Vailhé, LETTRES, vol.2, p.311

26 sep 1845 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Les professeurs sont en retraite. -Durant les vacances, ils ont revisé le règlement. -Remerciements pour la peine qu’elle prend. -Les billets à payer bientôt. -Allies et le tract 90. -Au sujet d’un maître anglais. -Sa robe monastique. -Commission pour la Soeur Marie Augustine. -Nouvelles diverses.

Informations générales
  • V2-311
  • 0+408|CDVIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.311
Informations détaillées
  • 1 BAVARDAGES
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 CREANCES A PAYER
    1 DIPLOMATIE
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 HONTE
    1 LIVRES
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 RECONNAISSANCE
    1 REGLEMENT SCOLAIRE
    1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    2 ALLIES, THOMAS
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BELLANGER
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 COMMARQUE, MARIE-THERESE DE
    2 FOCH
    2 HENNINGSEN, AUGUSTA DE
    2 HENNINGSEN, EMILE DE
    2 HERMANT, FRERES
    2 NEWMAN, JOHN-HENRY
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 SAULOT
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 THUREAU-DANGIN, PAUL
    3 LAUNTON
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS(1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 26 septembre 1845.
  • 26 sep 1845
  • Nîmes,
La lettre

Advienne ce qui pourra! Ce soir, je veux m’en donner de vous écrire. Il faut absolument, ma chère enfant, que je cause un peu à l’aise avec vous, et non pas en courant, comme je l’ai fait tous ces jours derniers.

Il faut convenir que je suis un peu affairé. Mes professeurs sont en retraite. J’y ai mis ceux que j’avais à ma disposition. Ils sont tous très bien, et j’espère que par ce moyen les choses iront bien. Quand une fois je leur aurai un peu fait connaître ma pensée, j’espère qu’ils l’accepteront un peu plus facilement. Du reste, je ne puis pas me plaindre, car pendant toutes les vacances ceux qui sont restés à Nîmes ont énormément travaillé à préparer une nouvelle édition du règlement(2). J’ai fait faire une copie pour vous. Il y aura bien des choses à réformer encore, beaucoup qui n’iront point à votre maison, mais qui nous iront à merveille, parce que nous avons affaire à des garçons. Vous verrez vous-même, quand le travail sera terminé.

A part la reconnaissance que je vous ai pour toute la peine que vous prenez pour moi, vous ne sauriez croire, ma chère enfant, quelle impression me cause la pensée du motif pour lequel vous prenez tant de fatigues. Que Dieu vous en récompense, ma chère enfant! Car, réellement, vous êtes une bien bonne fille, et, si ce que vous voulez est excellent, le zèle avec lequel vous poursuivez votre but est excellent aussi.

Encore un coup, tâchez de m’expédier le plus tôt possible M. Sauvage ou tout autre qui vous paraîtra convenable. Vous avez sous ce rapport, une bonne fois, plein pouvoir. Si je suis le père de votre Assomption, n’êtes-vous pas un peu la mère de la mienne? Ou plutôt ne sont-elles pas toutes deux nôtres, en ce sens qu’elles sont à Jésus-Christ qui nous les a confiées? Permettez-moi de vous faire observer, par digression, qu’en parlant aux jeunes gens qui viennent à Nîmes il ne faut pas trop leur dire que je viendrai un jour à Paris. En arrivant ici, ils le répéteraient, et cela ferait mauvais effet.

Voici l’indication que vous m’avez demandée relativement aux divers paiements à faire:

9 octobre, billet Hermant: 5000 francs(3).

22 octobre, billet Bellanger: 7000 francs.

9 décembre, billet Saulot: 5000 francs.

Comme je vous l’ai dit, l’affaire des Bénédictins me gêne un peu dans le moment, pour réclamer l’argent que je vous avais dit. Il faut laisser un peu passer cette tempête, et, dès que je pourrai, je me mettrai en train de poursuivre ma pointe.

Apprenez-moi donc bientôt que Beiling est enfin arrivé. Je ne puis vous dire combien il m’en tarde. Vous ai-je priée de faire savoir à M. Allies, s’il pourrait me faire parvenir le traité 90 par l’ambassade française? Vous savez que son adresse est à Launton, Bicester Oxon(4). Pour M. Henningsen, il ne faut pas qu’il se décourage. S’il arrive chez nous sans argent, tant pis! Je ne comptais sur rien de lui sous le rapport pécuniaire et je ne comprends guère que sa soeur Augusta fasse tant la sentimentale, après la manière dont elle s’est conduite. Du reste, l’engagement de M. Emile me paraît insensé, car s’il veut répondre de toutes les dettes de sa soeur, quelles qu’elles soient, il s’expose à payer un jour plus qu’il n’aura. Pourrait-on savoir le chiffre de ses dettes à lui? Car on pourrait s’arranger en conséquence.

Vous parlerai-je de ma robe? Elle va à merveille pour la commodité, sauf que je préférerais de beaucoup qu’elle fût ouverte par devant, de la manière que je vous ai indiquée, en cachant l’ouverture sous le double pli.

Oserai-je vous charger d’une commission pour Soeur Marie-Augustine? Je voudrais qu’elle m’aidât à trouver la solution d’un problème de philosophie physiologico-morale: c’est son fort. Je posais hier devant quelques personnes la question suivante: *Pourquoi, en général, les femmes parlent-elles plus que les hommes? » Je ne fus point content des réponses. On répondit que les femmes parlaient sans penser, qu’elles parlaient d’autant plus qu’elles réfléchissaient moins ou bien encore que les femmes parlaient tandis que les hommes agissaient. Comme j’avais dans l’esprit la pensée de quelqu’un de ma connaissance, qui, assurément, pense en philosophe, réfléchit tous ses mouvements, agit merveilleusement, ne fût-ce que des pieds et des mains(5) – les planchers enfoncés et les joues de Soeur M.-Thérèse en pourraient faire foi – et que cette personne n’en parle que quatre et dix fois mieux, je la conjure de me dire sa pensée tout entière sur une pareille question.

Mais laissons là les mauvaises plaisanteries; j’en suis quelquefois tout honteux, pour ma part, et je voudrais beaucoup pouvoir m’en corriger. Il faut pourtant vous dire que je suis extrêmement sérieux avec mes jeunes gens, dont je suis enchanté. Il me semble que, de ce côté-là, je n’aurai réellement pas à me plaindre et qu’au contraire je trouverai dans ceux qui m’entourent plus de zèle que je n’avais osé l’espérer d’abord. Il faut pourtant que je m’arrête, car on vient me réclamer pour un exercice.

Dimanche matin (= 28 septembre).

Aurai-je beaucoup de temps, aujourd’hui? J’en doute. Ma soeur, Mme de Puységur, vient d’arriver, et je suis un peu occupé de savoir quel moment je pourrai lui donner. Et cependant, chère enfant, je voudrais vous dire un peu à l’aise où j’en suis, moi. Mais, de peur de l’oublier, je dois vous parler d’abord d’un M. Foch, rue Saint-Dominique d’Enfer, n° 12, qui me fait demander si je voudrais de lui pour professeur de mathématiques, supposé que M. Sauvage ne pût nous convenir. Eh bien! nous pourrions encore prendre celui-là, mais je préférerais M. Sauvage, d’après ce que vous m’en dites. Tâchez donc de le décider à nous venir. Je m’arrête à la pensée que, de toute la matinée, je n’aurai plus un moment pour continuer. Priez bien le bon Dieu pour moi. Les angoisses que j’éprouvais à Paris avaient bien leur raison. Il y a, certes, beaucoup à souffrir, mais pour[vu] que la volonté ne soit pas ébranlée! Elle a de fameuses secousses.

Tout à vous et à vos filles en Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 365 380, et dans *Notes et Documents*, t. III p. 63 sq.
2. Nous possédons encore le texte original (Cahier 3 *bis*) de ce projet de règlement pour le collège de l'Assomption; il est écrit par diverses mains et ne comprend pas moins de 850 articles. Plus tard. on en fit un résumé qui existe aussi et qui a seulement 411 articles. (Voir Cahier 101 *bis* et un autre cahier non coté.)
4. Le traité ou *tract* 90, le dernier des *tracts* que publia Newman avant d'entrer dans l'Eglise catholique, avait paru le 27 février 1841 sous ce titre: *Remarques sur certains passages des XXXIX articles*. Il eut un retentissement immense et détermina la sortie de l'anglicanisme de plusieurs des plus éminents théologiens anglais. Sur lui, voir Thureau-Dangin,*La renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle*, Paris, t. Ier, p. 206 sq.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 365 380, et dans *Notes et Documents*, t. III p. 63 sq.
2. Nous possédons encore le texte original (Cahier 3 *bis*) de ce projet de règlement pour le collège de l'Assomption; il est écrit par diverses mains et ne comprend pas moins de 850 articles. Plus tard. on en fit un résumé qui existe aussi et qui a seulement 411 articles. (Voir Cahier 101 *bis* et un autre cahier non coté.)
3. Les frères Hermant étaient les neveux de Bailly.
4. Le traité ou *tract* 90, le dernier des *tracts* que publia Newman avant d'entrer dans l'Eglise catholique, avait paru le 27 février 1841 sous ce titre: *Remarques sur certains passages des XXXIX articles*. Il eut un retentissement immense et détermina la sortie de l'anglicanisme de plusieurs des plus éminents théologiens anglais. Sur lui, voir Thureau-Dangin, *La renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle*, Paris, t. Ier, p. 206 sq.
5. Nous avons omis quelques mots. [Ces mots ont été ajoutés d'après T.D.19, p.34 = ce qui suit, entre les deux tirets - Avril 1996].