- Aux Religieuses de l'Assomption
- Retraite aux Religieuses de l'Assomption d'Auteuil en août 1861
Cinquième instruction - La circoncision et la mortification - Cahiers d'Alzon, XI, pp. 63-78.
- CZ 92, pp. 19-24 (Cop. dactyl. des notes de Soeur M.-Antoinette d'Altenheim).
- 1 AME EPOUSE DE JESUS CHRIST
1 AMOUR-PROPRE
1 ANEANTISSEMENT
1 APOTRES
1 AUSTERITE
1 CHATIMENT DU PECHE
1 CIRCONCISION DE JESUS-CHRIST
1 CROIX DU CHRETIEN
1 DESIR DE LA PERFECTION
1 ESPRIT RELIGIEUX
1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
1 FORCES PHYSIQUES
1 FORMATION DES NOVICES
1 HUMILITE
1 JANSENISME
1 JEUNE CORPOREL
1 JOIE SPIRITUELLE
1 LIBERTE DE CONSCIENCE
1 LOI ANCIENNE
1 LOI NOUVELLE
1 LUTTE CONTRE LE CORPS
1 MAITRESSE DES NOVICES
1 MORT DE JESUS-CHRIST
1 MORTIFICATION
1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
1 ORGUEIL
1 PASSION DE JESUS-CHRIST
1 PATIENCE
1 PENITENCES
1 PERSEVERANCE
1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
1 PRUDENCE
1 PURIFICATION
1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
1 REFORME DE LA VOLONTE
1 REGLEMENTS
1 ROI DIVIN
1 SOEURS CONVERSES
1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
1 SUPERIEURE
1 THOMAS D'AQUIN
1 VERTU D'OBEISSANCE
1 VIE ACTIVE
1 VIE DE SACRIFICE
2 ABRAHAM
2 ALTENHEIM, MARIE-ANTOINETTE D'
2 BENOIT, SAINT
2 BOSSUET
2 CATHERINE DE SIENNE, SAINTE
2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
2 GANAL
2 JOSEPH, SAINT
2 JUDAS
2 MABILLON
2 MOISE
2 PASCAL, BLAISE
2 PAUL, SAINT
2 RANCE, ABBE DE
2 ROSE DE LIMA, SAINTE
3 SINAI - Religieuses de l'Assomption
- RA
- Du 17 au 23 août 1861
- AUG 1861
- Auteuil
« Quand vint le huitième jour, où l’on devait circoncire l’enfant(1). »
Dans le mystère de la circoncision, Bossuet ne voit que la royauté, le sacerdoce de Jésus-Christ, il n’y considère que la grandeur de Dieu dans son abaissement. Il se présente à moi d’un côté plus pratique: j’y trouve la dépendance que nous devons à ce Roi, et dans l’acte douloureux par lequel Notre-Seigneur s’est soumis à la loi donnée à Abraham, puis à Moïse, je vois les prémices de la pénitence et de la mort de Jésus-Christ.
Nous examinerons trois caractères particuliers de ce mystère: 1° il s’accomplit dans la loi; 2° il abaisse l’orgueil; 3° il terrasse les sens.
I. Mortification et Obéissance.
L’exemple de Notre-Seigneur nous apprend à obéir à la loi.
Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils… né sujet de la loi(2). » En dehors de la loi humaine, je vois une loi par laquelle Dieu détermine le temps de la réconciliation, né sujet de la loi, donc Jésus-Christ fait sous la loi, est né dans un état, volontaire sans doute, de dépendance par rapport à la loi. C’est un vrai mystère que son Père lui ait commandé de dépendre de la loi… Dieu qui dispose des temps et des lieux, qui est le maître des siècles a choisi ce moment pour envoyer « Son Fils, par qui il a fait les siècles(3) ». J’ai beaucoup médité ces paroles; le premier enseignement que nous en tirerons sera: la dépendance de la loi. Saint Thomas fait observer que Jésus-Christ étant venu « afin de racheter les sujets de la loi(4) », il était convenable qu’il prît sur lui le fardeau de la loi, afin d’en libérer ceux qu’il venait racheter.
Nous ne sommes plus asservis à cette loi sacramentelle, légale de la circoncision; une autre loi lui a succédé; si Dieu se soumet à une loi imparfaite, charnelle, nous sommes dans une obligation d’autant plus rigoureuse de nous soumettre à une loi plus parfaite. « Le Seigneur est notre roi et notre législateur(5) », et en venant accomplir la loi qu’il venait non dissoudre, mais développer: « Je ne suis pas venu abolir mais accomplir la loi(6) », il nous apprend que nous sommes obligés d’obéir et de nous courber sous la loi.
La mortification essentielle est l’obéissance à la loi.
La loi, pourquoi a-t-elle été donnée? Les deux lois ont le même but: parce que le péché a été commis. La loi légale et la loi d’amour eussent été tout autres sans le péché. La loi la plus parfaite, c’est l’ordre. Quand l’ordre a été violé, le but de la loi a été de rétablir l’ordre. Un Dieu ayant voulu naître sous la loi figurative, cérémonielle, grossière, pour commencer à rétablir l’ordre, nous qui vivons sous une loi plus parfaite, nous sommes obligés de travailler à réparer l’ordre à cause même de la perfection de la loi. Jésus-Christ se manifeste à nous sous cette loi: il s’y soumet et nous montre le terme, la réparation du péché et l’alliance avec Dieu. Alliance qui est éternelle ou qui doit être éternelle. Or, comme rien de souillé n’entrera dans les cieux, il faut que la purification commence dès ce monde; nul ne peut se présenter dans la salle du festin sans la robe nuptiale. Jésus-Christ, peu de jours après sa naissance, ouvre les sources où nous purifierons ces robes souillées: il commence à répandre son sang. Aussi la première parole qu’il dit dans l’Evangile est celle-ci: « Faites pénitence(7). » L’ordre est rétabli par l’expiation, l’alliance scellée par la réparation de l’ordre violé. Dieu y met du sien, il faut que nous mettions du nôtre, en acceptant la mortification de la loi. Si Jésus-Christ accepte dès les premiers jours de sa vie une cérémonie douloureuse, mortifiante, dans le temps, dans le lieu et au moment fixés par Moïse, une loi plus parfaite doit nécessairement nous mortifier. Vous me direz: la loi de Dieu est pénible… je le sais; elle est mortifiante, je n’en suis pas étonné. La première, la plus grande mortification est dans la perfection de la loi de Dieu. Réfléchissez sur ce qu’il y a de mortifiant dans la loi de Dieu; c’est un de ses caractères; sur la terre, la perfection de préparation à la perfection de la jouissance, c’est la souffrance qui répare le péché. Vous devez rechercher, aimer ce qu’il y a de pénible dans la loi de Dieu, comme moyen d’union, de réparation et voir dans le sacrifice un témoignage d’obéissance. Quelle n’est donc pas l’absurdité du chrétien qui dit: la loi de Dieu est trop pénible. C’est précisément pour cela qu’il faut l’observer; c’est ennuyeux… je ne veux pas ceci, cela, etc. Vous ne voyez pas le brisement de la volonté dans la souffrance? La pensée de Dieu était qu’il y eût dans sa loi quelque chose de pénible que nous puissions faire avec amour et avec joie pour réparer l’ordre. Il y a donc essentiellement un caractère réparateur dans la loi de Dieu; non seulement elle maintient l’ordre mais même, elle le répare. Vous prendrez donc la résolution de ne plus dire: c’est trop pénible, etc. A l’imitation de Jésus-Christ, moi, chrétienne puis religieuse, je mettrai mon bonheur dans l’accomplissement de la loi en général et de la règle en particulier, c’est là la plus excellente mortification: prenez ce qu’il y a de plus douloureux.
La ferveur et la joie vont de pair avec l’obéissance.
Chères Soeurs les novices, laissez-moi vous donner un conseil: je connais bien des communautés, puisque je suis le Supérieur de plusieurs, j’ai toujours vu que celles dans lesquelles on brisait le plus la volonté des novices sous la règle, étaient celles où il y avait le plus de ferveur et le plus de joie… je sais qu’il y a des tempéraments nerveux, des imaginations vaporeuses… mais les Supérieures qui, à l’imitation de saint Joseph et de la Sainte Vierge, soumettent leurs filles à une circoncision spirituelle, ne leur passant aucune faute, leur rendent le plus grand service. Une Soeur de saint Vincent me confiait ceci: Lorsqu’on m’a reçue dans la maison, voici ce qu’on m’a dit: Si avant d’entrer, vous ne laissez pas votre volonté à la porte, allez-vous-en. Lorsque du premier coup, la loi est adoptée, on s’engrène dans la loi. Ceci est une observation qui vous restera pour toute votre vie. Je n’ai pas de conseil à donner ici, mais si j’en avais un à donner, je dirais qu’en général, sauf les exceptions, les communautés dans lesquelles la Supérieure, la Maîtresse des novices, dès le huitième jour (on vous donne huit jours pour vous habituer à votre petit train) commencent cette opération vigoureuse de la circoncision, sans donner aucune relâche, pour amener les filles à la perfection de la règle, sont les communautés dans lesquelles les choses se passent le mieux, où se trouve le vrai bonheur. Allez donc conjurer vos Supérieures de vous courber sous la loi. Si vos Supérieures sont Joseph et Marie, vous êtes l’Enfant-Jésus – la comparaison est honorable, il me semble. Et ne dites pas: attendons un peu plus tard, quand je serai inspirée par le Saint-Esprit, attirée par la grâce… En général, c’est un triste refuge… tranchons, coupons, immolons… portons-nous à l’accomplissement le plus parfait de la loi et de la règle. Croyez-moi, suivez ce conseil; il est très pratique et découle rigoureusement des principes que nous avons posés.
La mortification dirigée, inspirée, contenue par la loi, par la règle.
La mortification doit être dirigée, inspirée par la loi et contenue par la loi. Considérons que Notre-Seigneur n’a pas subi une seule mortification sinon afin d’accomplir la règle qui lui avait été donnée par les prophètes(8)… c’est extraordinaire, et cela jette de grandes lumières sur les désordres de la mortification… Il y a des moments de ferveur où l’on sent le besoin de se déchirer… mais, à moins que l’on ne veuille imiter les saints excès d’une sainte Catherine, d’une sainte Rose de Lima, la mortification doit être dirigée par la loi et contenue par la loi. Prenez l’histoire de la Passion… Vous n’y verrez pas un détail qui montre que Notre-Seigneur ait subi quelque tourment qui n’ait été inscrit dans quelque prophétie. Si c’est le jardin des Olives, les souffrances qu’il y endure ont été prédites.. si c’est Notre-Seigneur souffleté… « il sera rassasié d’affronts(9) », la flagellation… « Je suis prêt au châtiment(10) » et encore: « Chaque matin mon châtiment est là(11) », si c’est le percement des pieds et des mains: « Ils ont percé mes mains et mes pieds(12) », la trahison de Judas: « Je te considérais comme un autre moi-même; tu partageais avec moi les doux mets de ma table(13) », le vinaigre dont on l’a abreuvé: « Dans ma soif ils m’ont abreuvé de vinaigre(14). »
Si Notre-Seigneur a été l’homme de douleurs, la religieuse doit être la vierge de douleurs: je ne m’y oppose pas, je vous y invite… selon la règle toutefois, et dans la mesure que l’obéissance vous le permettra. « Le Christ s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix(15). » Vous voyez par ces paroles l’obéissance de Notre-Seigneur même dans la mortification de la croix…
La mortification conforme à l’esprit de l’Institut et au devoir d’état.
Si nous prenons les règles anciennes, j’y trouve différents détails de mortification: ainsi pour la Visitation, saint François de Sales ne veut pas qu’une religieuse ait rien de plus que l’autre… Dans la règle de saint François d’Assise, il y a une certaine liberté à ce sujet. Saint Benoît donne également cette liberté et l’incertitude dans laquelle il laisse au sujet de la mortification a donné lieu à de grandes discussions entre Mabillon et l’abbé de Rancé.
La loi a été interprétée d’une différente manière par les Bénédictins de saint Maur avant qu’ils ne soient Jansénistes et par les Trappistes sous M. de Rancé. Saint François d’Assise, comme je l’ai déjà dit, laisse une certaine liberté dans sa règle, surtout par rapport à la mortification. Ici avec le double but de l’adoration du Saint Sacrement qui est une chose si admirable, et l’oeuvre de l’éducation… il faut discerner. Une fille qui est destinée à l’éducation doit certainement ménager ses forces; quant à l’adoratrice, il me semble qu’elle doit se faire victime elle-même pour s’unir à l’adorable Victime… Il doit donc y avoir une certaine liberté réglée par la règle vivante de la direction de la Supérieure… afin d’éviter soit les excès de mortification pour une fille qui se croirait appelée aux hauteurs de la contemplation… soit l’excès de relâchement pour la fille qui dépense sa voix dans une classe… il faut avoir des ménagements pour la poitrine qui est le temple de cette intelligence… La prudence de la Supérieure mettra l’ordre de part et d’autre, et tout cela se fera dans la règle. Dieu a prévu cette règle pour vous, il l’a choisie comme l’instrument de la mortification qu’il voulait de vous, suivant la nuance particulière de votre vocation, le genre de service qu’il voulait de vous. Il est tout naturel de se soumettre à l’interprétation de la règle quand la règle ne parle pas elle-même.
II. La mortification abaisse l’orgueil.
La mortification et l’humilité sont soeurs.
Ces principes généraux posés, la mortification a un double but: elle abaisse l’orgueil. La mortification et l’humilité sont soeurs: sans l’humilité, à quoi servirait la mortification? Je vous ai parlé, je crois, de ces solitaires du mont Sinaï qui jeûnent quarante jours et s’enfoncent dans du fumier afin de se faire manger vivants… ils ne peuvent supporter une plaisanterie… qu’ils soient nerveux, agacés, j’en conviens… mais enfin, ils ne la supportent pas. La mortification doit être humble, elle doit être patiente pour qu’elle soit véritable.
Il y a une mortification dans tout acte d’humilité, mais il faut que l’humilité se trouve aussi dans tout acte de mortification; s’il n’y a pas d’humilité, c’est peine perdue. C’est triste à dire, que nous ne faisons peut-être pas un acte de mortification qui ne soit gâté par l’amour-propre: on se mortifie, voilà une pensée de vanité; on s’en humilie, et on prend à cela une certaine complaisance pour laquelle on se mortifie à nouveau… c’est à n’en pas finir. On n’a fait que nourrir l’amour-propre… Comment venir à bout de cela? Il faut embrasser des mortifications qui nous humilient surtout; nous n’avons pas à tenir beaucoup aux mortifications qui ne nous humilient pas.
L’humilité est le caractère essentiel de la mortification.
Un capitaine de navire avait un petit mousse qui vola trois francs… il fut découvert et le capitaine le condamna à recevoir quarante coups de garcette pendant cinq jours. Le premier jour, mon petit mousse plaisantait… le second jour, il ne riait plus et le troisième jour, il vint demander grâce. La mortification un peu persévérante abat l’amour-propre et quand la persévérance vous fait trouver la mortification désagréable, l’humilité commence. Ce petit enfant trouva une fois cinq sous, en balayant, il les rendit, ce qu’il eût dû faire la première fois, il était corrigé. L’amour-propre se glisse quelquefois au commencement de la mortification, mais l’ennui que la persévérance vous y fait trouver est un moyen d’abaisser l’orgueil. J’ai remarqué le brisement de l’orgueil dans certaines personnes par les mêmes pratiques qui étaient une source d’amour-propre en d’autres… Les Jansénistes étaient mortifiés: Pascal portait constamment une ceinture de fer… je ne connais pas de plus triste manière de se damner, que le Jansénisme. L’humilité et la mortification doivent donc marcher du même pas: l’humilité est le caractère essentiel de la mortification.
III. La mortification terrasse les sens.
La mortification est réglée par le devoir d’état et les circonstances. Exemple de Notre-Seigneur.
J’ai dit que la mortification terrassait les sens. Ici, je suis embarrassé: vous n’êtes pas précisément une Congrégation destinée à la pénitence; quelques-unes pourront suivre certains attraits… Pour étendre le règne de Jésus-Christ dans les âmes, à moins que vous ne viviez de prodiges, il faut que vous conserviez certaines forces physiques; il ne faut pas que vos sens soient écrasés, mais vous devez vous mettre dans un état où les sens ne soient pas pour vous un obstacle, mais un moyen. Sous ce rapport, voyez la vie de Notre-Seigneur. Dès les premiers jours, il se mortifie; sa vie est une vie de travail qui n’a rien d’extraordinaire; il se prépare à sa vie apostolique par un jeûne de quarante jours, il est vrai; ensuite, il a faim, c’est très naturel. Pour l’ordinaire, ses Apôtres ne jeûnaient pas, leur vie était simple et facile. Quant à Notre-Seigneur lui-même, on le prit pour « un buveur de vin(16) ». C’est un blasphème affreux; mais Notre-Seigneur le rapporte lui-même dans l’Evangile. Quand son oeuvre est faite, vous trouvez l’épouvantable mortification de la croix. Une fervente novice peut se mortifier à l’imitation de Jésus-Christ enfant. Les Soeurs converses en se livrant à leurs travaux et en observant la règle mènent la vie que Notre-Seigneur a menée de 12 à 30 ans. Vous, les Soeurs de choeur, vous vous préparez à travailler un peu pour le salut des âmes en vous renouvelant dans la pénitence et la ferveur, puis vous vous livrez à votre travail et vous imitez Jésus-Christ qui empêchait qu’on ne tourmentât ses disciples qu’ils ne jeûnaient pas.
Plus tard, viendra peut-être un moment solennel qui demandera de vous un effort plus grand de pénitence et d’austérité. Une adoratrice dont la santé est bonne, se sent appelée à vivre dans la retraite… à suivre Notre-Seigneur dans la Passion… il doit y avoir là une certaine liberté, toujours dans l’obéissance à la loi; il faut se soumettre, se faire diriger par la loi. Vous me demanderez certains détails: ce n’est pas le lieu; je les laisse à vous, à votre zèle, au zèle de vos Supérieures, à leur prudence.
Le désir de souffrir ne doit pas avoir de limites.
Une fois ces principes posés, remarquez, je vous prie, que la mort de Jésus-Christ n’était pas nécessaire. Il voulait sauver le monde par la voie des douleurs pour nous montrer son amour par la pénitence, en dehors de l’accomplissement de la loi, ou même la perfection de la loi étant l’amour, dans l’accomplissement de cette loi. On éprouve le besoin de souffrir… le désir de souffrir ne doit pas avoir de limites, si on ne vous permet pas toujours de souffrir…
Je ne serais pas chrétien, si en face du crucifix je vous tenais un autre langage. Au fond du coeur, il faut que vous aimiez la mortification, la destruction de vous-même; aimez à vous laisser broyer comme Jésus-Christ. Voyez-vous, je suis impitoyable vis-à-vis des personnes qui veulent être parfaites. Il y en a qui au milieu des mortifications, disent: mais, si je me mortifie tant, où cela me mènera-t-il? – Eh! peut-être à mourir un ou deux ans plus tôt. Nous disons tous, je veux aller au ciel; mais peut-être que comme saint Paul, « Nous désirons nous revêtir d’un corps glorieux sans nous dépouiller de notre corps, sans mourir(17). » Il est de ces personnes qui voudraient aller au ciel sans mourir; ce serait, en effet, plus agréable… Il n’est pas agréable de penser que cette chair sera un jour mangée des vers… et en me mortifiant, je me tue.
Les limites de la mortification et l’apostolat.
Si je vis plus longtemps, j’acquerrai un peu plus de mérites en enseignant, en faisant oraison, en récitant l’Office, etc., cela a aussi son côté pénible… Réfléchissez, et que ce ne soit pas là le sentiment qui vous arrête. Ayez plutôt le sentiment de saint Paul: « Je suis pressé de deux côtés: J’ai le désir de partir et d’être avec le Christ, ce qui est beaucoup le meilleur; mais demeurer dans la chair est plus urgent pour votre bien(18). »
Il y avait deux sentiments dans saint Paul; que vous vous modériez par un sentiment de charité, c’est très bien; et que vous vous mortifiiez par un sentiment de dissolution à merveille… S’il ne s’agit que de votre chère petite personne, qu’est-ce que cela fait! Que nous soyons un peu plus tôt ou un peu plus tard mangés… nous serons mangés: on ne vous embaumera pas d’après le procédé Ganal, et il ne réussit pas toujours… Oui, on peut se modérer si c’est par un principe d’amour et de charité, par un principe d’obéissance, pour ne pas suivre sa volonté, mais celle de Dieu.
Résumons: la mortification dirigée par la loi, contenue par la loi, abaisse l’orgueil et terrasse les sens. Une chrétienne et une religieuse doit réduire ses sens en servitude et en esclavage; sans cela, ils peuvent être ou des instruments inutiles, ou des esclaves révoltés par l’excès des passions et l’impuissance de l’action. Dans la liberté que vous donne la règle, allez à Notre-Seigneur Jésus-Christ enfant, il est déjà l’homme de douleurs, croyez que si vous êtes pour lui des épouses de douleurs sur la terre, vous serez les filles de sa joie dans le ciel. Ainsi soit-il.
2. Gal., IV, 4.
3. Hébr., I, 2.
4. Gal., IV, 5.
5. Is., XXXIII, 22.
6. Matth., V, 17.
7. Matth., IV, 17.
8. Matth., II, 15.
9. Lam., III, 30.
10. Ps. XXXVII, 18.
11. Ps. LXXII, 14.
12. Ps. XXI, 17.
13. Ps., LIV, 14.
14. Ps. LXVIII, 22.
15. Philip., II, 8.
16. Matth., II, 19.
17. II Cor., V, 4.
18. Philip., I, 23.