DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 5

1 jan 1879 Nîmes PICARD François aa

Mon affection pour vous domine tout – Frère Maxime – La décadence universelle – L’archevêque doit défendre ses religieux – Mais l’Eglise de France n’a plus de chef.

Informations générales
  • DR13_005
  • 6565
  • DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 5
  • Orig.ms. ACR, AF 329; D'A., T.D. 26, n. 712, pp. 278-279.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ARMEE
    1 BETISE
    1 CLERGE NIMOIS
    1 DECADENCE
    1 EGLISE
    1 EPISCOPAT
    1 FOI BASE DE L'OBEISSANCE
    1 JEUNES RELIGIEUX
    1 OEUVRES DE DEFENSE RELIGIEUSE
    1 PERFECTION
    1 PLANS D'ACTION
    1 RADICAUX ADVERSAIRES
    1 RELIGIEUX
    1 REPUBLICAINS ADVERSAIRES
    1 VICAIRE GENERAL
    1 VOEUX DE RELIGION
    2 BARAGNON, NUMA
    2 BASTIEN, CLAUDE-HIPPOLYTE
    2 BESSON, LOUIS
    2 CAVEROT, LOUIS
    2 CLEMENCEAU, GEORGES
    2 DUFAURE, JULES-ARMAND
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 FREPPEL, CHARLES-EMILE
    2 GAMBETTA, LEON
    2 GREVY, JULES
    2 GUIBERT, JOSEPH-HIPPOLYTE
    2 LEON XIII
    2 MAC-MAHON, PATRICE DE
    2 PIE, LOUIS
    2 SIMON, JULES
    2 VIALLET, MAXIME
    2 VITTE, PIERRE-FERDINAND
    2 WADDINGTON, WILLIAM-HENRY
    3 ANGERS
    3 FRANCE
    3 LYON
    3 NIMES
    3 NOUVELLE-CALEDONIE
    3 PARIS
    3 POITIERS
    3 ROME
  • AU PERE FRANCOIS PICARD
  • PICARD François aa
  • Nîmes, 1er janvier [1879](1).
  • 1 jan 1879
  • Nîmes
La lettre

Bien cher ami,

Bonne année du fond du coeur ! Ne revenez pas sur le passé(2). Vous savez bien qu’il y a chez moi une intime affection pour vous qui domine tout, et que vos sottises, si vous en faites, sont prises bien vite par le meilleur côté, afin que je puisse vous trouver parfait, comme je le désire. Frère Maxime a fait ses voeux hier. Quel délicieux garçon! Quelle profondeur surnaturelle dans ses sentiments(3)! Je suis extrêmement satisfait de tous nos jeunes gens, sauf du neveu de l’abbé Bastien. Mais c’est si nul! On nous annonce un jeune officier.

Ah! que je voudrais vous voir pour préparer un plan de conduite générale! Ma retraite commence à me permettre de parler à quelques prêtres, pour arrêter la décadence universelle(4). L’évêque est plein d’attentions pour moi, mais où allons-nous? Je verrai demain Mgr Vitte(5) qui revient de Rome. L’évêque de Nîmes va voir le Pape le 14.

Il me semble que, puisque l’archevêque a des religieux, il faut qu’il pourvoie à leur défense. Y songe-t-il? Pourtant c’est là l’essentiel. Le malheur de l’Eglise de France est qu’après avoir eu un triste chef, elle n’en a plus(6). Angers, Poitiers, Lyon(7) ne sont pas reconnus. Et qui veut de Paris? Est-il vrai qu’en politique Clémenceau doive être vite le successeur de Gambetta(8)? C’est l’opinion de Baragnon et de quelques autres.

Adieu, cher ami, et bien tendrement tout vôtre.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Cette lettre est datée de [18]78, mais le Fr. Maxime prononça ses voeux le 31 décembre 1878.
2. Dans sa lettre de voeux du 30 décembre, le P. Picard a écrit : "... je tiens, à la fin de cette année, à vous demander pardon des entêtements, infidélités, désobéissances, vivacités dont je me suis rendu coupable envers vous..." Il y avait eu en effet quelques frottements dans les mois précédents entre le provincial de Paris et le supérieur général, notamment à propos de nominations ou de l'appartenance de tel ou tel religieux à l'une ou à l'autre province (v. par ex. les *Lettres* 6412 et 6414).
3. Voir *Lettre* 6562 n.
4. S'agit-il de contacts individuels ou bien, depuis sa retraite du grand vicariat, le P. d'Alzon a-t-il remis sur pied des réunions du genre de ses "Conférences du mardi aux prêtres de Nîmes" (v. *Lettre* 6076 et notes) ?
5. Pierre-Ferdinand Vitte (1824-1883), vicaire apostolique de la Nouvelle-Calédonie depuis 1873.
6. Depuis qu'à la fin de 1875, s'est séparée l'Assemblée nationale introuvable de février 1871, la droite catholique française sait, ou devrait savoir, qu'elle ne sera plus jamais dans la position qu'elle a connue pendant près de cinq ans. Les élections du 20 février 1876 le lui ont clairement montré. Celles qui ont eu lieu depuis, même pour les municipalités, ont confirmé la tendance. Celles qui, dans quelques jours, vont porter au Sénat une majorité républicaine lui enlèveront le dernier frein dont elle disposait. Or pour les Républicains, l'ennemi c'est le cléricalisme, ce sont surtout les religieux, et principalement les Jésuites qui, prétendent-ils, distillent à leurs élèves la haine de la République. On s'attend donc au vote dans les assemblées de mesures hostiles aux congrégations. Le P. d'Alzon espère que l'archevêque de Paris, Mgr Guibert, "qui a des religieux" (et qui d'ailleurs est lui-même Oblat de Marie Immaculée) pourvoira à leur défense. Le "triste chef" est évidemment feu Mgr Dupanloup.
7. Dans l'ordre : Charles-Emile Freppel (1827-1891), depuis 1869/1870; Louis-Edouard Pie (1815-1880), depuis 1849, et Louis Caverot (1806-1887), depuis 1876.
8. Depuis 1876, Georges Clemenceau (1841-1920) contribue par son action à la Chambre des Députés à la consolidation du régime républicain. Avec son journal *La Justice* (janvier 1880) il va devenir un de chefs les plus en vue du radicalisme. - Léon Gambetta (1838-1882) est de peu son aîné. Il jouit lui aussi d'un grand prestige au sein du parti républicain et, après les élections de février 1876, il aurait pu espérer accéder au ministère, mais Mac-Mahon, qui le détestait, lui préféra Dufaure, et en décembre, après la démission de ce dernier, ce fut à Jules Simon qu'il confia la présidence du Conseil. Quand Mac-Mahon se fut retiré (31 janvier 1879), Gambetta laissa Jules Grévy devenir président de la République mais Grévy, qui lui non plus ne l'aimait pas, lui préféra Waddington comme président du Conseil. Gambetta dut se contenter de présider la Chambre. Il ne deviendra président du Conseil qu'à la fin de 1881, et pour deux mois et demi seulement. Il mourut prématurément à la fin de 1882.