DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 237

2 mar 1870 Rome MENARD Michel

Les bons sentiments ne suffisent pas – Gaminerie épiscopale – Une génération plate, fade, insignifiante – Tâche de te convertir pendant le carême – Les gallicans enfoncés – Etes-vous vraiment les cornichons que l’on dit?

Informations générales
  • DR08_237
  • 3922
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 237
  • Orig.ms. ACR, AK 387; D'A., T.D.33, n.2, pp.287-288.
Informations détaillées
  • 1 ADOLESCENTS
    1 BETISE
    1 CALOMNIE
    1 CAREME
    1 CHRETIEN
    1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRITIQUES
    1 DEVOIR
    1 ENERGIE
    1 FRANCAIS
    1 GALLICANISME
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PIETE
    1 RECONNAISSANCE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SENTIMENTS
    1 TIEDEUR
    1 TRAVAIL
    1 VOLONTE
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BAILLY, MADAME EMMANUEL
    3 FRANCE
    3 ROME
  • A MONSIEUR MICHEL MENARD
  • MENARD Michel
  • Rome, 2 mars [18]70.
  • 2 mar 1870
  • Rome
La lettre

Mon cher Michel,

Ta lettre m’a vivement intéressé, je t’en remercie. Tes sentiments sont bons, cela ne suffit pas. Je suis épouvanté, à Rome, de voir chez toutes les nations un sentiment du devoir, du travail, de l’énergie. Les Français sont toujours des gamins, même dans le concile. L’opposition des gallicans libéraux n’est qu’une grande gaminerie épiscopale. Du reste, ils vont être mis à la raison, et ils le sentent si bien qu’ils commencent à dire qu’après tout ils voteront pour l’infaillibilité, pourvu qu’on épargne le libéralisme. Moi, je crois qu’ils avaleront tout.

Quoi qu’il en soit, je me demande ce que la France va devenir avec cette génération plate, fade, insignifiante, ne sachant faire que des affaires, et blâmer, critiquer, amoindrir tout ce qu’elle touche. Ce n’est pas encourageant. Pourtant nous pourrions avec un peu de bonne volonté relever tout cela. Toi, par exemple, que fais-tu? Que deviens-tu? As-tu un peu de feu au ventre et surtout au coeur? T’efforces-tu de devenir un homme ou ne seras-tu toute ta vie qu’un pékin?

Ah! qu’il est triste de voir le coeur se fondre chez les gens et ne devenir qu’un peu de lymphe! Je t’assure que cela me donne par moments de belles fureurs. Le pire, c’est que les trois quarts et demi des jeunes gens ne comprennent pas combien ils sont bêtes, lorsque, mettant leurs mains dans leurs poches, ils vous regardent d’un air plus ou moins stupide et vous répondent par une plaisanterie plus ou moins spirituelle, qui est le nec plus ultra de leur intelligence. Je t’en conjure, ne sois pas du nombre de ces imbéciles.

Tu as tort de n’être pas plus pieux, tâche de te convertir sérieusement pendant le carême. C’est tout à fait indispensable. Tu n’as plus assez de temps à passer à l’Assomption, il est urgent que tu t’y mettes tout de bon.

Si tu veux des nouvelles il peut t’être agréable de savoir que tout le monde considère les gallicans comme enfoncés, et même les libéraux.

Adieu, mon cher Michel. Souviens-toi bien que le meilleur conseil que je puisse te donner, c’est de devenir un chrétien catholique dans tout le beau développement du mot. Je t’embrasse.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
On m'a dit que la première et la seconde divisions tournaient en bourriques. Comme ce n'est pas le P. Emmanuel qui me l'a fait savoir, je ne veux pas y croire. Serait-il vrai que quand il a perdu sa mère, on n'a pas songé à faire une communion pour Mme Bailly? Cela serait trop fort et je m'inscris en faux. N'est-ce pas qu'on vous a tous calomniés? Peut-être n'y avez-vous pas pensé. Mais alors vous êtes tous de fameux cornichons. Pour votre honneur j'attends ta réponse.