- PM_XIV_247
- 0+489|CDLXXXIX
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 247.
- Orig.ms. ACR, AD 457; V. *Lettres* III, pp. 137-140 et D'A.,T.D. 19, p. 129.
- 1 AMITIE
1 AMOUR-PROPRE
1 BATIMENTS DES COLLEGES
1 BONTE
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 COLLEGE DE NIMES
1 CONNAISSANCE DE SOI
1 CONSTITUTIONS DES ASSOMPTIONNISTES
1 CONTRARIETES
1 CREANCES A PAYER
1 DEFAUTS
1 DOUCEUR
1 ENERGIE
1 ESPERANCE
1 ESPRIT SURNATUREL A L'ASSOMPTION
1 FETE DE L'ASSOMPTION
1 HUMILITE
1 INSENSIBILITE
1 INSTITUTRICES
1 JOIE
1 LUTTE CONTRE LE PECHE
1 MAITRES CHRETIENS
1 NOVICIAT DES ASSOMPTIONNISTES
1 ORDRE SURNATUREL
1 ORGUEIL
1 PARDON
1 REGLEMENT DE VIE DU P. D'ALZON 1845
1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
1 VOEUX DE RELIGION
1 VOIE UNITIVE
2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
2 FERRAND DE MISSOL, AMEDEE
2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
2 PITARD, FELIX
2 SEMENENKO, PIERRE
2 TESSAN, JEAN-CHARLES DE
2 VAILHE, SIMEON
3 ALLEMAGNE
3 NIMES
3 PARIS - A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- Nîmes, le 27 sept[embre] 1846 (1).
- 27 sep 1846
- Nîmes
- Institution de l'Assomption
- *Madame*
*Madame la Supérieure de l'Assomption*
*n° 76 rue de Chaillot*
*Paris.*
Je veux, avant que la journée se passe, vous dire, ma chère enfant, de quel bonheur je suis plein depuis que votre lettre m’est arrivée. Enfin, vous voilà bien à vous. Et remarquez que c’est lorsque vous revenez à Dieu que vous êtes ainsi. Restez donc toujours telle que vous vous montrez et telle que vous serez toujours quand vous voudrez rester dans l’ordre surnaturel. Ne laissez pas, ma fille, les vapeurs de la terre empester cette sphère où votre coeur doit habiter. Or, c’était de la terre que sortaient ces bouffées d’orgueil, et de révolte, et d’amour-propre blessé: Caritas non cogitat malum.
Trompez-vous, s’il le faut en me croyant meilleur que je ne suis, vous ne vous tromperez jamais en croyant que je suis tout vôtre. Vous me demandez pardon. Je voulais vous dire que je n’ai pas besoin de l’accorder, parce que je ne voyais que moi; mais si je me mets, comme je le dois toujours, quand vous avez quelque tort, à la place de Notre-Seigneur que vous avez contristé, je crois en effet vous pardonner de sa part. Je veux vous dire comme lui et avec lui: Allez et ne péchez plus, non pas contre moi qui ne suis rien, mais contre lui qui ne veut pas que vous présentiez votre coeur à cette sorte de blessures. Préservez-le davantage par l’humilité, par la douceur et par la filiale confiance, que vous savez bien être la fleur de la charité parfaite.
Voilà une lettre de l’abbé Gabriel; il sera ici demain. Je suis content de l’impression, sous laquelle il m’écrit, et je vous promets de faire ce que je pourrai pour l’engager à être des nôtres, de la manière que vous l’entendez. Avant de vous parler d’autre chose, laissez-moi répondre à une foule de petites questions que vous m’adressez et vous dire aussi quelques petits riens de mon côté.
1° L’affaire de Semenenko ne peut s’arranger autrement que comme je vous l’ai proposé, à moins que les dames Carbonnel ne quittent la maison; ce qui serait encore bien possible. L’aînée, je le crains bien, finira par perdre la tête. Nous nous appliquons à lui éviter les occasions de contrariété, mais elle semble les chercher à plaisir. Je ne suis pas fâché de ce qu’elle me fait souffrir; ce sont pour moi les épreuves du noviciat, et, à ce propos, vous ai-je dit que j’avais fixé à l’Assomption de 1849 l’époque de nos premiers voeux? Il faut bien encore ces trois ans. Nous resterons deux ans là où nous en sommes. Il nous faudra ensuite passer un an dans la nouvelle maison, ce qui fera trois ans, et, à cette époque, je pourrai peut-être être prêt pour aller trouver l’archevêque de Paris.
2° Quant à l’argent que vous voulez me rendre, je le prendrai dès que vous voudrez, mais je ne suis pas positivement pressé en ce moment.
3° Je vais vous expédier la petite pensionnaire dont je vous ai parlé. Soignez-la bien, car ici l’on trouve bien extraordinaire qu’elle n’aille pas au Sacré-Coeur. Il faut pourtant vous dire que M. Amédée Ferrand, qui est ici mais n’est pas venu avec M. Pitard, a fait de vous un éloge complet, j’entends de vous et de votre maison.
4° J’aurais été très content de votre architecte, s’il eût paru, mais il n’a pas fait mine de se montrer. Je l’attends. Je vous serai très reconnaissant de vos consultations pour mon plan. Il faut remarquer, qu’il n’irait qu’autant que j’aurais le terrain que j’ai en vue, ou un autre semblable, le côté de l’église donnant à travers quelques jardins potagers du côté d’un magnifique viaduc du chemin de fer, et le côté du réfectoire sur une grande plaine où l’on peut faire des jardins.
J’ai écrit pour mon soldat, mais j’ai peur de quelques retards. Ce que vous pourrez faire sera le mieux. Je vais voir, si je puis, le général qui commande à Nîmes. M. Decker nous est arrivé hier soir. Je le loge en ville, mais si ses bonnes dispositions continuent, je ne serais pas surpris que son voyage en Allemagne, où il s’est horriblement ennuyé, ne lui ait fait passer le mal du pays.
Vous me demandez ce que je fais pour mon compte. Pas grand’chose. Pourtant, il me semble avoir été assez exact à la régularité que vous m’avez tant recommandée. Voici notre règlement. On se lève à 5 h. moins 1/4. A 5 heures, Prime suivie de la méditation jusqu’à 6 heures. Je prends de 6 heures à 7, pour parler à mes jeunes gens, quand ils ont à me dire quelque chose. A 7 heures, je dis ma messe; de 8 h. moins 1/4 à 8 heures, je donne des ordres. De 8 à 10 heures, je m’enferme pour vous écrire ou m’occuper de l’Ordre, en étudiant les Constitutions. A 10 heures, je me donne à qui a besoin de moi jusqu’à 11 h. 1/2, où on dit l’office, [suivi de] l’examen particulier. Je m’arrange pour être le plus possible aux récréations. De 1 h. 1/2 à 2 h. 1/2, je reçois les parents des élèves ou autres; à 2 h. 1/2, Vêpres. Après quoi, ou je travaille, ou je réponds à ceux qui ont à me parler, et vous ne vous figurez pas quelle quantité de gens viennent me fatiguer. De 5 heures à 7 h. 1/2, je compte m’enfermer pour étudier; mais pour cela le temps m’a manqué jusqu’à aujourd’hui, parce que l’organisation de la maison m’a absorbé. Nous souperons à 7 h. 1/2, afin d’avoir notre récréation de 8 heures à 9 et de pouvoir réciter notre office, de façon à être couché à 10 heures.
Voilà ce que j’ai trouvé de plus sage pour les autres et pour moi. Nous essayerons cette année et nous verrons s’il n’y a pas moyen d’adopter une disposition meilleure pour les Vêpres, et c’est ce que j’espère en les mettant à 2 h. 1/4, parce qu’alors trois surveillants seulement seront empêchés d’y assister et que les professeurs pourront y être.
Ne trouvez-vous pas, ma chère enfant, que je ne vous donne que des détails bien insignifiants? C’est qu’il y a quelque chose chez moi, dont je ne puis me rendre compte et que je voudrais vous dire. Car, à quoi bon vous parler de moi, si ce n’est pour vous découvrir le plus intime de mon âme? Je vais bien, et les affaires de la maison prennent une bonne tournure. Je prie avec plus de facilité, la présence de Dieu m’impressionne davantage. Il me semble que je sens mieux mes défauts. L’abbé de Tessan prétendait remarquer en moi, depuis quelque temps, plus d’esprit surnaturel et de la sagesse de Dieu. Et cependant, je suis d’une profonde tristesse en face des obstacles que je découvre chez ceux à qui j’ai affaire. Quelle grossièreté, par moment! Ah! qu’il faut se rappeler les trois ans de Notre-Seigneur avec les apôtres! Lorsque j’arrive à ce chapitre, je suis sans force, la terre semble me manquer sous les pieds. Que vous dirai-je? C’est ma misère que je sens, et puis celle des autres. Je m’en veux de n’être pas plus énergique, et cependant j’espère beaucoup, mais c’est comme une espérance souffrante, dont je ne puis vous peindre l’amertume. Vraiment, je crois que j’ai des vapeurs. Enfin, vous aurez vu ce que je suis, pas grand’chose.
Adieu, ma bonne fille. Continuez à être bien bonne. J’espère avoir une place pour une de vos institutrices allemandes. Parlez de moi à Soeur Thérèse-Emmanuel. La vue de son écriture m’a causé une grande joie; j’ai pris son adresse pour des arrhes. J’attends M. Gabriel aujourd’hui. Je voudrais refaire cette lettre. Prenez-en la première partie comme l’expression du plaisir que m’a fait la vôtre, et la seconde comme une preuve de confiance un peu sotte, mais que je ne fais pas à d’autres qu’à vous, parce que je ne l’oserais pas. Adieu, ma chère enfant.