Le Fils du Giboyer va, dit-on, être joué sur la scène de Nîmes. C’est de la part de la direction théâtrale, une imprudence qui peut causer certaines agitations, dont nous devons, par tous les moyens, décliner la responsabilité. L’auteur a déclaré lui-même que sa pièce devrait, à plus juste raison, s’appeler Les Cléricaux. Qui dit clérical dit membre ou ami du clergé. A ce dernier titre, tous les catholiques de Nîmes sont des cléricaux, et ils doivent se sentir atteints. On m’assure que plusieurs d’entre eux veulent se rendre au théâtre pour siffler. Permettez-moi de les supplier, non point d’abdiquer complètement ce droit de justice littéraire qu’on achète en entrant, mais de ne pas se laisser entraîner des manifestations, dont on pourrait peut-être dénaturer la portée. Il y a un moyen meilleur que le sifflet pour protester contre l’insulte, c’est de couper les vivres aux insulteurs ou, du moins, à leurs instruments. Une pétition adressée à M. le maire de Nîmes et au Conseil municipal pour demander la suppression, au prochain budget de la ville, de la subvention accordée au théâtre, serait certainement couverte de signatures. De même que j’en ai signé plusieurs pour obtenir l’assainissement de mon quartier, je souscrirais volontiers à celle-ci. Tous les hommes, aux yeux de qui le scandale est un triste moyen de succès, partageront le même sentiment.
Lettre à Numa Baragnon (Lettres, t. IV, p. 153-154).
Note. Cette création d’Emile Augier, prenant pour cibles Louis Veuillot et le parti ultramontain, faisait en clair la satire de l’opposition cléricale, notamment virulente à propos de la politique italienne de l’empereur Napoléon III. Le 24 juillet est le jour anniversaire du décès de Mère Correnson.