DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 192

24 feb 1863 Constantinople MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Son voyage. – Veut-elle ou non la place où mourut la Sainte Vierge? – Ferait-elle un pensionnat à Philippopoli et une Ecole normale de maîtresses d’école à Constantinople (où elle pourrait pénétrer par l’adoration)? – Les vocations contemplatives ne manqueraient pas. – Ici l’Eucharistie n’est pas honorée. – Le bien doit être fait par les écoles du peuple. – Nous sommes en Occident les enfants gâtés de N.S.

Informations générales
  • DR04_192
  • 1915
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 192
  • Orig.ms. ACR, AD 1314; D'A., T.D. 23, n. 740, pp. 79-80.
Informations détaillées
  • 1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 BULGARES
    1 CLERGE ORTHODOXE
    1 ECOLES
    1 GRECS
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 UNITE DE L'EGLISE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE RELIGIEUSE CONTEMPLATIVE
    1 VOYAGES
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 SOUBIRANNE, PIERRE
    2 VAILHE, SIMEON
    3 ASIE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 JERUSALEM, DORMITION
    3 KADI-KOY
    3 MESSINE
    3 PHILIPPOPOLI
    3 TURQUIE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Constantinople, 24 février 1863.
  • 24 feb 1863
  • Constantinople
La lettre

Me voilà depuis trois jours à Constantinople, ma chère fille. Mon voyage a été très heureux, sauf les deux premiers jours où j’ai vomi, mais sans trop souffrir. Le froid que j’ai trouvé en Turquie et en Asie m’a un peu étonné. Depuis Messine, de la neige partout; elle n’est pas encore toute fondue sur les toits, en face de mes fenêtres. Mais laissons ces détails, j’ai deux questions à vous faire.

1° Et ceci sous le secret, voulez-vous ou ne voulez-vous pas décidément la place où la tradition porte que mourut la Sainte Vierge et où certainement elle a vécu de très longues années(1)? Pourriez-vous y mettre 20.000 francs, d’ici à six mois? Cela n’ira pas à plus. Je parle de l’emplacement qui est vaste: un triangle, dont les côtés ont de 45 à 65 mètres; au centre, les fondations d’une église ruinée sur le lieu où l’on suppose que fut la maison de la Sainte Vierge. Oui ou non? Si vous ne répondez pas, ce sera nous(2). Dans tous les cas, silence absolu, mais le plus absolu.

2° Seconde question. Feriez-vous un pensionnat à Philippopoli? Ce sera, un jour, la ville la plus importante après Constantinople. Ici, les Dames de Sion ont pris la place. Mais ici feriez-vous une Ecole normale de maîtresses d’écoles? Quand et dans quelles conditions? Les écoles, telles qu’ils les font ici, ne peuvent vous aller, mais vous pourriez former des maîtresses, et, tôt ou tard, il faudra une Ecole normale. Ici, vous pourrez pénétrer par l’adoration. Vous trouverez plus de vocations contemplatives que pour l’action(3). Mais ici tout est si cher! Le terrain est à 300 francs le mètre. En face, à Chalcédoine, c’est autre chose. Mais ce qu’il faudrait, ce serait de montrer à Constantinople Notre-Seigneur honoré. Les évêques schismatiques ne disent heureusement la messe qu’une fois par mois, les prêtres tous les huit jours. Les profanations des saintes espèces sont horribles par la négligence, la malpropreté et l’ignorance du clergé. Le viatique pour les malades ne se consacre que le Jeudi Saint. Ce qu’il devient après, Dieu seul le sait, quelquefois une masse infecte et pourrie par l’humidité. Je vous assure que c’est affreux.

Le bien à faire ici doit être par les écoles du peuple, et en prenant des jeunes Bulgares ou Grecs et en les formant à la science et au zèle apostolique. J’écris au P. Picard qui portera ma lettre à M. Soubiranne, mais auparavant il vous la lira.

Adieu, ma fille. Priez beaucoup et faites prier. Nous sommes en Occident les enfants gâtés de Notre-Seigneur, nous n’y songeons pas assez. C’est là pourtant une dette terrible, devant laquelle doivent disparaître les dettes des hommes. Quand on voit son Eglise mutilée à ce point, on se demande ce que signifient certains froissements de coeur à coeur. Nous sommes des égoïstes et des ingrats de penser à nous, quand Jésus-Christ et son Eglise sont si horriblement traités.

Adieu, ma fille. Mille fois vôtre.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Voir *Lettres* 1667 et 1672. Le 10 mars, Mère M.-Eugénie fit part au P. d'Alzon de l'opposition des Soeurs du Conseil à l'achat du terrain de la Dormition.
2. Les T.D. ont transcrit *non*, mais le ms a *nous*, de même que la copie du P. Vailhé.
3. Le 8 mars, Mère M.-Eugénie répondit: "En théorie j'accepte dans les projets que vous proposez tout ce que nous pourrons faire; en pratique rien de sérieux ne peut sortir que des conversations que nous pourrons avoir à votre retour..."