Du Lac m’apprend, mon cher ami, que votre sacrifice est consommé. Dieu vous a repris ce qu’il vous avait donné pour si peu de temps. Votre silence, à ma dernière visite, me disait combien votre cœur était broyé, et je ne savais comment vous dire combien je souffrais avec vous. Au moins pouvez-vous vous reposer sur la pensée que si Dieu vous avait donné un enfant, vous avez fait tout ce qui dépendait de vous et de Madame d’Esgrigny pour lui rendre un ange. Il s’est envolé, à ce que m’écrit Du Lac, un samedi, et l’Eglise favorise la croyance de ceux qui pensent que, ce jour-là, la Sainte Vierge obtient encore plus de grâces pour les mourants. Quelque profonde que soit la blessure faite par des coups comme celui qui vient de vous frapper, il me semble qu’il y a pourtant de la consolation à se dire: Nous avons fait tout ce qui dépendait de nous, pour aider notre enfant à prendre place auprès de Dieu. Malgré l’horrible brisement de la nature, l’âme s’apaise en regardant l’horizon que lui découvre la foi. Je prie bien pour vous, mon ami, pour votre femme, pour la petite Jeanne. Je ne sais si je prie pour René. Est-ce qu’il n’est pas déjà au ciel? Adieu. Après-demain, fête de Notre-Dame des Douleurs, je dirai la messe pour vous tous.
Lettre à Luglien de Jouenne d’Esgrigny (Lettres, t. III, p. 158).
(1) Le P. d’Alzon avait accepté par amitié d’être le parrain de la sœur de René, Jeanne, privilège qu’il avait refusé à sa sœur Marie-Françoise pour son neveu Jean de Puységur, et pour un fils de son cousin Edmond d’Alzon.