- V2-214
- 0+365|CCCLXV
- Vailhé, LETTRES, vol.2, p.214
- 1 ABANDON A LA MISERICORDE DE DIEU
1 ANEANTISSEMENT
1 AUSTERITE
1 BONTE MORALE
1 COLLEGE DE NIMES
1 DOT
1 EPREUVES
1 FATIGUE
1 GENEROSITE
1 GENESE DE LA FONDATION DES ASSOMPTIONNISTES
1 LACHETE
1 LIBERTE
1 LIVRES
1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
1 ORDINATIONS
1 PAQUES
1 PLEIN EXERCICE
1 PREDICATION DE RETRAITES
1 PROFESSION PERPETUELLE
1 PROFESSION TEMPORAIRE
1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
1 REVOLTE
1 ROYALISTES
1 SACERDOCE DE JESUS-CHRIST
1 SAINT-ESPRIT
1 SAINTETE
1 VETURE RELIGIEUSE
1 VIE DE SACRIFICE
1 VOIE UNITIVE
2 BECHARD, FERDINAND
2 FRANCHESSIN, ERNEST DE
2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
2 MICHEL, NEGOCIANT
2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
3 ABOUKIR
3 ALES
3 MARSEILLE
3 NIMES
3 PARIS - A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- le 13 janvier 1845.
- 13 jan 1845
- Alais,
Enfin, ma chère enfant, j’espère pouvoir vous écrire une lettre tout à mon aise. Me voici à Alais depuis hier, et pour huit jours, occupé à donner une retraite aux Dames de Miséricorde. J’ai un auditoire de vingt-cinq à trente personnes, deux fois par jour; le soir, je dis quelques mots à quinze ou vingt membres de la Conférence de Saint-Vincent de Paul(2). Dieu veuille que je ne perde pas tout à fait mon temps!
Vous voilà donc tout à fait religieuse, et pour toujours, in aeternum. Il y a dans cette immutabilité de votre état quelque chose du sacerdoce, et je pense bien que vous avez contracté vos voeux de manière à vous unir plus intimement à l’éternel sacerdoce de Jésus-Christ. Que Dieu, ma bonne fille, vous donne toute l’étendue du courage nécessaire pour que, religieuse pour toujours, votre sacrifice soit perpétuel et l’union de votre âme à Dieu éternelle! Comment se fait-il, dites-le-moi, qu’après s’être senti élevé si haut par la foi et par ces liens mystérieux dont l’amour de Dieu nous enlace, nous retombions si profondément dans notre néant et dans toutes ces misères de notre nature et dans la révolte de nos péchés! J’aurais, comme vous, bien désiré recevoir vos premières impressions après votre profession. Mais ce que vous m’écrivez s’en ressent encore assez pour que je sois convaincu de ce que vous avez donné à Notre-Seigneur et de la manière dont vous le lui avez donné.
Peu de jours après que vous avez pris votre engagement définitif, je suis allé donner l’habit à une novice et recevoir la profession d’une religieuse, toutes deux mes anciennes filles. Il faut que Dieu ait ses desseins, car si j’eusse su plus tôt que vous accepteriez des filles sans dot, incontestablement la jeune religieuse allait frapper à la porte de votre couvent. C’est un sujet très remarquable sous tous les rapports, et qui souffre un peu de certaines idées que les saintes filles de la Visitation ne savent pas toujours secouer.
Mais parlons de vous. Je suis bien convaincu que, dans le nouvel ordre de relations qui va s’établir entre Jésus-Christ et vous, la plus grande générosité doit être le mobile de toutes vos pensées et actions. Mais cet effort continuel pour être une sainte ne vous produira-t-il pas cette fatigue, d’où naîtront les scrupules, les sécheresses et tout ce dont vous vous plaignez? Vous savez que, dans ces circonstances, saint François de S[ales] recommande, au-dessus de tout, la sainte liberté.
Vous me reprochez d’être trop bon. Mon Dieu! ma chère enfant, avez-vous donc si grande peur que je ne puisse redevenir méchant et sévère? Ne vaut-il pas mieux, dans tous les cas, vous laisser savourer les douceurs des premiers jours de vos noces? J’ai eu le bonheur de les apprécier à l’époque de mon ordination. Je me les rappelle et je remercie Dieu que rien ne les ait troublées. Il y a là pour moi des souvenirs de suavité que rien n’effacera et qui me calment dans les mauvais moments de découragement et d’ennui. Pourquoi ne vous aiderais-je pas à vous procurer ce secours, qui est tant dans l’ordre de Dieu? Car la joie de s’être consacré à son service vient, je pense, toute de lui. Je crois même que ce qui peut vous être le plus avantageux, c’est de faire durer le plus possible cet état d’abandon plénier qui ne vous laisse rien à dire, sinon que vous êtes bien toute à Dieu. Oh! que je voudrais pouvoir contribuer à augmenter dans votre âme ce juge convivium dont parle le Saint-Esprit! Les épreuves renaîtront assez tôt. Et déjà n’en éprouvez-vous pas quelques atteintes? Il me semble qu’en tout ceci, dans tout ce que je vous dis, je me mets à la place de Dieu et je vous tiens le langage qu’il veut que je vous adresse.
Je vous remercie de votre demande pour moi. Il est bien vrai que j’ai quelque envie de m’améliorer; cependant, je suis bien lâche. On me dit tellement autour de moi que je me tue que j’ai presque envie de le croire, et, d’autre part, je suis tellement convaincu que je ne me tue pas que je suis tout honteux de n’en pas faire davantage. La pensée de faire ce dont nous avons causé me préoccupe tous les jours de plus en plus, mais je ne sais si, avant le mois d’octobre prochain, il serait bon de donner un commencement d’exécution à ce projet. Du reste, je tâche de prendre mes arrangements pour aller vous voir à Paris, aussitôt après Pâques. J’espère qu’à cette époque nous pourrons causer un peu longuement de toutes mes affaires.
Seriez-vous assez bonne pour vous informer des difficultés que j’éprouverais pour mon établissement à obtenir le plein exercice? J’ai envie de le faire demander par Béchard, mais je crains que la demande faite par un député légitimiste ne donne à mon oeuvre une teinte politique, dont je tiens avant tout à la dépouiller(3).
Vous recevrez, sous peu, la visite d’un jeune négociant de Nîmes, M. Michel, qui viendra vous demander un ou deux ouvrages que vous m’avez promis de me prêter, et, à propos d’ouvrages, je vous prie de dire à Soeur Th[érèse]-Em[manuel] que j’ai lu, depuis votre départ de Nîmes, au moins une demi-douzaine d’ouvrages en entier, pour me justifier du reproche que vous et elle me faites de me contenter d’effeuiller ou de feuilleter les livres.
Quant à l’ordre du Jésuite, il me paraît un peu sévère. Il m’est impossible de rien ordonner de si fort, mais je ne vous défends pas de vous en rapporter à lui, si l’expérience vous en a été avantageuse(4). Vous avez raison de me gronder au sujet de ma réserve par rapport à vos Soeurs. Il est très vrai que je leur suis bien dévoué. Mais rassurez-vous; c’est beaucoup à cause de Dieu, et puis uniquement à cause de vous. Je ne les connais pas assez pour leur porter aucun sentiment qui ne passe par le coeur de leur Mère. Voilà votre jalousie à l’aise.
Adieu, ma bien chère fille. Que Dieu comble vos désirs pour vous et pour moi! Vous savez combien, sous ce rapport, vos désirs sont les miens.
Il y a longtemps que j’ai écrit à Marseille au sujet de vos lettres. On m’a répondu qu’elles ne s’y trouvaient pas: je les avais mises sous le couvert de M. de Franchessin(5).
2. Nous avons encore sur une feuille volante, de l'écriture du P. d'Alzon, les titres des quatorze sujets qu'il développa aux Dames de la Miséricorde et des sept instructions qu'il donna aux membres de la Conférence.
3. Béchard, député légitimiste de la ville de Nîmes, avait été réélu en 1842.
4. Il s'agit de mortifications corporelles et spirituelles, ordonnées par un confesseur Jésuite, à qui la fondatrice s'était adressée occasionnellement.
5. Lors de son départ de Nîmes, la fondatrice entreprit un court voyage en Italie, en compagnie de son oncle. Durant son absence, le courrier fut adressé à Marseille, où plusieurs lettres se perdirent.