Figurez-vous que je me compare à Abraham qui n’eut qu’un fils, lequel n’en eut que deux, dont un fut écarté, et pourtant il a été le père du peuple de Dieu (1). Tant que Dom Guéranger a vécu (2), il n’y avait presque pas de novices à Solesmes. Depuis qu’il est mort, il s’est présenté, et les dettes de près d’un million sont presque entièrement payées. Ma plus grande application est de suivre la volonté de Dieu, qui s’est manifestée peu à peu d’une manière si prodigieuse à sa façon. Nos alumnats du Midi nous coûtent 30. 000 francs par an, et nous les trouvons au jour le jour. C’est pour moi un miracle perpétuel, qui nous fait pratiquer la pauvreté en nous forçant à sacrifier une foule de fantaisies à la nécessité d’amasser sou à sou pour ces chers enfants. Voilà six semaines que je n’ai plus à moi un sou vaillant dans ma bourse. Si je veux aller faire une course, je demande comme un simple écolier le prix du wagon.
Lettre à Mère Marie-Eugénie de Jésus (Lettres t. XIII, p. 62).
(1) Récit de la Genèse, 21.
(2) L’abbé de Solesmes, Dom Guéranger (1825-1875) était décédé le 30 janvier 1875.