- DR08_284
- 3958
- DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 284
- Minute corrigée et signée par le P. d'Alzon ACR, AN 239; D'A., T.D.39, n.1, pp.187-190.
- 1 AUGUSTIN
1 AUTORITE DIVINE
1 CATHEDRALE
1 CATHOLIQUE
1 CHAIRE
1 CONCILE DU VATICAN
1 CULPABILITE
1 DOCTRINE CATHOLIQUE
1 DOGME
1 EGLISE
1 EGLISE EPOUSE DU CHRIST
1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
1 EPISCOPAT
1 EVEQUE
1 GRAVITE
1 HERESIE
1 IMMACULEE CONCEPTION
1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
1 JESUS-CHRIST
1 LIBERTE DE CONSCIENCE
1 MARIE
1 PAPE
1 PREDICATION
1 PRIMAUTE DU PAPE
1 PUBLICATIONS
1 SAINT-SIEGE
1 SALUT DES AMES
1 SCANDALE
1 THEOLOGIENS
1 TITRES DE MARIE
1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
1 UNITE DE L'EGLISE
1 VICAIRE GENERAL
2 CABRIERES, ANATOLE DE
2 DECHAMPS, VICTOR
2 MERCURELLI, FRANCESCO
2 NAPOLEON Ier
2 PIE IX
2 PIERRE, SAINT
2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
2 SAGE, ATHANASE
2 SUAREZ, FRANCISCO
2 VAILHE, SIMEON
3 FRANCE
3 HIPPONE
3 MALINES
3 ORIENT - A MONSEIGNEUR DUPANLOUP, EVEQUE D'ORLEANS
- DUPANLOUP Mgr
- Rome, le 29 mars 1870.
- 29 mar 1870
- Rome
Monseigneur(1),
On me fait remarquer dans votre récente réponse à l’illustre archevêque de Malines les paroles suivantes (page 36):
« Quant à moi, mes observations sont du 11 novembre; elles ne sont venues qu’après…les provocations faites du haut de la chaire par des vicaires généraux, dans la cathédrale même ».
Peut-être les personnes qui surveillent, de votre part, les provocations des vicaires généraux, dans la cathédrale même, ont-elles découvert plusieurs coupables. Je suis un de ceux-là, peut-être seulement celui-là; il n’importe. Puisque vous me provoquez, vous aussi, Monseigneur, permettez-moi de vous faire part d’une conviction bien ancienne déjà. Elle repose sur une théorie très catholique, dont voici la substance.
La vérité est la lumière, l’aliment de notre intelligence, et plus notre intelligence reçoit de vérité, plus elle se développe et se fortifie, plus elles devient lumineuse. Dans l’Eglise les vérités, écoulement de la Vérité suprême, se divisent en deux catégories: celles que son autorité divine imposa avec l’anathème pour sanction, et les vérités qu’elle enseigne, sans exclure encore de son sein les rebelles qui ne les acceptent pas. Certaines personnes font consister la liberté de leur conscience à ne subir que des dogmes rigoureusement définis, comme si en matière de foi il n’y avait de péché que dans l’hérésie formelle. La plupart des catholiques, jaloux d’accomplir leur devoir tout entier, va au devant de l’enseignement de l’Eglise, pourvu qu’il soit de l’Eglise. Laissant à d’autres leur raide indépendance, ces catholiques, eux, ont besoin de mieux connaître en croyant plus, afin d’aimer davantage.
Quels sont les plus heureux? L’Eglise tolère, sans l’approuver, la liberté périlleuse des uns, mais à la plénitude de son enseignement répond seule la parfaite docilité des autres. Telle est la théorie de plusieurs grands théologiens, de Suarez en particulier.
Or, pour l’appliquer aux circonstances présentes, il y a plus de vingt-cinq ans, on a dit que si l’on voulait étudier l’avenir de la doctrine catholique, il était aisé de prévoir que la première fleur éclose de sa tige serait la définition de l’Immaculée Conception, la seconde l’infaillibilité du Pape. Eh bien, quand l’Immaculée Conception a été définie, de nombreux chrétiens, même des vicaires généraux se sont permis de dire que l’infaillibilité ne tarderait pas à l’être.
En effet, en dehors de bien d’autres motifs, il y a dans le rapport de ces deux vérités une raison de convenance qui semblait le demander impérieusement. Jésus-Christ a toujours traité sur un pied presque égal Marie, sa mère, et l’Eglise, son épouse. Toutes deux sont mères, toutes deux sont vierges, fait observer saint Augustin: « Ecclesia quoque et virgo et mater est« . Si Marie est la plus pure des vierges, l’Eglise ne l’est pas moins; l’une a enfanté la Vérité, l’autre a le dépôt de la vérité. Or il semblait admirablement convenable que le Pontife, qui a posé la plus pure des couronnes sur le front immaculé de Marie, vît dans sa personne proclamer ce qu’on peut appeler le triomphe de la virginité de l’Eglise. Le docteur d’Hippone nous montre les évêques empressés à veiller sur la virginité de l’épouse du Christ: « Quomodo virgo non est, cujus integritate consulimur? » Or, où est-elle cette virginité dans tout son éclat? Elle n’est pas dans l’Eglise enseignée. Peut-on dire absolument qu’elle est dans l’épiscopat, quand on a vu et qu’on voit encore tant d’évêques hérétiques? Elle est, comme dans son réservoir, dans la tête et dans le coeur du Souverain Pontife, d’où elle se répand sur l’épiscopat uni à Pierre. Et ce sera un grand concile que celui qui, par l’infaillibilité du Pape, aura proclamé ici-bas le principe de la virginité de l’Eglise(2).
Telles sont, Monseigneur, les provocations que des vicaires généraux se permettent, non pas depuis trois ans, mais depuis trente ans, dans la cathédrale même, à peu près depuis l’époque où ils se permettent aussi de dire, mais non pas en chaire, que vous aspirez à devenir le Napoléon du catholicisme.
Vos observations publiées en France le 11 novembre dernier, publiées plus tôt dans le reste du monde, (à moins que vous n’ayez accepté les humbles fonctions de copiste), n’ont pas changé les convictions de ces vicaires généraux. Chargés d’une oeuvre en Orient, ils y ont découvert votre main agitant l’épiscopat dans un sens opposé à l’action du Saint-Siège. Ah! Monseigneur, si les vicaires généraux sont coupables de provocation pour avoir, dans les cathédrales mêmes, parlé de l’infaillibilité du Pape, que faut-il penser d’un évêque que Pie IX fait désigner au monde comme l’auteur du trouble des consciences par l’inanité de ses captieux écrits, per captionum inanitatem? Or après une lettre récente qui constate la juridiction ordinaire, immédiate et suprême du Pape sur votre diocèse, et dont la publication a été demandée par qui de droit, il n’y a plus à en douter, Monseigneur, cet évêque n’est autre que vous-même.
Cette situation est grave, Monseigneur, et en conjurant Dieu de ne pas vous l’imputer à crime, je lui demande que l’appel fait par vous, au nom de l’amour des âmes, à Monseigneur l’archevêque de Malines, à l’immense majorité du concile, peut-être plus haut encore, revienne sur votre coeur comme un regret, et que le reproche fait à Votre Grandeur par le Père commun de troubler les consciences vous détermine à examiner de quel côté sont les plus nombreux évêques, de quel côté est Pierre, et que vous n’ayez pas un jour le douloureux souvenir d’avoir poussé les âmes de l’autre côté.
Je suis avec le plus profond respect, Monseigneur, votre très humble et obéissant serviteur.
E.D'ALZON|vicaire général de l'évêque de Nîmes.2. Le P. Sage a reproduit notre lettre parmi les textes illustrant l'amour du P. d'Alzon envers la Sainte Vierge dans *Ecrits spirituels*, pp.1001-1003.
3. Voir *Lettre* 3955 et note.