Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1874 Nîmes Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le Révérend Père d'Alzon sur l'Imitation de Jésus-Christ - 1er sept[embre] 1874
    Onzième instruction
  • CN 15, pp. 36-38.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
    1 ANGLICANISME
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 EGLISE EPOUSE DU CHRIST
    1 EGOISME
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 ESPRIT ETROIT
    1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
    1 HUMILITE
    1 JUIFS
    1 MARTYRS
    1 PERSECUTIONS
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PRIERE POUR L'EGLISE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 PRUDENCE DE LA CHAIR
    1 SALUT DES AMES
    1 SCHISME ORIENTAL
    1 SOCIETES SECRETES
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 VIE CACHEE DE JESUS-CHRIST
    2 CARLOS, DON M.-JOSE-ISIDRO
    2 PAUL, SAINT
    3 ALLEMAGNE
    3 ANGLETERRE
    3 EGYPTE
    3 ESPAGNE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 NIL
    3 ORIENT
    3 RUSSIE
    3 SIBERIE
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 1er au 8 septembre 1874
  • SEP 1874
  • Nîmes
La lettre

Mes chères enfants, je pense bien faire de laisser aujourd’hui un peu l’Imitation pour vous entretenir de l’amour que vous devez avoir pour l’Eglise de Jésus-Christ. L’Eglise, épouse mystique du Sauveur est bâtie sur la souffrance. Souffrances de Jésus-Christ lui-même qui est mort pour l’Eglise, souffrances des Apôtres qui sont morts pour l’Eglise, souffrances des martyrs qui ont donné aussi leur vie pour l’Eglise. Que de sacrifices déjà offerts car je vous l’ai déjà dit bien souvent, le nombre des martyrs est incalculable. A vingt pas de l’endroit où saint Paul a eu la tête tranchée, se trouve un cimetière où sont les corps de 2 à 3000 martyrs. Si du temps des empereurs romains le sang des chrétiens a coulé en abondance, il y a 300 ans à peine, la hache des protestants donnait la mort à des milliers de religieux et de religieuses et toutes ces victimes, pourquoi étaient-elles immolées, si ce n’est en haine de l’Eglise. Voyez en Angleterre, cette ancienne île des saints, inondée pour ainsi dire du sang de ses enfants catholiques; voyez encore de nos jours cette haine se réveiller de toutes parts; massacre des otages parce qu’ils étaient prêtres, massacre en Espagne, massacre en Italie, partout des ennemis de l’Eglise altérés du sang de ces nouveaux martyrs pour leur attachement à la foi catholique. Croyez-vous maintenant parce que le sang ne coule plus, que la persécution ait cessé? mais non, elle existe toujours mais c’est un autre genre, elle a changé de forme, elle est devenue habile. Le ministre d’un roi en est le chef, et ministre plus puissant que son maître, il chasse les évêques de leur siège, les envoie en exil ou les fait languir dans des prisons. Et croyez que ces prisons ne ressemblent point aux prisons de France! Ce sont des cachots infects où on est privé d’air et souvent de nourriture. Et dire que l’audace d’un seul homme exerce une influence funeste sur presque tous les gouvernements. L’Espagne, l’Italie, la France même subissent cette domination. Il n’y a que la Russie assez puissante pour lui tenir tête; mais la Russie schismatique persécute aussi l’Eglise dont elle ne veut pas. On dit, mais je ne suis pas très sûr cependant, que le pape a autorisé tout prêtre de Sibérie qui aurait à sa disposition un peu de pain et un peu de vin et un simple verre, sans calice, sans ornements et sans autel, pourrait consacrer les Saintes Espèces sur le premier tronc d’arbre.

La persécution se trouve aussi en Orient. Mais si elle est ainsi répandue sur le monde catholique, que va-t-il en résulter? Aussi, mes chères filles, je crois qu’il se prépare un bouleversement terrible tel qu’il n’y en a pas eu dans l’histoire depuis la chute de l’empire romain. C’est une guerre effroyable, une haine profonde qu’on a vouées à la chaire de saint Pierre et nous voyons dans les sociétés secrètes des hommes qui ne cherchent qu’à anéantir tout ordre chrétien, l’amour de la destruction, voilà leur seule vertu. En Allemagne les religieux et les religieuses sont chassés, les prêtres français ne peuvent même pas rester en Allemagne pour quelque raison que ce soit. Aussi nous voyons la Russie et l’Allemagne [dignes] d’être traitées si cela continue, en pays de missions. De notre temps il ne faut pas des persécutions grossières, non ce sont des persécutions savantes, habiles, on imite les Egyptiens qui voulant se débarrasser des Hébreux, ordonnent aux sages-femmes de faire périr les enfants en les jetant dans le Nil. Des filles destinées à aller en mission auront certainement beaucoup à faire pour gagner des âmes à Notre-Seigneur mais avant il faut s’y préparer, avoir le coeur embrasé de l’amour divin si l’on veut être de véritables ouvriers évangéliques.

En attendant d’aller dans les missions vous en avez à faire dans votre couvent en priant pour le Pape que l’on persécute, pour le triomphe de la vérité dans le monde, mais pour avoir ces grâces il faut être des saints, les mériter par nos sacrifices. – Une carmélite que j’ai confessée quelque temps me disait: Ces Juifs, ces Juifs, je les aime que ça ne se peut pas. Vous aussi, mes enfants, aimez aussi les payens, les hérétiques, les pécheurs, toutes les âmes enfin et quand vous êtes au pied du Saint-Sacrement, au lieu d’être distraites, de perdre ce temps précieux, demandez des grâces pour l’Eglise, demandez à Dieu qu’il vous donne des âmes, qu’il vous en donne beaucoup pour qu’elles soient un jour votre couronne.

Pendant que vous êtes bien tranquilles dans votre couvent, des milliers de pauvres religieuses sont chassées de leurs cloîtres. Obligées de sortir, que font-elles, que deviennent-elles? hélas! elles meurent de faim. Il ne faut pas nous faire illusion, nous touchons à une époque des plus dangereuses et si d’ici un an nous avions une révolution des plus terribles, des plus épouvantables, je n’en serais nullement étonné.

Mais il y a des personnes pleines d’elles-mêmes qui pourvu qu’elles soient bien, ne songent nullement aux autres, ce sont des esprits étroits, mesquins, préoccupés de soi et dont on ne peut sonder toujours la profondeur de la bécasserie, de la niaiserie. Telles sont certaines religieuses qui en pensant à elles, en ne s’inquiétant que d’elles, oublient que l’Eglise est persécutée, trahie, en butte à mille injures et à mille tourments. Mais enfin ces pauvres religieuses comprennent-elles l’honneur que Dieu leur fait? Qu’il est beau le jardin de l’époux, et qu’il est consolant à des épouses, à des vierges de penser qu’un jour ce sera leur partage. Mais est-ce que des vierges incapables de lier deux idées pourront jouir d’une telle récompense? Je souhaite, mes enfants, que voyez tout autrement et puisque Notre-Seigneur veut bien vous appeler à Lui, sachez lui en être reconnaissantes.

Que la prudence humaine est une triste chose, dans certaines circonstances elle lie les bras et empêche ainsi le bien de se faire. Don Carlos demandait un jour à Henri V pourquoi il ne faisait pas comme à son exemple une tentative pour reprendre son trône. – C’est, répondit Henri V, que les Espagnols sont encore capables de combattre pour une opinion mais les Français ne savent plus se battre que pour leurs pots-au-feu. Français, puisque nous aimons notre patrie il faut prier pour la France, pour qu’elle se relève; catholiques et surtout religieux, nous devons encore prier pour qu’elle sache conserver la mission que Dieu lui a confiée, de défendre la religion catholique, n’est-elle pas la fille aînée de l’Eglise, titre magnifique et qui doit faire son orgueil. On raconte qu’une petite soeur des pauvres partant pour les missions étrangères, avait dit ce mot gracieux: enfin on meurt partout; mais il y a une grande consolation de savoir et de dire que le bien qui se fait est le bien de la France.

Dans ce moment on travaille avec succès à une oeuvre nouvelle, l’oeuvre des usines, elle consiste surtout à ramener un grand nombre de pauvres ouvriers à la connaissance de Dieu. Pour vous, mes chères filles, il y aurait tout un travail à faire mais à condition d’être bien humbles, ce n’est pas que nous allons vous envoyer dans les usines, non, mais vous avez beaucoup à prier pour le succès toujours croissant de ces oeuvres afin que la France en devienne meilleure. Il vous faut donc prier sans cesse et cette prière constante se trouve surtout dans l’abandon entier de soi-même à Dieu. Mais tout ceci est du temps perdu si vous n’êtes capables d’accepter généreusement tout ce qu’on vous confie, que ce soit grand ou humble, beaucoup ou peu. Voyez Jésus-Christ, il est notre modèle dans sa vie cachée. Je puis en me portant aux travaux les plus humbles glorifier Jésus-Christ se préparant à sa mission évangélique par 27 ans de vie ouvrière. Où est la religieuse qui soit disposée à faire tout ce qu’il y aura de plus humble, uniquement pour gagner des âmes à Dieu. Aujourd’hui devant le Saint-Sacrement, demandez-vous: Suis-je une religieuse étriquée, capable seulement de penser à moi ou voulez-vous apprendre par vous-même ce que c’est que le dévouement aux âmes, demandez au Seigneur de dilater votre coeur, de l’élargir, adressez-vous à la Sainte Vierge, voyez l’influence qu’elle a toujours exercée. Notre-Seigneur disait un jour à ses apôtres: Lorsque j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi. C’est un mouvement d’attraction que Dieu opère; mais il y a des moments où le monde est comme abandonné, Dieu est pour ainsi dire fatigué et laisse les hommes dans leur affaissement. Voyez alors si vous ne pouvez aider votre divin époux à attirer ce nombre prodigieux d’âmes engourdies et nonchalantes qui n’ont pas la force de se soulever pour aller à Dieu.

Dans les élans de votre amour, dites à Jésus-Christ: Seigneur, entourez-moi de toutes les âmes pour qui vous voulez que je prie, elles ne le savent pas, mais puisque vous avez voulu me faire entrer en participation avec ce que vous faites vous-même, dans votre miséricorde vous écouterez ma prière et vous convertirez ces pauvres âmes. Croyez que si vous agissez ainsi, Notre-Seigneur en sera très reconnaissant et vous accordera des grâces toutes particulières. Cette instruction, mes filles, est l’étude d’un devoir essentiel à votre mission d’Oblates; pénétrez-vous de plus en plus de l’amour immense que vous devez avoir pour les âmes, ce sera le moyen le plus sûr pour vous préparer à recueillir beaucoup de fruits dans votre apostolat.

Notes et post-scriptum