Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 64

31 oct 1851 Nîmes SIBOUR Mgr
Informations générales
  • PM_XV_064
  • 0096 a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 64
  • Photocopie d'après l'original (Archives diocésaines de Paris, Dossier Affaire Combalot 1 D VI 3) aimablement communiquée au P. Jean-Paul Périer-Muzet par l'abbé Philippe Ploix, le 28 septembre 2001.
Informations détaillées
  • A Monseigneur Sibour, archevêque de Paris
  • SIBOUR Mgr
  • Nîmes, le 31 octobre 1851
  • 31 oct 1851
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Monseigneur,

Je me permets de venir vous parler d’une affaire(1) qui a affligé tous les hommes qui voudraient voir dans ces temps difficiles le clergé uni contre ses ennemis communs, mais c’est avec l’espoir que vous voudrez bien comprendre ma pensée, et ne pas m’en vouloir si j’accepte le rôle de négociateur que me donne, auprès de vous, un prêtre qui n’aurait jamais dû avoir besoin d’un pareil recours.

M. Combalot passa, il y a huit jours par Nîmes. Il m’annonça qu’il allait publier une troisième lettre à l’Archevêque de Paris(2). Il voulut m’en faire la lecture et quand il l’eut terminée, laissant de côté le fond du sujet(3), je lui demandai à quoi il espérait aboutir. Il me répondit qu’il était pressé par plusieurs personnes haut placées et surtout à Rome. Il me cita des noms. Je le pressai encore et je vis que le chagrin de ne pouvoir plus monter dans les chaires de Paris, le déciderait à faire auprès de vous quelques démarches d’excuses si votre Grandeur voulait bien lui laisser entrevoir qu’elle les accepterait. Il était pourtant hésitant encore; je l’engageai, en se rendant à Condom(4) où il prêche en ce moment, de faire une visite à Mgr de Montauban, et j’écrivis à celui-ci pour le conjurer d’adoucir les fureurs du fougueux vicaire apostolique. Je reçois à l’instant une lettre de Mgr Doney(5) qui me raconte sa conversation avec Mr Combalot, m’annonce qu’il va vous écrire, et me demande de me joindre à lui pour vous demander si votre Grandeur consentirait à ce que Mr Combalot fît quelques démarches auprès de vous. Il me semble qu’il serait bien plus convenable que Mr Combalot prît Mgr de Montauban seul pour intermédiaire, supposé qu’il en aie besoin. Pour moi, Monseigneur, je veux vous conjurer de vous souvenir de votre ancienne affection pour un homme dont la tête est malheureusement aussi chaude que le coeur.

Je vous conjure aussi de ne pas me répondre et je me réserve de vous dire, dans quinze ou vingt jours(6), bien des choses qui vous prouveront mon désir d’appaiser (sic) une affaire où votre droit est évident mais où bien des hommes épient, en l’aggravant, l’occasion de vous faire de la peine.

Je suis avec ma respectueuse et vieille affection, Monseigneur, votre humble et obéissant serviteur.

E. d'Alzon.
Notes et post-scriptum
1. L'affaire en question est exposée dans l'étude de Jean Manceau, Monseigneur Marie-Dominique-Auguste Sibour Archevêque de Paris (1848-1857), Beauchesne, 1987, pp.285-296. Elle a été déclenchée par le mandement de l'Archevêque de Paris du 15 janvier 1851, dans laquelle le prélat recommande au clergé parisien de s'abstenir de toute intervention en matière politique.
2. L'abbé Théodore Combalot (1797-1873) a en effet envoyé deux lettres datées des 1er et 19 mars 1851 à Mgr Sibour que ce dernier qualifie d'impertinentes et auxquelles il préfère ne pas répondre. L'abbé décide alors de porter la question sur la voie publique en publiant le 15 avril de la même année une première lettre ouverte contre le mandement. Le 10 mai, l'Archevêque riposte en retirant au missionnaire apostolique les pouvoirs de célébrer et de prêcher dans le diocèse de Paris. Le 19 juin, l'abbé Combalot récidive en publiant une seconde lettre ouverte. L'affaire ne prend fin qu'en 1852, après une demande de pardon.
3. Cette réserve alzonienne nous prive de connaître l'évolution de ses sentiments politiques républicains depuis 1848.
4. Petite ville du Gers dont Bossuet fut évêque, relevant en 1851 de l'archevêché d'Auch dont le titulaire est alors Mgr Nicolas-Augustin de La Croix d'Azolette (1779-1861), démissionnaire en 1856 et remplacé à cette date par Mgr Antoine de Salinis (1798-1861), ex-évêque d'Amiens, fervent ultramontain, ami personnel de l'abbé Combalot auquel il fit part de son soutien.
5. Autre ultramontain, ex-mennaisien notoire, Mgr Jean-Marie-Doney (1794-1871).
6. D'Alzon quitte Nîmes vers le 25 novembre 1851 pour assister aux réunions du Conseil Supérieur de l'Instruction Publique. Il sera de retour à Nîmes le 10 décembre. Cette lettre du 31 octobre 1851 correspond tout à fait à l'intention exprimée à Marie-Eugénie de Jésus de freiner les ardeurs de l'abbé Combalot: cf Lettre d'Alzon n°96, tome I, édit P.T., Rome 1978, page 108 et note 1.