Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 113.|Vailhé, LETTRES, Tome II, p. 110.

13 dec 1843 MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Retraite qu’il prêche et nature de sa maladie – Il remercie Dieu de tout ce qui s’est passé entre eux – Il s’adressera toujours à elle avec simplicité – Elle doit s’en tenir à sa règle – En imitation de Marie, que les Religieuses de l’Assomption forment le corps mystique du Sauveur.

Informations générales
  • PM_XIV_113
  • 0+319|CCCXIX
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 113.|Vailhé, LETTRES, Tome II, p. 110.
  • Orig.ms. ACR, AD 322; V. *Lettres* II, pp. 110-112 et D'A., T.D. 19, p. 23.
Informations détaillées
  • 2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 GREGOIRE DE NAZIANCE, SAINT
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • 13 déc[embre] 1843.
  • 13 dec 1843
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure des Religieuses de l'Assomption*
    *Impasse des Vignes, rue des Postes*
    *Paris.*
La lettre

Depuis ma dernière lettre, ma chère enfant, j’ai reçu tant de reproches de tout côté sur ce que je me tuais, que j’ai cru devoir prendre quelques mesures pour conserver mes jours. Ne dirait-on pas que je suis nécessaire? Enfin, j’ai dû me soigner, et comme la journée était prise, malgré moi, par deux ou trois retraites à prêcher, par les arrangements à prendre pour nos Carmélites (qui arrivent dans huit jours), et par une maison d’éducation pour les garçons que je me suis mis dans la tête d’organiser, lorsque le soir arrivait, au lieu de causer avec vous, comme je l’eusse bien voulu, j’allais me mettre au lit. Pendant ce temps, chère enfant, vous demandiez à Dieu mes douleurs. C’est ce que je ne veux pas très positivement. Si je les ai eues par imprudence, ne convient-il pas que je subisse les conséquences de ma sottise? Et si c’est Dieu qui me les envoie, n’est-ce pas une preuve qu’il faut que je souffre par quelque bout? Du reste, elles ont assez diminué pour être très tolérables, et pas assez pour me faire croire que vous avez été exaucée. Ai-je besoin de vous dire cependant combien votre prière m’est allée au coeur?

Laissez-moi revenir sur vos dernières lettres. Je remercie Dieu de tout ce qui s’est passé entre nous et de toutes vos duretés. Il m’est impossible de pouvoir vous dire qu’elles m’ont fait beaucoup de peine. Je les ai vues, je ne les ai pu ressentir. Que voulez-vous? Je suis tellement sûr d’avoir une fille en vous que, vinssiez-vous me dire, comme à M. C[ombalot]: « Allez-vous-en », encore en m’en allant je vous dirais: « Adieu, ma fille », et qu’alors vous me diriez: « Restez« . M. C[ombalot] ne vous a pas connue. Toute ferme que vous êtes, votre coeur n’eût pas tenu devant une pensée d’ingratitude. Ce reproche, s’il vous eût été fait, avec affection, vous eût été sûrement mille fois plus poignant que celui d’intrigante.

Ai-je tort ou raison? Que dois-je donc voir, dans tout ce que vous pouvez me dire, que l’expression de votre souffrance, lorsque je ne vous ai pas comprise, de ce que vous ne vous êtes pas fait comprendre? Et c’est ce qui doit vous donner une entière liberté pour me parler de tous vos ennuis et de toutes vos souffrances, alors même que je semblerais en être la cause.

Vous m’engagez à vous traiter chaque jour avec plus de simplicité. C’est bien ainsi que je l’entends, et vous me ferez le plus grand plaisir de me dire quand je semblerai y manquer avec vous. Ce sera bien contre mon intention. « Le difficile, dites-vous,est que je vous croie bien à moi. » Ce sont vos expressions. Pauvre en fant! Le résultat même de votre éducation et de vos malheurs vous a donc rendue bien défiante? Le temps, je l’espère cependant, fera cesser ces craintes qui ne sont pas dans votre caractère. C’est pour cela que j’attends, mais toutefois avec une conviction profonde. Que si vous craignez encore de n’être pas assez en abandon avec moi, c’est que vous n’avez pas la conscience de vous-même. Vous craignez, dites-vous, que trop m’écrire vous prenne du temps. Mais, toutes les fois que vous jugez que m’écrire vous fait du bien, il faut songer qu’en vous faisant du bien à vous-même, vous en faites à toute votre communauté dont vous êtes la mère.

Je ne puis me rappeler si je vous ai dit, en réponse à une question de vos lettres précédentes, de vous en tenir à votre règle, ni plus ni moins. Il n’y a pas assez longtemps que vous avez souffert pour faire de nouveaux essais. Mais j’aime beaucoup votre impression sur le passus et sepultus du Credo. Vous me parlez assez souvent de votre état de distraction. En quoi consiste-t-il pour vous?

Vous vous reprochez de ne pas porter assez vos filles vers Marie. Je crois que vous avez raison. Il me semble que des filles de l’Assomption doivent prendre pour but leur glorification en union avec la glorification de Marie opérée par la formation de Jésus en elles. Cette pensée de saint Grégoire de Nazianze que les vierges sont les mères de Jésus-Christ me frappe beaucoup par rapport à votre Ordre, destiné à former en imitation de Marie le corps mystique du Sauveur. C’est une incarnation permanente qui doit s’opérer en vous et par vous, en imitation de Marie qui forme Jésus en elle, pendant qu’elle le porte dans son sein, et le forme pour le monde, lorsqu’elle lui donne le jour. Cette pensée m’a beaucoup frappé. La trouvez-vous juste?

Il faut que je me rende chez Monseigneur, qui m’attend pour de bien tristes affaires. Adieu, ma fille. Priez pour quelqu un prie bien peu.

Notes et post-scriptum