CIRCULAIRES – Sage, ECRITS SPIRITUELS

— Quatre questions à examiner —
Toujours sous le coup des événements regrettables du Vigan, le P. d’Alzon est en quête de moyens pratiques pour éviter le retour de tels désordres.

Informations générales
  • ES-0281
  • CIRCULAIRES
  • DIXIEME CIRCULAIRE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 AMOUR FRATERNEL
    1 ANIMATION PAR LE SUPERIEUR
    1 AUTORITE RELIGIEUSE
    1 CHAPITRE GENERAL DES ASSOMPTIONNISTES
    1 CONSCIENCE MORALE
    1 CONSTITUTIONS DES ASSOMPTIONNISTES
    1 CRAINTE
    1 CRITIQUES
    1 DECADENCE
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    1 DIEU
    1 ENERGIE
    1 ESPRIT D'OUVERTURE A L'ASSOMPTION
    1 EXPULSION
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 FORMATION A LA VIE RELIGIEUSE
    1 FORMATION DES JEUNES PROFES
    1 FORMATION DES NOVICES
    1 FORMATION DU CARACTERE
    1 FRANCHISE
    1 HYPOCRISIE
    1 JEUNES RELIGIEUX
    1 LOI CIVILE
    1 MAITRE DES NOVICES ASSOMPTIONNISTE
    1 MANQUEMENTS A LA REGLE
    1 MISERICORDE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 PARLOIR
    1 PUNITIONS
    1 REGLEMENTS
    1 REGLES DES RELIGIEUX
    1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
    1 REPRESSION DES ABUS
    1 RESPONSABILITE
    1 SAINT-SIEGE
    1 SEVERITE
    1 SUPERIEUR DE COMMUNAUTE
    1 SUPERIEUR GENERAL DES ASSOMPTIONNISTES
    1 SURVEILLANCE PAR LE SUPERIEUR
    1 VIGILANCE
    3 NIMES
    3 PARIS
  • 1er août 1875
La lettre

Mes très chers Frères,

Si nous aimons Dieu, tout doit tourner à notre profit. C’est pourquoi je viens vous proposer, sous le coup des tristes événements de ces derniers temps, l’examen de quatre questions qu’il faut placer à la fin de nos Constitutions. 1° Que faire pour rendre plus efficace la surveillance à laquelle est rigoureusement obligé tout Supérieur local s’il veut sauver son âme? 2° Comment accroître, sans tomber dans l’arbitraire, l’autorité et l’action du Supérieur? 3° Comment prévenir certains désordres? 4° Quelle sanction de nos règlements est la plus utile à notre Congrégation?

I. — Pour une surveillance plus efficace

Que faire pour rendre plus efficace la surveillance à laquelle est astreint le Supérieur local, s’il veut sauver son âme? — La facilité de la surveillance me paraît dépendre avant tout du Maître des novices, qui a deux principaux devoirs à remplir.

Le premier, c’est de parler sans cesse de la nécessité d’une conscience droite. Il est aisé de constater de combien de consciences fausses le monde est rempli. L’éducation viciée, les mauvais exemples donnés, les habitudes de dissimulation tolérées, voilà l’écueil terrible où se brisent les consciences en formation. Si le Maître des novices est impitoyable contre toute apparence de mépris de la vérité, s’il refuse d’admettre tout postulant ou novice dépourvu de franchise, s’il inspire la plus profonde horreur du mensonge et de tout ce qui, de près ou de loin, sent l’hypocrisie, il aura fait beaucoup. Mais il doit faire surtout comprendre aux jeunes âmes placées sous son action quel besoin elles ont de fortifier leur conscience. L’homme est quelque chose principalement par le caractère, et qu’est-ce qu’un caractère dont la conscience n’est pas la base? A plus forte raison la conscience pure, droite, délicate, énergique est-elle indispensable à celui qui tend à la perfection. Or, à un religieux formé d’après ces principes, la surveillance est à peine nécessaire. Son meilleur surveillant, c’est sa conscience même, et le Supérieur saura de lui tout ce qu’il voudra; il n’a qu’à l’interroger.

Mais peut-on espérer que tous les jeunes profès se présenteront à leurs Supérieurs locaux dans des conditions aussi avantageuses? Hélas! non. Confessons-le, nous avons beaucoup trop cru à la conscience de certains hommes, quand ils n’agissaient que sous le coup d’une crainte servile. Au Supérieur à étudier les caractères; à traiter les uns avec plus de confiance, et plus sévèrement les autres. Puis, si l’on est convaincu que le Supérieur doit tout savoir, ceux qui se taisent en face de l’autorité comprendront que la franchise de leurs frères les démasquera naturellement, et ils apprendront à arrêter leurs discours mauvais, au moins pour n’être pas exposés à ce qu’on répète leurs paroles.

Le Maître des novices (et ceci ne s’applique pas moins à tout Supérieur) doit aller plus loin. Il écartera sans doute le système d’espionnage, mais par la fréquence des comptes rendus, par la surveillance des parloirs, des correspondances, des visites, en un mot de toutes les relations; par la défense répétée de se voir dans les cellules, par la sévérité à exiger la pratique du grand et du petit silence, par l’inspection fréquente des cellules, il viendra nécessairement à bout de savoir bien plus que ne savent généralement les Supérieurs, et, s’il ne sait pas tout, il en saura toujours assez pour deviner bien des abus et les prévenir souvent par la seule peur qu’on ne les découvre.

II. — Pour accroître l’autorité et l’action du Supérieur

Comment accroître, sans tomber dans l’arbitraire, l’autorité et l’action du Supérieur?

Il y a un don de commandement qui ne s’acquiert pas. Ceux qui en sont dépourvus croient pouvoir en couvrir l’absence par des punitions multipliées. Il faut punir sans doute, comme nous le dirons tout à l’heure, mais il faut savoir commander. Le regard seul y suffit quelquefois. Là, rien d’arbitraire; l’action morale du Supérieur apparaît tout entière. Or, pour que l’arbitraire soit évité, le Supérieur doit savoir par coeur les Constitutions et être imprégné de leur esprit, de façon que, dans tout ce qu’il ordonne, prescrit, défend, on sente que ses paroles et ses ordres sont très purement l’application de ce qui a été réglé.

Si ses interprétations ne sont pas acceptées pour légitimes, on peut en référer aux Supérieurs généraux. Mais si le Supérieur local montre qu’il n’a pas à craindre une interprétation autre que la sienne, s’il va avec vigueur là où c’est nécessaire, avec compassion et miséricorde quand il aperçoit chez les coupables plus de faiblesse que de malice, il se rendra fort utile aux âmes qui lui sont confiées. Qu’il n’oublie pas cependant que la faiblesse est quelquefois bien coupable. Mais, en tout cas, cette conduite fortifiera son autorité.

On voit (et l’expérience confirme ce que j’avance) des coupables qui nient ce dont ils sont accusés. On peut leur donner le choix ou de procéder paternellement avec eux, à condition qu’ils diront tout ce qu’ils savent, ou, s’ils n’avouent pas, d’agir contre eux ad strictos juris apices. Que de fois la procédure paternelle est acceptée par eux, et le scandale public évité! Mais il importe, dans ces cas, que le Supérieur général soit prévenu de tout, car si la miséricorde est bonne une fois, deux fois, plus tard elle produit les maux les plus déplorables, et le Supérieur local n’a pas le droit d’en porter la responsabilité.

Quant aux révélations, que les religieux sont tenus de faire, et qui doivent toujours revenir au Supérieur général, il faut bien se rappeler que rien n’est plus funeste que de voir des religieux préférer le bien particulier au bien général, et trancher eux-mêmes la question de ce qu’il faut dire et de ce qu’il faut taire. Que le Supérieur local, sous le coup d’une émotion légitime, soit exposé à frapper trop durement, c’est possible; mais il y a un remède à cet inconvénient: celui d’en référer au Supérieur général, à moins que la gravité du scandale n’exige les mesures les plus promptes contre les coupables.

III. — Comment prévenir les désordres?

On prévient les désordres en coupant court aux abus dès le commencement, en ne traitant rien à la légère, en punissant les petites fautes, pour n’avoir pas à en punir de grandes. Ce n’est pas qu’il faille toujours manifester aux inférieurs les craintes que l’on éprouve sur leur compte. Il est des désordres qui prennent de l’importance parce qu’on leur en donne, et on peut avoir tort de leur en donner. Malgré cela, l’oeil du Supérieur ne doit pas cesser d’être ouvert.

Cela dit, une grande charité du Supérieur local pour sa Communauté lui donnera ces appréhensions pleines de tendresse qui font pressentir la maladie et qui portent à chercher tous les moyens de la combattre avant qu’elle n’ait pris des proportions incurables.

Il faudrait donc de la vigilance, l’attention sévère sur tout principe de désordre, de décadence, de chute; l’amour en quelque sorte maternel, qui n’exclut pas la juste sévérité, mais qui, tout en sachant frapper, sait, quand il le faut, adoucir le coup, et qui, en même temps, avertit au nom du bien commun l’autorité supérieure, puisqu’elle a la responsabilité générale.

IV. — Sanctions à prévoir

Quelle sanction de nos règlements est la plus utile à notre Congrégation?

Je n’ai pas à parler ici des novices. Ma circulaire sur le noviciat en dit assez. Puis, on n’a pas seulement à punir des fautes chez les novices; il faut surtout étudier leurs défauts, pour s’assurer s’ils sont corrigibles, ou s’ils ne le sont pas.

Pour les religieux profès, il s’agit de toute autre chose. Ils ont contracté des engagements pour la vie, et ces engagements méritent d’être traités avec respect. Et pourtant, avec la législation civile des temps modernes, nous n’avons qu’une sanction dernière: l’expulsion. C’est en face de cette suprême mesure qu’il faut se placer.

Sans entrer dans les détails, je vous prie d’examiner pour le prochain Chapitre:

1° Les cas d’expulsion réservés à Rome.

2° Ceux réservés au Chapitre général.

3° Ceux où le Supérieur général est obligé de trancher promptement.

4° Ceux où le Supérieur demande des pouvoirs à Rome.

5° Ceux où il doit laisser le religieux faire lui-même la demande de la dispense des voeux.

6° Les fautes pour la punition desquelles le Supérieur général doit être consulté.

7° Celles pour lesquelles l’autorité du Supérieur local suffit.

Le travail que je vous propose doit être le sujet de vos plus sérieuses réflexions, afin que, dans un an, vous puissiez les discuter en connaissance de cause.

Je prie Notre-Seigneur de vous éclairer sur des points d’où dépend peut-être notre avenir.

Qu’après vos résolutions on puisse dire : [[ Misericordia et veritas obviaverunt sibi, justitia et pax osculatæ sunt. Que Dieu nous accorde la paix dans la miséricorde, la vérité et la justice! ]]

Veuillez croire, mes chers Frères, à mon plus respectueux attachement en Notre-Seigneur.

E. d'ALZON.
Notes et post-scriptum