- PM_XV_149
- 2214 a
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 149
- Orig. ms. Fonds Chaponay Archives Départementales du Rhône, 44 J 154. Photoc. ACR BZD 8/3. Transcription ACR BG 224/3.
- A MADAME LA COMTESSE DE CHAPONAY
- CHAPONAY Comtesse
- Nîmes, 26 mai 1864
- 1864-may26
- Nîmes
Puisque le St Sacrement est notre fête particulière, ma bien chère fille, je veux vous écrire quelques mots, le jour qui lui est le plus particu-lièrement consacré (1) et j’espère que Dieu permettra qu’ils vous fassent un grand bien. Vous savez bien que N.-S. présenta un jour deux couronnes à Ste Catherine, l’une de rosés, l’autre d’épines. Elle choisit la seconde. N.-S. ne vous a pas donné le choix parce que le jour de la première communion, c’était de la couronne de rosés qu’il voulait parer l’âme de votre fils. Pou-vez-vous, dès lors, vous plaindre d’avoir eu l’autre? Puis voyez-vous, il faut bien vous persuader que la souffrance est la preuve par excellence de l’amour que Nôtre-Seigneur demande à ceux qui veulent s’attacher à lui. Aussi ne croyez pas que je cherche à alléger ce que vous pouvez endurer. Si vous êtes, comme j’en suis profondément convaincu, appelée à la per-fection, il vous faut prendre le très grand parti de souffrir du côté de Nô-tre-Seigneur pour ajouter, vous-aussi, à [ce] qui manque à ses souffrances (2). Vous vous y porterez, ma chère fille, malgré les cris de la nature. Jé-sus-Christ a souffert (3). Que n’a pas souffert Notre-Dame des douleurs? Et les saints après elle! Est-ce autrement que par la croix qu’ils ont accom-pli leur perfection? Vous êtes sur cette belle route royale comme dit l’Imitation: Allez donc et courrez-y par la patience et l’amour de cette victime dont le grand mystère d’anéantissement était faire votre vie. Je prierai pour vous du fond du cœur en disant tout à l’heure la sainte messe, rendez-le moi un peu. Je ne vais plus en Bulgarie. J’y ai renoncé pour obtenir que mon évêque allât aux Eaux-Bonnes. C’est un sacrifice pénible en un sens et de l’autre, comme je me trouve en ce moment un peu épuisé, ce n’était pas sans terreur que j’abordais la pensée d’une course de deux ou trois mille lieues. Priez pour notre petit noviciat et croyez, ma chère fille, à mon plus profond et respectueux dévouement en N[otre]-S[eigneur].
E. D'ALZON.(2) Au sens de Col. 1, 24: « Je complète dans ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ ».
(3) Affirmation constante du Nouveau Testament sur la réalité des souffrances du Christ, notamment 1 P 2,21.