- Procès-verbaux des Conférences de Saint-Vincent de Paul
- Assemblée générale du 25 avril 1841
- [Emmanuel BAILLY AA], *Notes et Documents*, t.2, sans date.
- Procès-verbal de Jules Monnier ACR, CX 34, p.28-31; *Notes et Documents*, 2, p.302-304.
- ** Aucun descripteur **
- Confrères de Saint-Vincent de Paul
- CSVP
- 25 avril 1841
- 25 apr 1841
- Nîmes
- Chapelle capitulaire
La conférence s’est réunie à 8h.1/2 du soir dans la chapelle capitulaire. […] Nous espérons réaliser prochainement l’oeuvre des jeunes détenus. Les démarches de Mr l’abbé d’Alzon et de Mr l’abbé Daudé nous ont applani déjà les difficultés. Espérons que nous pourrons bientôt entreprendre cette oeuvre si heureusement appliquée par nos confrères de Paris et de Lyon.
Ce rapport terminé, M. l’abbé d’Alzon, rapprochant le précepte de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur les bonne oeuvres: Prenez garde de ne point faire vos bonnes oeuvres devant les hommes pour en être regardés, de cette autre parole du discours sur la montagne: Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre père qui est dans les cieux, nous a expliqué leur apparente contradiction. Là est tout le secret de la charité: cacher ses bonnes oeuvres, mais aussi les publier lorsque le bien l’exige…
« Notre Société nous facilite cette conduite; l’individu y disparaît entièrement. Le bien se fait; on ne sait pas qui l’a fait, et le mystère voile les bonnes oeuvres du nom général de la Conférence. D’un autre côté, nous agissons au dehors; l’exemple est donné et nous ne demeurons point cachés. »
Nous développant ensuite le texte de l’Evangile du jour: Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis, il nous a montré encore l’esprit d’association renfermé dans ces paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ. De même qu’autour de Notre-Seigneur se groupèrent les apôtres, de même, autour de l’Eglise, se groupent les troupeaux particuliers. Elle est elle-même un grand troupeau: les diocèses, les oeuvres, les associations sont les petits troupeaux… Le pasteur connaît ses brebis et ses brebis le connaissent… L’Eglise communique son esprit à ses enfants et ils vivent de cet esprit. Quel est cet esprit? Quel modèle Jésus-Christ a-t-il voulu laisser à chaque membre du troupeau? Le dévouement, le renoncement, le sacrifice, c’est là tout Jésus-Christ (1).
Depuis sa naissance dans la crèche, jusqu’à sa mort sur le Calvaire, sa vie n’est qu’une immolation. Il a été l’agneau qui s’est laissé tondre, la brebis qui s’est laissé égorger… Il a voulu que ses apôtres fusent, comme lui, des agneaux patients, résignés, dévoués, sacrifiés… voilà ce que nous devons être. Revêtons cet esprit d’immolation continuelle, d’abnégation, d’anéantissement, de dévouement… Comme le petit troupeau qui s’était réuni autour du divin Maître, réunissons-nous autour de nos évêques, autour de nos chefs, et allons porter dans le monde l’exemple oublié du sacrifice.
« C’est une chose en effet bien déplorable, de voir aujourd’hui cette idée du sacrifice si affaiblie dans les esprits…. Ah! cherchons noblement et courageusement à ranimer les flammes mourantes de la charité chrétienne!…
« On ne peut plus se faire une idée du bien fait pour le bien, en vue de Dieu seul et pour le prochain. Je me rappelle deux traits qui vous le montreront en exemple: permettez-moi de vous les citer (2).
« Lorsque j’étais à Paris, nous étions plusieurs jeunes gens associés, comme vous, pour le soulagement des pauvres*, mais plus particulièrement des malades. Nous visitions les hopitaux; nous allions de lit en lit, faire quelque lecture à ces pauvres gens pour les distraire, les consoler un peu. Eh bien! ils ne pouvaient jamais comprendre que nous agissions ainsi pour eux seulement, rien que pour eux. Ils s’imaginaient que nous venions spéculer sur leur état. Et souvent, lorsque nous leur présentions nos livres, ils nous demandaient d’abord: « Mais combien vendez-vous cela? »
« Je me rappelle encore un pauvre poitrinaire qui avait abreuvé d’injures un de mes chers confrères. Il y avait mis tant de fureur, il s’était démené si fort, qu’il avait souillé tout son lit affreusement. Le jeune homme, avec une admirable patience, se mit en devoir de nettoyer ce lit dégoûtant, et aida le malade à se remettre. Celui-ci était confondu. « Que faites-vous donc? » -Je suis chrétien, mon frère, ne dois-je pas vous assister quand vous souffrez? » Le malade demeura tout ébahi. Et l’impresion fut si forte qu’il se convertit.
« Ayez cette patience, ce sacrifice, Messieurs, et vous ferez beaucoup de bien; vous devez mieux comprendre que tout autre ces idées-là. Vous êtes jeunes: à votre âge, le coeur est moins blasé par les désenchantements de la vie; on est plus généreux. Ah! saisissez cet esprit de Jésus-Christ, faites-en votre étude, ouvrez-lui votre âme!… Qu’elle est grande la dignité du chrétien qui se renonce ainsi! Il me semble que, porté sur cette vapeur de sacrifice qu’il offre à Dieu, il monte plus près du ciel et se rapproche de lui, quand il laisse Dieu opérer ainsien lui le vouloir et le faire. Combien toutes ses actions sont simples et belles! C’est là toute la vertu des grands hommes devant Dieu, la vertu des saints.
« Les actions n’y font rien: l’intention seule les élève et leur donne du poids. Le chrétien qui s’est renoncé agit toujours dans cette pure et simple intention qui soumet tout à Dieu et lui rapporte tout. Ayez cet esprit, Messieurs, il vous préservera de l’orgueil, il vous sauvera de l’égoïsme, il bénira les oeuvres que vous ferez, et Dieu vous récompensera. »
Sur cet aspect de la spiritualité du P. d'Alzon voir:
Athanase SAGE, Un Maître Spirituel du dix-neuvième siècle, p.64-72, Rome, 1958.
Athanase SAGE, La spiritualité de l'Assomption, p.100-104, Série Centenaire n°10, Rome 1986.
Georges TAVARD, Le P. d'Alzon et la Croix de Jésus, Rome 1992.
2. L'auteur des *Notes et Documents* fait remarquer lui-même que les souvenirs rapportés par le P. d'Alzon remontent aux années 1828 ou 1829, soit quatre ou cinq ans avant la fondation de la Société de Saint-Vincent de Paul. En effet Emmanuel d'Alzon, jeune étudiant, non seulement participait aux conférences littéraires, juridiques ou d'histoire de la *Société des bonnes études* de M. Bailly, mais il s'était également fait inscrire à la première section de la *Société des bonnes oeuvres* dont les membres visitaient les hôpitaux. Dans une lettre du 13 février 1828 (Vailhé, *Lettres*, I, p.23), il expose à son père sa façon de faire. Voir aussi *Notes et Documents*, 1, p.140-142.