Qui sera notre guide? Le Pape. On peut dire que la politique, depuis Philippe le Bel (1), a été une immense conspiration contre la papauté. Les rois n’ont plus voulu du Pape; nous voyons comment aujourd’hui les peuples en veulent plus des rois. Où irons-nous avec cette haine antimonarchique? Qu’importe? Un pouvoir est nécessaire, mais il n’est pas nécessaire qu’il soit confié à une tête couronnée. Dieu considéra comme une insulte la demande des enfants de Jacob qui désiraient un roi (2). N’insistons pas. Mais pourquoi le nier? Si un fait est manifeste, c’est que le flot démocratique monte tous les jours, il est gros de révolutions; qui sait où le grain de sable contre lequel l’écume de ses tempêtes viendra se briser? Pour moi, je vois l’Eglise, ce qu’elle a fait autrefois, et j’attends. Ni tristesse excessive ni excessif espoir; confiance en Jésus-Christ, en Marie, dans l’Eglise; travail persévérant, qu’importe le reste? Je me trompe; qui peut dire que nos efforts ne seront pas heureux, pourvu qu’ils soient intelligents?
Instruction de 1868, d’après Ecrits Spirituels, p. 143.
(1) La tradition gallicane s’appuyait sur la politique de centralisation monarchique de ce souverain (1268-1314) qui s’opposa de fait fortement à ce que l’opinion désigna alors comme la pratique d’ingérence du Pape dans les affaires intérieures, à une époque où l’Eglise était dans l’Etat et l’Etat dans l’Eglise. La révolution française, d’abord antimonarchique puis anticléricale et même antireligieuse, donnait prise à cette lecture providentialiste de l’histoire qu’avait illustrée Bossuet en son temps.
(2) Selon une des traditions rapportées par la Bible en 1 Sm 8.