté, époque où je vous aurais offert ma démission du grand-vicariat, si, ayant consulté vos amis, M. Thiébaut et M. Doney, je n’avais vu qu’il fallait prendre comme un fait de votre nature ce que je croyais m’être personnel. Dès lors, Monseigneur, je me suis senti tout calmé, et mon affection pour vous (je ne lui dis pas ma confiance) est revenue la même. » Ce bon saint homme fut très touché, et en effet, je lui parlais avec mon coeur. Il fut un peu stomaqué, quand je lui dis que j’avais fait voeu de ne pas accepter de dignité, à moins d’un ordre exprès du Pape. Je lui fis observer: 1° que le voeu n’était pas absolu; 2° que, supposé que l’on songeât à moi, je devais me conduire dans cette circonstance d’une manière tout autre que pour les positions ordinaires; que, pour faire mon choix et connaître la volonté de Dieu au sujet de l’épiscopat, le Pape seul pouvait être arbitre d’une manière absolue.

Alors j’entrai dans le développement de mes projets. Il les trouva contraires à mes goûts. « C’est, Monseigneur, repris-je, ce qui me rassure le plus, puisque je puis croire que ni mon tempérament ni mon caractère n’y sont pour rien. » Il me fit observer que j’aurais bien de la peine à me contenir dans une maison. « Aussi, Monseigneur, veux-je seulement vous demander la permission d’essayer pendant un an. Je comprends, ajoutai-je, que vous ayez le droit de me défendre de rien faire. Je n’aurais qu’à obéir, sauf à revenir de temps en temps vous demander si, en consultant Dieu, il ne vous a pas inspiré de m’accorder la permission que je sollicite. » Il fut convenu que j’essaierais tout doucement, et nous nous séparâmes plus que jamais amis.

Mercredi (1er octobre).

Chère enfant, je n’ai qu’un moment entre la messe et notre dernière réunion de la retraite de nos jeunes professeurs(4), et je veux vous le donner pour vous dire que, hier, a été résolue définitivement la formation du Tiers Ordre, qui prendra le titre d’Association, jusqu’à ce que l’Ordre subsiste. A la messe, ils se sont offerts à Dieu. D’ici à Noël, nous nous mettrons en état de probation ou de postulat; de Noël à un an, nous ferons notre noviciat. Tout a été adopté, et c’est pourquoi il faut avoir la bonté de m’envoyer, le plus tôt possible, copie du petit office qui doit être récité par eux. Vous et Soeur Th[érèse]-Em[manuel] m’avez été particulièrement présentes pendant la messe que je disais pour eux. Priez beaucoup pour que la gloire de Dieu résulte de tout ceci. Lorsque j’ai donné la communion à ceux qui ne sont pas prêtres, il m’a paru que Notre-Seigneur ne pouvait pas ne pas bénir une pareille disposition à se mettre à son service.

Ainsi voilà une première pierre posée. De l’Association sortiront, comme deux branches, l’Ordre et le Tiers-Ordre. Il faut seulement compter sur l’action providentielle de la grâce, qui envoie ses rayons et sa pluie partout où il y a à féconder quelques grains jetés par la main du père de famille.

Vous ai-je dit que j’étais content on ne peut plus de M. Cardenne? Je crois que l’esprit de la maison commence a se former. Il ne s’agit que de le développer avec une direction entièrement chrétienne. J’espère toujours tout de la bénédiction de Notre-Seigneur. Vous êtes nos aînées, vous autres, mais je n’en suis pas fâché puisque nous eussions été les vôtres, si nous eussions été plus tôt généreux.

Jeudi,2 octobre, les saints Anges.

J’ai reçu, ce matin, la lettre où vous me proposez le jeune Allemand. Comme depuis quelques jours déjà je vous ai écrit à son sujet, je ne me suis pas dépêché de vous répondre, ayant à recevoir l’archevêque de Lyon, l’archevêque de Reims, à donner le matin le voile noir et, le soir, le voile blanc aux Carmélites, et, par-dessus le marché, une rentrée d’élèves flanquée d’un dîner de professeurs. En voilà plus qu’il ne faut pour ne savoir de quel côté se retourner!

Je suis un peu libre et je reviens me reposer avec vous. Les deux jeunes personnes, qui ont reçu l’une le voile noir, l’autre le voile blanc, ont été conduites par moi. Je vous assure qu’il y a là de quoi réfléchir à cette influence que l’on exerce sur certaines âmes, pour les pousser dans une voie surnaturelle.

[Vendredi].

Je croyais, hier, à ma liberté, mais j’étais dans l’erreur, car j’ai été constamment dérangé et j’ai dû faire la lettre ci-jointe pour Mme Boyer, entre 4 et 5 heures du matin. Il faut donc que je m’arrête et que je vous dise bien vite, ma chère enfant, combien je suis tout vôtre. Au milieu de toutes ces distractions, Dieu permet que je n’aie pas celle du coeur.

Samedi, 4.

Cette lettre aurait dû partir hier, mais je n’eus pas une minute pour mettre l’adresse. Aujourd’hui, nous avons dit la messe du Saint-Esprit. Priez, vous aussi, ma chère fille, pour nos enfants.

Les billets que j’ai signés ont été remis aux mains du P. Goussard(5). Je ne sais ce qu’ils sont devenus. Ils étaient à trois mois et à quatre mois de date. J’ai eu tort de me fier aveuglément à ces gens-là.

J’attends avec impatience M. Sauvage. M. Beiling est un peu problématique pour moi. Je vous ai déjà prié de m’expédier l’Allemand. Veuillez dire mille choses pour moi à M. Kaiczewicz.

Adieu, ma chère enfant. Tout à vous en Notre-Seigneur. Faut-il renoncer absolument à M. Perroulaz et ne pouvons-nous compter sur lui pour l’année prochaine?

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 367 sq., et dans *Notes et Documents, t. III, p. 60-63.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 367 sq., et dans *Notes et Documents, t. III, p. 60-63.
2. La communauté se transportait alors à la rue de Chaillot.
3. Ce fut le soir du 21 septembre.
4. Voici le procès-verbal de cette réunion. "Séance du 1er octobre 1845. Présents: MM. d'Alzon, Tissot, Surrel, Henri, Germer-Durand, Monnier, Cardenne, d'Everlange, Cusse. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et approuvé. Après une courte allocution de M. le directeur, tous les membres présents déclarent vouloir entrer dans l'*Association de l'Assomption*. En conséquence, ils sont admis à la probation; à Noël, ceux qui auront persévéré commenceront leur noviciat, et l'Association se constituera définitivement." Cahier 26, p. 1. Suivent les mêmes signatures. C'était la troisième fois que les membres de l'Association se réunissaient. La quatrième séance n'eut lieu que le 26 octobre: elle comprenait les personnes déjà nommées et cinq autres professeurs de l'établissement.
5. L'économe de Dom Pitra.