- PM_XV_295
- 5885 a
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 295
- Orig. ms. Fonds Chaponay Archives Départementales du Rhône, 44 J 155. Photoc. ACR BZD 8/55. Transcription ACR BG 224/53.
- A MADAME LA COMTESSE DE CHAPONAY
- CHAPONAY Comtesse
- Lavagnac, 4 avril 1877.
- 1877-apr-4
- Lavagnac
En fouillant mes papiers. Madame, je retrouve une lettre à laquelle j’aurais dû répondre depuis longtemps. Elle s’était égarée dans une course à Alais où je l’avais emportée dans les premiers jours du Carême et ou je fus si fatigué d’une retraite que je ne faisais que dormir dans l’intervalle des instructions.
J’aurais dû vous parier des moyens d’employer utilement la sainte quarantaine: la voilà passée. Occupons-nous du temps pascal et des efforts que nous avons à faire pour ressusciter avec Jésus-Christ et n’avoir du goût que pour les choses d’en-haut et non pour celles de la terre (1).
Pâques est un temps de transformation divine. Nous devons laisser tout ce qui n’est pas digne de Notre Seigneur pendant ce temps de joies et nous revêtir sinon encore de sa gloire, du moins de sa force pour le combat, car il s’agit de lutter contre ce qui a été vaincu au calvaire et qui sera aussi vaincu par nous, si nous nous armons de la croix.
Maintenant pour répondre au détail de votre lettre, je vous engagerai à méditer ces paroles de N.-S.: ‘Mon Père agit sans cesse et moi-aussi j’agis’ (2) Le propre de la perfection, c’est l’action. Notre Seigneur comme Dieu est appelé par les théologiens un acte pur parce qu’il est toujours tout ce qu’il peut être, comme homme, il est actif au-delà de toute idée. Nous devons être actifs comme lui. Vous comprenez que ce n’est pas de 1’activité matérielle qu’il s’agit, mais notre intelligence doit être sans cesse occupée de Dieu par la foi, notre volonté de désirer Dieu; par l’espérance, notre cœur d’aimer Dieu par la charité. Cette triple disposition se perd en une: l’amour et c’est par amour que nous devons agir. Plus nous agirons sans cesse par amour, plus tous les détails de notre vie, quels qu’ils soient, se perdront dans une activité divine qui n’a d’autre terme que la plus parfaite union à Dieu. C’est en ce sens que St Augustin dit: aimez, et faites ce que vous voudrez.! L’amour divin est le plus sûr et le plus parfait directeur de l’âme quand l’autre manque. Continuez donc de marcher dans la voie ou N -S vous voulait. Croyez que c’est la plus sûre. Si vous vous y maintenez dans l’humilité, la fidélité, l’énergie, vous obtiendrez de très grandes grâces.
Clotilde part demain pour Paris. Elle passe par Issoudun pour visiter le sanctuaire de Notre-Dame du Sacré-Cœur (2). Voilà deux tourtereaux heureux comme au premier jour et plus encore peut-être. Ils vous le doivent et pour mon compte, je vous en suis bien reconnaissant. Veuillez agréer, Madame, l’hommage de mon plus respectueux attachement.
E. D'ALZON.(2) D'après Jn 5, 17. Dieu s'est reposé le septième jour, mais il ne cesse d'agir dans la création et Jésus place son œuvre avec celle de son Père et de l'Esprit.
(3) C'est dans cette ville du Berry que fut fondée en 1854 la Société des Missionnaires du Sacré-Cœur. La basilique du Sacré-Cœur fut commencée en 1857 et achevée en 1864. On inaugura le 8 septembre 1869 la chapelle de Notre-Dame du Sacré-Cœur, chapelle toute couverte d'ex-voto. Cette dernière date marqua le début de l'extension des pèlerinages, notamment du 8 septembre.(1) Col. 3, 1-3.
(2) Jn 5, 17.