- ES-0448
- MEDITATIONS
- SEIZIEME MEDITATION EUCHARISTIE
- Sage, ECRITS SPIRITUELS
- 1 ADORATION
1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
1 AMOUR DU CHRIST
1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
1 CHATIMENT
1 CORPS DE JESUS-CHRIST
1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
1 EPREUVES
1 EUCHARISTIE
1 HUMILITE
1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
1 IMITATION DE JESUS CHRIST
1 PATIENCE DE JESUS-CHRIST
1 PURIFICATION
1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
1 SANG DE JESUS-CHRIST
1 SILENCE DE JESUS-CHRIST
1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
1 SPIRITUALITE TRINITAIRE
1 UNION A JESUS-CHRIST
1 VOIE UNITIVE
[[Memoriam fecit mirabilium suorum, misericors et miseratur Dominus, escam dedit timentibus se. Le Seigneur a fait un monument de ses merveilles; dans sa miséricorde et sa bonté, il a donné du pain a ceux qui le respectent.]] (Ps. CX, 4).
L’Eucharistie est le mémorial de toutes les merveilles de Dieu : de la Création par la transsubstantiation; de l’Incarnation par cette manière dont Jésus-Christ apparaît sous les espèces consacrées; de la Rédemption par la double consécration du Corps et du Sang; de la Résurrection par le gage qui en est donné.
Pour nous, pour le religieux de l’Assomption, c’est le principe d’une vie nouvelle d’adoration, d’imitation, d’expiation, d’union. Examinons ces quatre caractères, qui me semblent préciser, sous l’action des bienfaits du Sauveur, une vie toute nouvelle.
I. — Adoration
Le prêtre, après la Consécration, tenant la sainte Hostie sur le précieux Sang, indique qu’il offre tout honneur et toute gloire à l’adorable Trinité par Jésus-Christ, avec Lui et en Lui: per Ipsum et cum Ipso et in Ipso.
L’adoration humaine est impuissante et tous les holocaustes n’ont pu plaire à Dieu. [[ Holocautomata et pro peccato non tibi placuerunt: Vous n’avez point agréé les holocaustes pour le péché. ]] Alors le Fils de Dieu, se faisant homme, a dit: [[ Tunc dixi: Ecce venio: me voici, je viens ]] (Ps. XXXIX, 8). C’est donc le Fils de Dieu incarné qui vient offrir la plus pure adoration à son Père, et il la lui offre dans l’état d’anéantissement où l’a réduit non seulement la Croix, mais encore l’Eucharistie.
C’est du fond de cet abîme que le Fils de Dieu fait homme adore, et c’est dans l’union avec le Fils de Dieu que nous-mêmes nous offrons nos adorations les plus complètes; non pas que les nôtres aient quelque valeur, mais elles la reçoivent des mérites infinis de la divine Victime, unis à ce que nous pouvons y ajouter selon notre très immense misère. Alors, nous adorons par Jésus-Christ, qui est notre Prêtre, avec Jésus-Christ, qui intercède sans cesse pour nous; semper vivens ad interpellandum pro nobis, et en Jésus- Christ, afin que, ne formant qu’un avec Lui, il soit évident que sa prière est la nôtre, et que la nôtre sera exaucée à cause de Lui.
Jésus est en effet le grand Médiateur, [[ et non est in alio aliquo salus, in quo oporteat nos salvos fieri; et il n’y en a point d’autre en qui nous puissions être sauvés ]] (Act. IV,12).
Jésus a voulu devenir notre frère, et c’est Lui qui se charge de parler en notre nom, couvert, comme il veut l’être, de nos péchés, afin d’en subir dans son humanité les conséquences; mais remarquez bien que Notre-Seigneur est notre Dieu, qu’il veut être adoré, et c’est avec l’adorable Trinité qu’il reçoit ces honneurs et cette gloire : [[ Per Ipsum, et cum Ipso, et in Ipso est tibi Deo Patri omnipotenti, in unitate Spiritus sancti, omnis honor et gloria; par Lui, avec Lui et en Lui, à vous, Dieu Père tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire ]] (Can. Missae).
La sainte Humanité du Sauveur, cachée sous les voiles eucharistiques, unie à la seconde personne de la Sainte Trinité, offre cette adoration.
Mais Jésus-Christ, Dieu et homme, uni inséparablement à la Trinité, donne un prix incomparable à cette adoration, et c’est ainsi que cet hommage auquel nous pouvons prendre part est d’une incompréhensible excellence.
II. — Imitation
Jésus-Christ, tout entier dans l’Eucharistie, y est dans le plus profond anéantissement. Quoi de plus anéanti qu’un Dieu fait homme, caché sous l’apparence d’un peu de pain et de quelques gouttes de vin? Voilà où il veut se réduire pour montrer quelle horreur il a du péché et à quelle extrémité le péché le réduit; mais il est l’innocence même. Le péché, c’est nous qui l’avons commis; à nous, par conséquent, de nous anéantir, de nous abaisser, ou du moins de nous abaisser par les sentiments vils et bas que nous devons avoir de nous-mêmes. En effet, quel chrétien animé d’un sentiment de foi peut contempler l’Eucharistie sans être confondu de l’état où veut se réduire un Dieu?
Et là, Celui qui est le Verbe divin, la Parole éternelle, garde le silence le plus profond; il reste silencieux, il n’ouvre pas la bouche, il se tait comme l’agneau devant celui qui le tond, il n’a aucune réclamation à présenter; qu’on fasse de lui ce qu’on voudra, il ne réclamera jamais. Le silence lui paraît, à lui seul, un excellent sacrifice. Qui a jamais entendu la voix de l’Hostie au Tabernacle? Peut-être quelques serviteurs privilégiés ont-ils prêté l’oreille, et ce que saint Augustin appelle l’éloquent silence des mystères, facundum quoddam et canorum veritatis silentium, y a-t-il retenti? Mais les paroles alors prononcées sont celles qui agissent isolément sur des âmes, qui les poussent à la perfection la plus haute, et si quelquefois ces paroles partent du Tabernacle, souvent aussi elles arrivent au coeur dans le recueillement de la cellule.
Jésus vous invite encore avec Lui à attendre son jour et le vôtre; vous êtes pressé, impatient, vous avez tort. Imitez la patience de Dieu. Elle est à peu près comme le soleil dans le cours d’une belle journée d’été; vous apercevez-vous de sa marche? Et pourtant, du lever de l’astre à son coucher, quel chemin parcouru! Vous croyez ne rien faire avec Jésus-Christ en vous, et vous courez à pas de géant.
Voyez aussi sa merveilleuse patience pendant les siècles : pourtant, quelles révolutions, quels coups de tonnerre! Mais il sait choisir son moment, et puis il faut, selon l’expression hébraïque, savoir attendre en attendant: Expectans expectavi Dominum, et intendit mihi: (Ps. XXXIX, 2).
Voyez enfin quel amour Jésus vous porte à l’Eucharistie: [[ Cum dilexisset suos qui erant in mundo, in finem dilexit eos; il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, et il les aima jusqu’à la fin ]]. (Joan. XIII, 1). Et avant de mourir il institue l’Eucharistie. [[ Desiderio desideravi hoc pascha manducare vobiscum antequam patiar: avant d’aller souffrir, j’ai désiré d’un immense désir manger cet agneau pascal avec vous ]].
Ah! dans vos épreuves, allez à l’Eucharistie avec un grand amour, et toutes les tribulations vous deviendront douces, toutes les épreuves faciles. Car quel amour plus grand que de vouloir s’unir à vous par la manducation eucharistique? Quel amour plus agréable pouvez-vous lui témoigner quel de chercher à votre tour à ne faire qu’un avec Lui? Allez donc à Jésus dans l’Eucharistie, et servez-le dans toute la plénitude de votre tendresse et de votre reconnaissance. Il est banal de dire que jamais vous ne l’aimerez comme Il vous aime, mais quel honneur pour vous d’être appelé à une pareille lutte d’amour!
Imitez-le, car c’est là ce qu’Il veut surtout, dans ses perfections. Que voulez-vous? Que cherchez-vous, si vous voulez autre chose que refaire en vous l’image de Dieu détruite par le péché? Eh bien! ce Dieu, il est en vous. Que voulez-vous de plus, si vous savez le laisser faire et agir, et si vous vous appliquez à former dans votre âme la vie, les vertus, les sentiments de Jésus-Christ? Hoc sentite in vobis quod et in Christo Jesu. Mais à quel degré de sainteté n’arriverez-vous pas, si Jésus-Christ forme en vous des dispositions dignes de Lui, et surtout si vous vous appliquez à les traduire par le sens supérieur que vous donnerez à tous les actes de votre vie?
Seigneur, que puis-je faire de mieux, pour transformer ma vie en vie céleste sur la terre, que de m’appliquer à vous imiter tous les jours plus parfaitement, selon les exemples que vous me donnez dans l’Evangile? Ai-je donc la prétention de faire mieux que vous? Et ai-je autre chose à faire, pour devenir un saint, que de m’appliquer à vous ressembler?
Quand vous fûtes à la dernière Cène, lavant les pieds à vos apôtres pour leur donner le dernier sceau de la pureté, et pouvoir leur dire en les communiant: [[ Jam vos mundi estis, maintenant vous êtes tous purs ]], vous ajoutâtes, en leur recommandant de vous imiter: [[ Exemplum dedi vobis, ut quemadmodum ego feci, ita et vos faciatis; je vous ai donné l’exemple, afin que vous fassiez comme moi-même j’ai fait]]: (Joan. XIII, 15). Exemple d’humilité, exemple de charité; que peut-on demander de plus au chrétien, sinon qu’il s’anéantisse et qu’il aime?
Je veux vous imiter, Seigneur, et, marchant sur vos traces, imiter les anéantissements de l’Hostie et porter en moi et autour de moi les flammes que vous y cachez; Seigneur, mon Dieu, où trouverai-je ailleurs la perfection? Vous la faites descendre du ciel en terre, vous la mettez à ma portée; que je l’imite et que je ne sois plus trop indigne de vous.
III. — Expiation
Qu’est Jésus-Christ à l’Eucharistie? C’est la Victime par excellence. Cherchez et voyez si vous pourrez inventer un prodige semblable.
Une justice infinie offensée, l’humanité entière incapable de payer la dette contractée par le père de tous : que faire? Un homme sera pris par un Dieu, et Dieu, ne faisant qu’un avec un homme, lui donnera sa personnalité, en conservant la nature de la créature et du Créateur: Salva utriusque natura substanti et in unam coeunte personam. Quel prodige qu’une victime, humaine parce que l’homme a péché, mais en même temps divine, afin de réparer tous les droits de Dieu lésés!
Or, le religieux, voué à la vie de sacrifice, doit être surtout, autant qu’il dépend de lui, un homme divin dans ses expiations; il doit dès lors prendre toutes ses actions et les transformer en offrandes incessantes. Quant à ce qui concerne ses souffrances de tous les jours, elles lui deviennent un riche trésor, puisque, à la communion et à la célébration de la Messe, il peut porter à Jésus-Christ le don de tout ce qu’il peut endurer, et dire au divin Maître: Seigneur, que tout en moi soit digne de vous, afin que, moi aussi, je sois à mon tour et à votre imitation une hostie pure et sans tache, et que je vous donne ainsi tout ce que vous me demanderez de souffrances, de douleurs, d’angoisses, de larmes, car, puisque le disciple n’est pas au-dessus du Maître, si vous, l’innocence même, avez été victime pour moi, je veux être victime à mon tour.
Le religieux sortant de la célébration des saints mystères peut dire: Je vais m’immoler avec mon Maître. Le sentiment imparfait de l’Apôtre s’écriant : [[ Et nos eamus et moriamur cum illo; et nous aussi, allons et mourons avec Lui! ]] (Joan. XI,16) doit devenir une perfection pour le religieux. Surtout après la communion, il expie pour lui; mais quel honneur, à l’imitation de son Maître, de s’offrir afin d’expier pour les autres! Aujourd’hui surtout où l’égoïsme envahit tout, glace tout, étend le froid de la mort sur tout élan généreux, quelle admirable vocation que la vocation du religieux qui dit: Je souffre avec Jésus-Christ crucifié, je m’immole avec l’Hostie à l’autel, je meurs à toute jouissance créée pour expier avec Jésus-Christ! Ah! qui donnera au religieux, vraiment victime en union avec la Victime divine, de pouvoir s’écrier, avec tous les désirs de l’amour qui cloua le Sauveur du monde à la croix : [[ Adimpleo in carne mea ea quae desunt passionum Christi; j’accomplis dans ma chair ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ ]]. (Col. I,14).
Là se connaît la perfection du religieux, dans l’ardeur de l’immolation et de l’expiation. L’expiation vous répugne-t-elle? Vous pouvez être vivant, mais vous êtes, pour l’ordre surnaturel, et médiocre et vulgaire. L’expiation a-t-elle pour vous des attraits que vous écoutiez? Vous pouvez avoir l’espérance de faire quelques progrès. L’expiation vous saisit-elle, sa seule pensée embrase-t-elle votre coeur? Courage ! Vous avez l’espoir fondé de devenir un saint.
IV. — Union à Dieu
Le terme du bonheur dans le ciel est notre union avec Dieu, et parce que j’en ai dit quelque chose en parlant de la charité et de l’oraison, je n’en dirai ici qu’un mot.
L’oeil de l’homme n’a point vu, l’oreille de l’homme n’a point entendu, le coeur de l’homme n’a pu comprendre ce que Dieu réserve à ceux qui veulent s’attacher à Lui et n’ont pas mis ailleurs leur espérance. Mais, avant les révélations du ciel et ses contemplations ineffables, où notre âme, s’élançant dans le sein de Dieu même, lui sera pour toujours unie, quelles adorations anticipées! Et quelle union mystérieuse ne s’accomplit pas entre l’âme et l’Homme-Dieu dans l’Eucharistie! Quelle vie que celle-là, si nous savons la comprendre! Comme le religieux participant au corps et au sang de son Dieu peut s’écrier mille fois plus que l’épouse du Cantique : [[ Inveni quem diligit anima mea, tenui eum, nec dimittam; j’ai trouvé celui que mon âme aime, je le tiens et je ne le lâcherai pas ]]. (Cant. III, 4). Et dès lors, dans quels abîmes d’union ne peut-il pas s’enfoncer? Ah! qu’il y reste toujours et que tout en lui tressaille à la vue du Dieu qui lui apporte, dans son union avec Lui, une vie toute nouvelle. Qu’est la vie du religieux nourri à la communion de la vie de Dieu même, quels sont ses sentiments, ses actes, ses vertus? Ah! qu’il peut s’élever, si, s’attachant à Jésus descendu jusqu’à lui, il s’unit irrévocablement à son Maître et se laisse transporter partout où ce Maître voudra l’entraîner sur la terre et dans le ciel!