DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 70

4 jun 1866 Le Vigan MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Restez à Rome jusqu’à ce que vous ayez obtenu ce que vous désirez. – Mettez-y de l’obstination sans empressement, en sachant vous adapter au milieu romain. – Varia.

Informations générales
  • DR06_070
  • 2803
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 70
  • Orig.ms. ACR, AD 1407; D'A., T.D. 23, n. 876, pp. 203-205.
Informations détaillées
  • 1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONGREGATION DES EVEQUES ET REGULIERS
    1 CONSTITUTIONS DES RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 DEPENSES
    1 ESPRIT DE L'ASSOMPTION
    1 JOURNAUX SCOLAIRES
    1 LITURGIES ORIENTALES
    1 MOINES
    1 OBLATES
    1 OEUVRES D'ORIENT
    1 PAPE DOCTEUR
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINT-SIEGE
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BARNABO, ALESSANDRO
    2 CHAILLOT, LUDOVIC
    2 DARBOY, GEORGES
    2 DUMAZER, ALEXIS
    2 FERUCCI
    2 PEROUSE, JEANNE-MARIE
    2 PETER, MARIE-MADELEINE DE
    2 PIE IX
    2 PIE, LOUIS
    2 PITRA, JEAN-BAPTISTE
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 QUAGLIA, ANGELO
    2 VAILHE, SIMEON
    3 FRANCE
    3 MARSEILLE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 ROCHEBELLE, FAUBOURG DU VIGAN
    3 ROME
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Le Vigan, 4 juin [18]66.
  • 4 jun 1866
  • Le Vigan
La lettre

J’aurais été en peine sur vous, ma bien chère fille, si je n’avais su indirectement votre arrivée à Rome. Les lettres de Soeur Jeanne-Marie(1), dont on a envoyé des copies à Rochebelle, m’ont rassuré, mais j’étais bien aise de savoir par vous-même l’effet réel que Rome vous produit. Je le devine sous ce que vous ne dites pas. Suis-je indiscret? Il est sûr que pour apprécier Rome, en dehors de ce que le cardinal Quaglia(2) vous a engagée à visiter, il faut plus de temps que vous ne comptez en mettre. Il est sûr que la protection de l’évêque de Poitiers(3) ne fera pas tout. Il [est] sûr que j’aurais voulu que vous attendissiez l’an prochain. Mais très sérieusement je vous dirai: Vous êtes à Rome, restez-y, jusqu’à ce que vous ayez obtenu ce que vous désirez. Le c[ardinal] Quaglia vous a dit que vous n’auriez pas de conversations avec votre consulteur. Eh bien, si vous en voulez, vous en aurez. Vous expliquerez tout ce que vous voudrez, pourvu que vous y mettiez de l’obstination, sans empressement.

Quand vous aurez vu tous les cardinaux, prélats, consulteurs, secrétaires, préfets, etc., voici ce qui vous restera à faire. Vous irez trouver un agent d’affaires de diocèse. Je puis vous en indiquer un, dont voici l’adresse: Ferucci, via di monte Brianzo, n° 20, au 3e étage. Vous lui direz que le P. d’Alzon, au désespoir de ce qu’il n’est plus l’agent du diocèse de Nîmes, pour lui prouver qu’il n’est pour rien dans cette affaire, vous envoie vers lui; qu’il faut qu’il vous facilite les moyens de finir votre affaire le plus tôt possible; que vous êtes décidée à ne quitter Rome que quand vous aurez ce que vous voulez; que les expéditeurs par leurs lenteurs entravent souvent la marche des affaires, mais que s’il faut donner un pourboire à ces employés subalternes, vous le donnerez. Cela dit avec prudence, vous verrez si l’affaire n’ira pas meilleur train.

Maintenant devez-vous remporter l’approbation des règles ou Constitutions? Très franchement je ne le pense pas. On peut vous l’accorder, mais je n’ose vous dire de la solliciter. L’approbation de l’Institut suffit. Vous pouvez affirmer que le mardi de la Pentecôte 1855, Pie IX me dit qu’il m’accordait cette approbation; que le lundi suivant je me rendis dans les bureaux de la Congrégation, je trouvai deux prêtres qui me dirent avoir en effet reçu l’ordre du Pape de vous expédier l’approbation, mais ils m’engagèrent à attendre quatre ou cinq ans et qu’alors vous obtiendriez ce que vous vouliez(4). Je vous le répète, vous aurez évidemment l’approbation de l’Institut, et je vous engage à ne pas demander encore l’approbation des règles ou constitutions.

Seulement si vos règles sont déposées, demandez que les Animad- versiones(5), dont elles seront l’objet, soient adressées soit à l’évêque de Nîmes, soit à celui de Poitiers. Je préfère Nîmes, parce qu’alors ce serait moi et que je vous ferai moins de difficultés que qui que ce soit. Dans tous les cas voyez, écoutez, mais souvenez-vous qu’aussi l’on vous voit et l’on vous écoute. Je n’ose rien vous dire pour Chaillot(6). Il est sûr que quand il le veut, une affaire est plus promptement expédiée avec lui qu’avec qui que ce soit. A Rome, jamais un homme n’est plus près d’être influent que lorsqu’il paraît le plus en disgrâce, s’il sait se servir de sa disgrâce même. Qui sait s’il ne se réserve pas pour le pape futur?

Ne prenez pas la peine de m’envoyer les discours de Barnabo et de Pitra, je les sais par coeur(7). Il n’y a pas que les habitants de la France qui aient leurs ritournelles. Laissez-moi vous répéter qu’à Rome on ne fait jamais mieux ses affaires que lorsqu’on a l’air de ne les faire pas; que les Italiens, épouvantés de la furia francese, veulent que les Français viennent les voir et sont plus aises encore de les voir partir. J’ai dépité ces braves gens en ne me montrant pas pressé, et je veux que le loup me croque si je présente mes Constitutions avant un long temps. Vous avez, m’avez-vous dit, de l’argent de reste; employez-le à prolonger votre séjour, si c’est nécessaire. Vous verrez un peu plus le genre romain, et ce vous sera très utile. Où donc est le Saint-Esprit? Il est dans le coeur du Pape et dans le tombeau de saint Pierre, d’où il se manifeste quand et comme il lui plaît, avec, sans et contre l’avis des gens qui sont autour, et qui souvent sont tout attrapés de n’avoir pas été consultés.

Ici, les Oblates vont très bien et Soeur M.-Madeleine est vraiment une très sainte fille. La maison de Nîmes (je parle du collège) allait à merveille, à mon départ. Le bon P. V[incent] de P[aul], qui ne veut plus être directeur, fait ce qu’il faut pour que je lui donne son congé(8). Cela m’attriste. Vous l’auriez à Paris, l’an prochain.

Adieu, ma chère fille. Rappelez-moi au souvenir de votre compagne et croyez-moi bien vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Je tiens énormément à vous voir, à votre retour. C'est au point que j'irais à Marseille, si vous ne pouviez venir à Nîmes.1. La compagne de voyage de Mère Marie-Eugénie (voir *Lettre* 2796, n. 1).
2. Préfet de la Congrégation des Evêques et Réguliers.
3. Mgr Pie.
4. Voir *Lettres 509, 511 et 513 et VAILHE, *Vie* II, pp. 274-283.
5. Les observations que la Congrégation des Evêques et Réguliers fera sur les constitutions déposées à Rome. Mère Marie-Eugénie n'aura connaissance de ces *animadversiones* qu'à la fin de 1867 et en recevra communication officielle en janvier 1868 en même temps que de l'approbation de l'Institut, signée à Rome le 14 septembre précédent.
6. Mgr Chaillot est consulteur de la Congrégation des Evêques et Réguliers. A son propos, dans sa lettre du 26 mai, Mère M.-Eugénie a écrit: "... tout le monde à Rome conseille de l'éviter et toutes les religieuses semblent avoir eu à s'en plaindre comme se mêlant de tout chez elles... il paraît que depuis son voyage de Paris il se montre le défenseur de l'archevêque... Beaucoup le jugent dangereux."
7. Mère M.-Eugénie regrettait de n'avoir pu que les résumer. "Le Cardinal Barnabo m'a fait tout un discours sur la question d'Orient... Le résumé de ce qu'il m'a dit c'est qu'il faut laisser chacun dans son rôle. Mais gardez-vous de montrer aucune tendance à latiniser l'Orient ni même les Orientaux, cela vous nuirait." Et à propos du cardinal Pitra: "Il m'a parlé beaucoup de l'Orient: son idée est qu'on n'y peut agir que par des moines basiliens."
8. Le P. d'Alzon vient précisément de recevoir une lettre du P. Emmanuel Bailly (2 juin) et une autre du Fr. Alexis Dumazer (3 juin). "Faut-il vous suivre ou suivre le P. Vincent de Paul?", demande le premier. "Suivre le P. V. de Paul, c'est anéantir l'esprit de l'Assomption" affirme le second. L'affaire des journaux du collège semble être la principale responsable de ce malaise (voir *Lettre* 2797, n. 3).