J’aurai, je crois, pourtant retiré un autre avantage de mon entrée dans ce séminaire: celui de pouvoir bien constater sur les lieux la décrépitude de la carcasse scolastique et sa décomposition. C’est chose risible et pitoyable à la fois que de voir la torture que les élèves donnent une fois par jour à un de leurs professeurs qui s’obstine à suivre la méthode batarde du syllogisme, qui ressemble à la logique de saint Thomas comme la Sorbonne ressemblait à un concile. C’est aussi quelque chose de consolant de remarquer l’instinct des dévelop-pements nouveaux dominer certaines têtes qui persistent à ramper dans les routes usées. Plusieurs qui seraient bien fâchés qu’on les crût aimer le sens commun, m’avouent que la théologie est à refaire, que les preuves de raisons et toutes celles tirées des Ecritures et des Pères sont faibles, si l’on ne pose pas le grand principe de l’autorité de l’Eglise; c’est ce qui me fait penser qu’un traité de l’Eglise bien fait suffirait pour mettre bien des esprits sur la voie des nouveaux développements théologiques et en ramener beaucoup de leurs illusions, par cela même qu’ilfixerait leurs incertitudes.
Lettre à Charles de Montalembert (Lettres, t. XIV, p. 8-9).
(1) La fin du XIXème siècle marqua un retour à l’étude de la pensée de saint Thomas d’Aquin, retour officiellement encouragé par le Pape Léon XIII, étude théologique plus scientifique appelée aussi mouvement néo-thomiste qu’il ne faut pas confondre avec la scolastique.