- V2-012
- 0+271|CCLXXI
- Vailhé, LETTRES, vol.2, p.12
- 1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
1 CONNAISSANCE DE SOI
1 FAMINE
1 LIVRES
1 OUVRIER
1 PAUVRETE
1 PREDICATIONS DE CAREME
1 REFUGE LE
1 SANTE
1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
1 VOYAGES
2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
2 GOURAUD, HENRI
2 LACOSTE, ERNEST
2 LAMENNAIS, FELICITE DE
2 LEVEQUE, GEORGES MARIN
2 REBOUL, JEAN
2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
2 THIEBAULT, LOUIS
3 FRANCE
3 MONTPELLIER
3 NIMES
3 NIMES, GRAND SEMINAIRE - A MONSIEUR LUGLIEN DE JOUENNE D'ESGRIGNY (1).
- ESGRIGNY Luglien de Jouenne
- le 1er février 1837.]
- 1 feb 1837
- [Nîmes,
Vous me demandez ce que je fais et ce que je pense, mon cher ami. Question difficile. Je fais beaucoup de vieux souliers, car je cours du matin au soir pour les oeuvres que j’ai sur le dos. L’établissement du Refuge s’organise; les religieuses sont arrivées. Il ne s’agit que de les caser: elles le seront la semaine prochaine. Les repenties pleuvent de tous côtés: Dieu bénit cette oeuvre, au moins dans les commencements. Je prépare à moitié un Carême, parce que je ne sais pas encore si je le prêcherai(2). Je reste dans mon coin le plus que je puis; je vois souvent du Lac(3). Je tâche de donner le plus d’intérêt possible à mes réunions, j’y réussis assez: elles ont pris un développement qui vous plairait.
La ville de Nîmes vient de passer une époque affreuse; la misère y a été extrême. J’ai des détails qui font frémir. La corruption a profité de la pauvreté et de la faim; rien n’est plus désolant. Les ouvriers ont été admirables de patience. J’ai été assez heureux pour leur procurer quelques secours.
Ici, l’on s’occupe fort peu de M. de la Mennais: il est oublié et, sous ce rapport, il a un sévère châtiment à subir, si le même oubli l’a frappé de divers points de la France. Reboul a fait à ce sujet une Epître, qu’il lui adresse et qui me paraît bien belle. La Gazette de France l’imprimera dans quelques jours(4).
Mais vous, mon bon Luglien, comment va votre coeur, et votre corps, et votre âme, et votre personne depuis les pieds jusqu’à la tête? La solitude forcée que vous avez été obligé d’observer me fait plaisir. Vous observez beaucoup et très bien les autres, vous ne vous observez peut-être pas assez. Je suis sûr que vous vous connaissez beaucoup moins qu’il y a six semaines et que vous connaissez, par conséquent, beaucoup plus d’excellentes choses.
Dites donc à Thiébault qu’on peut s’aimer très vivement des deux extrémités de la France et que, pour ma part, je suis toujours le même pour lui. Vous le trouvez gai, du Lac l’a trouvé triste. Lequel des deux a raison? Je le prie de résoudre lui-même le problème.
L’autre jour, j’étais dans la bibliothèque du Séminaire, avec du Lac, à feuilleter des bouquins. Tout à coup la porte s’ouvre et je vois s’élancer un petit être gras comme un chat, il me semble du moins: c’était M. Lévêque, tout frétillant, qui allait à Montpellier. Il ne resta que deux minutes et repartit bien vite, comme il était venu(5).
Adieu. Je vous aime beaucoup. Mille félicitations à Gouraud. J’oublie de vous dire ce que je pense: ce sera pour une autre fois.
5. Ancien condisciple de Bailly et son associé, qui recevait, comme pensionnaires des jeunes gens français et étrangers dans sa maison de la rue Saint-Dominique d'Enfer, à Paris. C'est à la Société des Bonnes Etudes que d'Esgrigny et d'Alzon l'avaient jadis connu. (Voir Lacoste, *Le P. Vincent de Paul Bailly*, p. 7 sq.)1. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. II, p. 80. La date donnée est celle du cachet de la poste, à Nîmes. 2. Il le prêcha à l'église paroissiale de Sainte-Perpétue, à Nîmes.
3. Du Lac se trouvait à Nîmes, portant la soutane ecclésiastique et attendant de ses parents l'autorisation, qui ne vint pas, de se consacrer à Dieu. Plus tard, il entra chez les Bénédictins, prit même l'habit monastique et dut encore se retirer.
4. Jean Reboul, le poète-boulanger. Il suivait les Conférences ou réunions, dans lesquelles les abbés d'Alzon et Sibour groupaient l'élite intellectuelle de la société nîmoise.
5. Ancien condisciple de Bailly et son associé, qui recevait, comme pensionnaires des jeunes gens français et étrangers dans sa maison de la rue Saint-Dominique d'Enfer, à Paris. C'est à la Société des Bonnes Etudes que d'Esgrigny et d'Alzon l'avaient jadis connu. (Voir Lacoste, *Le P. Vincent de Paul Bailly*, p. 7 sq.)