Vailhé, LETTRES, vol.1, p.763

30 dec 1834 Rome, ALZON_AUGUSTINE
Informations générales
  • V1-763
  • 0+233|CCXXXIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.763
Informations détaillées
  • 1 ASSISTANCE A LA MESSE
    1 BENEDICTION
    1 BONHEUR
    1 BREVIAIRE
    1 CANON
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 COLERE
    1 CONFESSEUR
    1 CONSECRATION
    1 CRAINTE
    1 CULPABILITE
    1 DOULEUR
    1 FAMILLE
    1 JOIE
    1 MALADIES
    1 MARIAGE
    1 NOEL
    1 ORDRES SACRES
    1 REGLES LITURGIQUES
    1 REPOS
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 RIRE
    1 SACERDOCE
    1 SOLITUDE
    1 SOUS-DIACONAT
    2 ALZON, HENRI D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 JEAN, SAINT
    2 LAMARCHE, VINCENT
    2 MICARA, LODOVICO
    2 PETIT, ABBE
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 RODIER, CLEMENT
    2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
    2 ROZAVEN, JEAN-LOUIS DE
    2 THOMAS DE CANTORBERY, SAINT
    2 WELD, THOMAS
    3 BOLOGNE
    3 PARIS, COLLEGE STANISLAS
    3 ROME
    3 ROME, BASILIQUE SAINT-PIERRE
    3 ROME, COLLEGE ANGLAIS
    3 ROME, COUVENT SAINT-EUSEBE
  • A SA SOEUR AUGUSTINE (1).
  • ALZON_AUGUSTINE
  • le 30 décembre 1834.
  • 30 dec 1834
  • Rome,
  • Mademoiselle
    Mademoiselle Augustine d'Alzon,
    rue de Varennes, n° 4.
    Paris. France.
La lettre

Ma chère amie,

J’ai reçu hier soir ta lettre du 15 décembre, et je t’assure que j’ai été tout surpris de l’espèce de douleur que tu me témoignes. Il paraît, du reste, que dans la distribution du don des larmes qui a été faite à la famille, vous avez été pourvues de la part qui me revenait. Car je t’avouerai que mes yeux ont toujours été très secs. Croirais-tu que l’envie de rire m’a pris en songeant à l’huile pour les souris que ma chère soeur dépenserait le jour de Noël, tandis qu’il aurait fallu la garder pour le jour de Saint-Jean?

Enfin, je suis prêtre: c’est, je t’assure, ce que je ne puis dire sans une espèce de frisson. Pendant le mois de retraite que j’ai faite à Saint-Eusèbe, j’ai eu à subir de la part de personnes qui me voulaient du bien des vexations d’un genre tout particulier. J’en ai eu la fièvre, mais tu ne te fais pas une idée de ce que j’ai éprouvé de bonheur les trois jours de la réception des ordres. J’arrivais, surtout pour le sous-diaconat, avec des troubles d’une espèce toute particulière; du moment que j’eus fait le pas, tout disparut, je fus dans un ordre nouveau. C’est que j’y étais bien réellement.

Le jour de ma première messe, je m’en suis tiré assez bien. Cependant, au moment de la Consécration, il me prit et il me prend encore une frayeur que je ne puis exprimer. Je te conjure donc de sécher l’humidité de tes yeux et de ne plus me parler de larmes et de silence; je te prie, au contraire, de me parler de joie, de bonheur. Je soupçonne quelquefois que, par compensation, quand tu te marieras, ce sera moi qui pleurerai et ce sera toi qui riras. Ne me trouves-tu pas bien fou, ma bonne amie? Cependant, je ne puis te dire tout ce qui me vient à l’esprit depuis quatre jours, lorsque je me dis: Ce matin, j’ai dit la messe; ce matin, j’ai prononcé quelques mots, et Dieu m’a obéi. »

Je compte beaucoup sur la messe pour me soutenir, m’éclairer. Ce matin encore, je l’ai dite dans la chapelle souterraine de Saint-Pierre; ce lieu est merveilleusement propice à disposer l’âme. D’abord, étant seul, je puis aller plus lentement, ce qui fait que je ne me trompe pas, comme hier, par exemple, où je dis la messe au Collège anglais, devant le cardinal Weld(2). Je m’embrouillai dans les saluts qu’il fallait lui faire, si bien qu’au Credo*, je me blousai complètement, quoique je le sache sur le bout du doigt; au Canon, je supprimai trois ou quatre bénédictions. Un scrupuleux aurait eu joliment peine de s’en tirer. Quand on pense, en effet, qu’en de pareils moments on peut faire les fautes les plus graves, il y a de quoi trembler; mais je n’y pense pas, sans quoi ma tête partirait et je ferais pire. Je me suis bien préparé en particulier; si ensuite le trouble m’empêche d’observer toutes les rubriques, tant pis pour le trouble!

Je te trouve bien plaisante de ne pas savoir si tu aurais eu la force d’assister à ma première messe. Et pourquoi pas, je te prie? Est-ce que ce n’a pas été pour moi le jour le plus important, depuis que je suis au monde? Si je m’étais marié, petite méchante, tu aurais bien su assister à mon mariage, quoiqu’il n’eût pas été certain que j’épousasse le bonheur; et parce que je dis la messe, voilà que tu te mets à geingoler. Je ne suis pas du tout content, et si je n’étais devenu d’une humeur très pacifique, je me fâcherais tout rouge. Je te prie de me dire ce qui résultera de tant de larmes. Prie un peu, afin que je sois un prêtre fervent, zélé, que je serve toujours le Seigneur dans la joie ou dans la peine, pourvu que je fasse sa volonté. N’es-tu pas de cet avis?

Que devient ma filleule? Elle aurait bien pu m’écrire deux mots(3). Clément me doit plusieurs lettres(4); il n’a pas jugé à propos de m’écrire dans cette circonstance. Je lui ai fait dire par ma tante que, lorsqu’il se marierait (supposé le cas), je me croirais dispensé de lui faire mon compliment. Tu penses que la parenthèse n’était pas dans ma lettre à ma tante. Il fait ici, depuis quelques jours, un froid de chien; il gèle constamment, et il n’y a pas moyen de me chauffer.

Ai-je écrit à mon père que les Jésuites ont eu le courage de me proposer le P. Rozaven pour confesseur et de me presser de quitter le P. Lamarche? Tu penses comme j’ai accueilli la proposition. Il m’est arrivé certaines aventures, que j’ai racontées au c[ardinal] M[icara] qui s’en arrachait la barbe d’indignation. Cependant, il m’a dit qu’il était enchanté que je fusse allé dans une semblable maison, afin de voir les choses de mes propres yeux.

M. Combalot répondra-t-il à ma lettre? Je te prie de lui dire que je ne comprends pas pourquoi il ne viendrait pas consacrer six mois à visiter Rome; il se reposerait et acquerrait des lumières sur une foule de choses. Qu’il s’arrange pour y venir avec moi l’année prochaine, si je reviens moi-même après la visite que j’irai vous faire cet été. Je te charge de me recommander au souvenir de M. Petit, quand tu le verras, et des Messieurs de Stanislas.

Tu recevras cette lettre l’année prochaine. Je te la souhaite bonne, heureuse, et un mari aimable, spirituel, gracieux, enfin tel qu’il te le faut. Pour moi, j’ai ma femme, que je ne céderais [pas] pour tous les maris de la terre. Elle est reliée en noir, marbrée avec du jaune d’oeuf, imprimée à Bologne avec des lettres noires et rouges; elle est assez petite pour tenir dans ma poche(5).

J’écrirai à maman après-demain. Adieu. Je t’embrasse de toute mon âme.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Reproduite en partie dans *Notes et Documents*, t. 1er, p. 608-610.1. Reproduite en partie dans *Notes et Documents*, t. 1er, p. 608-610.
2. L'abbé d'Alzon y dit donc la Messe, le jour de Saint-Thomas de Cantorbéry, qui est la fête principale du Collège anglais. Ses relations d'amitié avec le futur cardinal Wiseman, recteur de ce Collège, et avec l'abbé Mac-Carthy lui valurent cette faveur.
3. Sa plus jeune soeur, Marie.
4. Clément Rodier, son cousin.
5. Son bréviaire.