J’ai joui hier d’un des plus beaux spectacles que j’ai jamais vus. Vous savez sans doute que La Gournerie est ici depuis quelques jours. Nous allâmes visiter le chêne du Tasse, placé au haut du Janicule. Le soleil se couchait derrière nous et jetait ses rayons d’or sur le dôme de Saint-Pierre, qui se présentait entièrement séparé du reste de la ville. En face de nous Rome, toute brillante des dernières clartés du jour; plus loin, les montagnes de la Sabine et celles d’Albano qui commençaient à s’envelopper de vapeurs. C’était ravissant. C’est après de pareils spectacles que l’on peut bien comprendre ce qu’est Rome. On la voit dans toute la majesté de ses ruines et de ses monuments nouveaux; on comprend tout ce qui sépare les débris du palais de Néron des voûtes du Vatican. Voilà, j’espère, du poétique, mais je ne sais pourquoi je n’ose pas en faire avec vous. Je vous fais donc grâce de tout ce que j’aurais pu ajouter sur les coupoles et sur les bosquets d’orangers, sur les fontaines et sur les palais, sur ce vieux Tibre dont les flots sont toujours jaunes, sur ces pins qui présentent leur parasol si merveilleux à l’horizon. Je vous en prie, plantez des pins sur la garrigue.
Lettre à Henri d’Alzon (Lettres, t. A, p. 580).
Note. Emmanuel d’Alzon, séminariste à Rome de novembre 1833 à juin 1835, savait joindre l’utile à l’agréable. La ville de Rome l’envoûta pour toutes ses richesses, artistiques, archéologiques, liturgiques ou simplement naturelles. Les notations spirituelles et religieuses sont souvent proches de ses descriptions dans sa correspondance.