Quant à vous, ma fille, vous me demandez quelques paroles pour vous encourager. Je viens d’en lire dans l’évangile de bien consolantes. On voit dans saint Luc Notre-Seigneur ordonner à saint Pierre de jeter ses filets. Saint Pierre répond: ĞMaître, nous n’avons rien pris de toute la nuit, malgré notre travail, mais sur votre parole je jetterai le filetğ (1) et il fit une pêche miraculeuse. Je ne sais pourquoi il me semble que, depuis un certain temps, Notre-Seigneur dit à une certaine personne de lancer son filet, c’est-à-dire de se jeter à corps perdu à son service, laissant de côté toutes considérations humaines: les railleries de sa sœur, les distractions de ses enfants, les reproches d’ennui. Il me semble qu’elle doit sentir que le monde la trouvant changée et moins aimable qu’autrefois, elle n’a plus grand-chose à ménager de ce côté, et à tout donner à celui qui l’appelle. Je ne pense pas que Dieu vous appelle à pêcher beaucoup d’hommes, comme saint Pierre, ma bien chère fille; mais il me semble que vous approchez du moment, où vous n’aurez en quelque sorte plus rien à ménager, et que sans aucun respect humain vous irez à tout ce que Notre-Seigneur vous demande, malgré tous les jugements que l’on pourra porter sur votre physique et votre moral.
Lettre à Madame Doumet (Lettres, t. III, p. 504-505).
(1) Selon Lc 5, 4-5.