Instructions du mardi aux maîtres du collège

3 DEC 1867 Nîmes COLLEGE maîtres
Informations générales
  • Instructions du mardi aux maîtres du collège
  • L'amour dans l'enseignement
  • ECRITS SPIRITUELS, pp. 1356-1359, et Cahiers d'Alzon, 5, pp. 115-119.
  • CZ 88 (notes "d'une plume inconnue", M.S.).
Informations détaillées
  • 1 ALLEMANDS
    1 AMOUR DU PROCHAIN SOURCE DE L'APOSTOLAT
    1 ANGLAIS
    1 BEAU LITTERAIRE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CONNAISSANCE
    1 CREATION
    1 ECRITURE SAINTE
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE
    1 ENSEIGNEMENT DES LANGUES
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 FOI
    1 FORMATION DE JESUS CHRIST DANS L'AME
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 JOIE
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 PERES DE L'EGLISE
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 RATIONALISME
    1 REDEMPTION
    1 REGNE
    1 ROUTINE
    1 SPIRITUALITE TRINITAIRE
    1 THEOLOGIE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VIE DE PRIERE
    2 ASSUERUS
    2 ESTHER
    2 MEIRIEU, MARIE-JULIEN
    2 PAUL, SAINT
    2 TROTMAN, EDOUARD
    3 DIGNE
    3 FRANCE
  • Maîtres du collège
  • COLLEGE maîtres
  • 3 décembre 1867(1)
  • 3 DEC 1867
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

Il me restait la dernière fois à traiter une des trois considérations que je vous avais présentées sur la manière dont nous devons enseigner. Cette troisième considération c’est l’amour, l’amour de la science que l’on enseigne, l’amour des âmes à qui on l’enseigne et l’amour de Dieu au nom de qui on l’enseigne: telles sont les trois formes sous lesquelles doit se produire cet amour.

1° L’amour de la science.

L’amour de la science que l’on enseigne. Il y a ce que j’appellerai dans les sciences, les sciences fondamentales et les sciences instrumentales. A vrai dire, il n’y a qu’une science fondamentale, la science religieuse. Ainsi saint Thomas déclare-t-il que les autres sciences doivent être les servantes de la théologie et fait-il à cette dernière l’application de la parabole de la femme forte dans l’Evangile: Vocavit ancillas suas et misit ad arcem. C’est quelque chose sans doute pour le professeur chrétien d’être l’instrument d’une des servantes de la science et de la vérité divine. Jugez par là quelle est la force, l’énergie dont il prive sa parole, s’il parle sans l’amour pour la science qu’il enseigne. Cet amour pour la science implique, comme je vous l’ai déjà dit tant de fois, la préparation. Car si on aime la science que l’on est chargé d’enseigner, on ne néglige rien pour la faire paraître sous son plus beau jour. Quand Esther se résolut d’aller trouver Assuérus, elle se para de ses plus beaux ornements; le professeur chrétien doit faire de même; il doit revêtir la science des ornements les plus propres à la faire accepter des élèves. La préparation est donc nécessaire, mais peut-être savez-vous toute chose sur le bout du doigt, pour ainsi dire, en sorte que vous n’avez aucun besoin de préparation. En ce cas, permettez-moi de vous le répéter encore une fois, vous frisez de bien près la routine, qui n’est pas un moyen de rendre la science bien agréable auprès des élèves.

2° L’amour des âmes.

Il faut joindre à cet amour de la science que l’on enseigne, l’amour des âmes à qui on l’enseigne. Que l’âme humaine ait été créée à l’image de Dieu et que les hommes n’aiment pas les âmes de leurs semblables, c’est ce qu’on ne saurait comprendre. Or, chaque professeur peut, quelle que soit la vérité qu’il enseigne, prononcer dans les deux heures de sa classe une parole de foi, une parole capable de faire du bien aux âmes. Il y a à peu près une vingtaine d’années, un professeur de mathématiques me disait: « Quel rapport peut-il y avoir entre le carré de l’hypothénuse et la théologie? ». « Comment pouvez-vous ignorer, lui ai-je répondu, ce qu’ont dit les Pères: que la divine sagesse repose sur le nombre et que par conséquent dans les mathématiques, c’est-à-dire dans l’étude des nombres, il n’est pas impossible d’élever les âmes à Dieu. » Ainsi, quelle que soit la science que vous avez à enseigner, vous pouvez toujours, au moyen de cette science, inculquer dans les âmes la science divine. Un chanoine disait à l’évêque de Digne: « Plus j’approfondis les sciences, plus je m’étonne que Dieu ait bien voulu faire part à l’homme des joies et des délices qui se trouvent dans l’étude de ces sciences; on y trouve en quelque sorte un avant-goût de la vision béatifique ». Et ce chanoine, sachez-le bien, était un des esprits les plus savants et, en même temps, les plus modestes de France. Ainsi le professeur de mathématiques, ainsi le professeur de philosophie peuvent et doivent arriver au même but dans l’enseignement. Le professeur de grec doit y tendre aussi. Le grec peut nous être utile en ce sens qu’il nous aide à lire les décrets d’un grand nombre de conciles, et en ce qu’il nous découvre les beautés que contiennent les écrits de plusieurs Pères de l’Eglise; le latin est encore plus utile; l’hébreu sert à nous faire lire la Bible. Tout cela sans doute est examiné par moi sous un point de vue peu relevé et ne croyez pas que je n’en ai pas le sentiment. Le professeur de langues vivantes pourrait à son tour me demander comment il doit s’y prendre pour amener par son enseignement les âmes à la vérité divine. La réponse est bien simple: en enseignant à aller puiser dans les travaux des Anglais et des Allemands des arguments nouveaux contre les rationalistes. Quant à moi, je regrette bien de n’avoir pas appris l’allemand dans ma jeunesse pour pouvoir lire les écrits, non pas ceux d’exégèse rationaliste, mais des écrits d’exégèse très catholique qui se font en langue tudesque, et si je n’avais 57 ans, je prierais M. Trotmann de me donner des leçons d’allemand.

3° L’amour de Dieu.

Il faut encore dans le professeur chrétien l’amour du Dieu de vérité, du Dieu des âmes auxquelles s’adresse notre enseignement. Et d’abord voulez-vous savoir pourquoi les professeurs chrétiens, les professeurs catholiques réussissent en général si peu à faire pénétrer la vérité dans les âmes, pourquoi leur enseignement n’est, pardonnez-moi la familiarité de l’expression, qu’une « bouillie pour les chats », c’est qu’ils ne sont point des hommes intérieurs, des hommes d’oraison. (C’est un point que j’aborderai probablement, mardi prochain.) Nous ne méditons pas assez la parole de Dieu et voilà pourquoi nous ne sommes pas capables de la faire pénétrer dans le coeur des enfants en la faisant passer par leurs oreilles; car fides ex auditu, nous dit saint Paul, et il ajoute: auditus autem per verbum Christi. Nous pouvons donc créer la foi dans les âmes par notre enseignement et par cette création nous les affranchissons de l’ignorance et du péché, nous les éclairons et embrasons de l’amour de Dieu. Et si vous vous rappelez ce que je vous ai dit à propos de l’enseignement chrétien, que c’était une impression de la très sainte Trinité dans les âmes, vous comprendrez que nous pouvons encore produire en nous l’imitation de la très sainte Trinité. Dixit et facta sunt. L’enseignement est une création, on donne une nouvelle naissance aux hommes en les plongeant dans les trésors de la vérité éternelle et le professeur chrétien est ainsi l’imitateur du Père. Dixit et facta sunt. L’enseignement est une rédemption puisqu’on affranchit les âmes du joug du péché et de l’ignorance, et vous imitez ainsi le Fils. Dixit et facta sunt. Votre enseignement illumine les âmes, les échauffe et les embrase d’amour et vous imitez le Saint-Esprit. Vous voilà donc les imitateurs et les instruments du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Voilà ce que vous pouvez imiter en vous et produire dans les âmes: ce qu’il y a de plus admirable, de plus beau, de plus glorieux au monde, l’adorable Trinité! Voyez donc si vous n’avez aucun reproche à vous faire sur la manière dont vous avez cherché jusqu’ici à imprimer l’image de la sainte Trinité dans votre âme et dans celle des élèves, et si vous pouvez espérer un jour être récompensés par cette Trinité dont vous aurez ici-bas étendu le règne. Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1. Ou peut-être 26 novembre 1867.