Ce professeur n’avait qu’une affection, un chien. Il n’avait pu vivre en bon ménage; ce chien absorba tout son cœur, sauf, je crois, une paire de canaris. Le chien tomba malade. On appela pour l’animal un médecin de chiens, homéopathe comme le maître. Malgré l’homéopathe, le chien mourut. Le maître, pour conserver quelque chose de Fido, le fit écorcher, et, de la peau tannée, fabriqua une descente de lit; absolument comme un professeur de la Faculté de médecine de Paris, dont je dirai le nom si on me le demande, fit faire de la peau tannée d’une demoiselle, qui n’était pas sa femme, un tabouret et une paire de pantoufles. Quand Fido fut écorché, que faire du reste? Mon professeur envoya à ses collègues des lettres de faire-part pour les inviter à la cérémonie. Les malheureux eurent le courage de ne pas y paraître; ces sacristains ne voulaient pas d’enterrement civil! On sut par le domestique, chargé de creuser la fosse, qu’à l’heure dite les restes de Fido, enveloppés dans le drap de lit le plus fin du professeur, furent portés à la tombe préparée et y furent déposés. Mais avant l’enfouissement, mon homme qui ne lâchait pas son chien comme cela descendit dans le trou, écarta le linceul, et, malgré l’écorchement, plaça sa main sur le cœur du quadrupède défunt, pour bien s’assurer que rien ne battait plus. Puis la pelle du fossoyeur acheva l’œuvre. On ne dit pas qu’on ait demandé les honneurs militaires.
Lettre au Rédacteur de l’Assomption (Lettres, t. XI, p. 516-517).
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