- DR06_304
- 3061
- DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 304
- Minute non autographe ACR, AP 160; D'A., T.D. 40, n. 4, pp. 293-295.
- 1 CITE
1 COMITES CATHOLIQUES
1 ELECTION
1 ENGAGEMENT POLITIQUE
1 EVEQUE ORDINAIRE DU DIOCESE
1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
1 MANQUE DE FOI
1 PARTI CATHOLIQUE
1 SENS DE L'HONNEUR
1 SOCIALISME ADVERSAIRE
1 UNITE CATHOLIQUE
2 BECHARD, FERDINAND
2 BEZARD, DAVID
2 DU LIMBERT, HENRI-FRANCOIS
2 VAILHE, SIMEON
2 VALAT, ANSELME
3 GARD, DEPARTEMENT
3 NIMES - A MONSIEUR AUGUSTE DEMIANS
- DEMIANS_AUGUSTE
- Nîmes, 25 juillet 1867(1).
- 25 jul 1867
- Nîmes
Mon cher ami,
Plusieurs personnes, me dites-vous, désirent connaître mon opinion sur les futures élections au Conseil général du Gard. La réponse est pour moi d’une telle clarté qu’il m’est impossible de comprendre comment un homme ayant quelque souci – je ne dis pas de sa foi catholique, – mais de sa dignité en matière de religion, hésiterait un seul instant.
Le gouvernement a profondément contristé les catholiques par son troisième refus de laisser recevoir l’évêque de Nîmes avec l’enthousiasme qu’inspire pour leur prélat l’affection si connue de nos populations. Ce refus avait son commentaire dans la lettre ministérielle, dont M. Dulimbert m’avait communiqué dans le temps le contenu. Vous savez comment la réponse à cette lettre fut, il y a deux ans, l’élection de notre Conseil municipal(2).
Cette fois, les formes administratives ont été plus douces et laissent concevoir de meilleures espérances. Mais serait-il vrai qu’auprès du gouvernement s’élève une influence déplorable, funeste, qui cherche à se grandir en se posant comme le mauvais génie du Gard, et, pour le dire en passant, ne serait-il pas à propos d’établir qu’un étranger, malgré ses prétentions, n’a pas le pouvoir qu’il semble vouloir s’arroger parmi nous?
Quoi qu’il en soit, j’estime que les catholiques qui ne se sentiraient pas atteints par la mesure qui vient de frapper leur évêque, peuvent nommer qui bon leur semblera. Je me permettrai seulement de les trouver assez légers en matière de foi, ou, si leur foi est vigoureuse bien modestes en matière d’honneur. J’estime que ceux qui dans le dernier procédé envers le premier pasteur du diocèse, se sentent profondément blessés, ont une belle occasion de répondre à ce procédé outrageant par le choix du candidat de l’opposition la plus prononcée, pourvu que ce candidat soit honorable. J’estime que la division, dans un pareil état de choses, serait bien regrettable, serait une faute très grave au point de vue de la vie publique et religieuse. Je vais plus loin, et, au nom de la dignité religieuse, j’estime que toutes les consciences devraient se sentir blessées et protester avec nous. Voilà pour les principes de conduite générale.
Reste la question particulière de l’élection de Nîmes. Eh bien! mon opinion est là encore tout aussi arrêtée. Quelque estimable qu’il soit, le candidat officiel doit être absolument écarté par ce seul motif qu’il est officiel. Entre les deux autres candidats, s’il était vrai que l’un d’eux ne fût dans l’opposition que parce qu’ayant demandé, il y a quelque temps, la protection gouvernementale, on la lui a refusée, je pencherais très fort pour ne pas lui donner ma voix, uniquement parce qu’il n’exprimerait pas assez ce que je veux que le gouvernement finisse par comprendre. Mais à ce point de vue, un motif supérieur me domine. Un Comité d’opposition, à qui nous devons l’élection du dernier Conseil municipal, subsiste; il fonctionne, il n’a pas démérité. Devant ce Comité, j’ai vu M. Béchard et M. Valat s’offrir réciproquement la candidature au Conseil général, dans un assaut de vieille et noble amitié. Le Comité a prononcé envers M. Valat. Les délais, qui ont été la conséquence de cette lutte désintéressée, expliquent comment un autre candidat agissant à l’écart a pu se faire un titre de sa priorité.
Ce candidat a le tort grave d’agir en dehors de toute organisation. Voter pour lui serait apporter la perturbation parmi nous, rompre avec nos vieilles traditions d’ordre, et Dieu veuille que, sans s’en douter, il ne soit pas victime d’un élément socialiste, qui se sert de son nom pour briser cette subordination si nécessaire à tous les partis et anéantir, ou, du moins, amoindrir nos forces les plus vives.
Il ne s’agit pas seulement ici d’une élection isolée. Si les catholiques veulent des chefs qui préparent leurs affaires et assurent leur triomphe, c’est bien le moins qu’ils repoussent des hommes trop oublieux des influences morales du passé et qui nous exposent à être bientôt sans guides, sans plan de conduite, comme une armée désorganisée en face de l’ennemi qui s’avance. Par ce motif et laissant de côté la question de son mérite personnel, je voterais avec bonheur pour M. Valat, présenté par le Comité central d’opposition.
Je me résume. Dans les élections du 3 août, la dignité religieuse nous impose un candidat de l’opposition, la nécessité du maintien de l’organisation, méconnu par l’autre candidat(3), nous oblige à porter nos suffrages sur M. Valat.
Agréez, mon cher ami, l’expression de mes plus dévoués sentiments.
2. Le P. d'Alzon fait allusion aux voyages de Mgr Plantier à Rome en 1862 et en 1865. En 1862, il n'y avait pas eu de refus formel, mais tant le départ que le retour de l'évêque s'étaient faits sous la surveillance spéciale de la police (v. *Lettre* 1781, n. 1). En 1865, le refus avait été catégorique (v. *Lettre* 2456) et les élections municipales qui suivirent (22 et 23 juillet) avaient été un succès pour les amis politiques du P. d'Alzon. Ce dernier pourtant n'avait pas pris part aux luttes électorales, malgré l'invitation de Mgr Plantier "d'aller à Nîmes chauffer les élections" (*Lettres* 2591, 2600, 2601 et 2630).
3. Divers recoupements nous permettent de dire que ce candidat qui fait fi de la discipline du parti est M. Bézard.