Instructions du mardi aux maîtres du collège

29 OCT 1867 Nîmes COLLEGE maîtres
Informations générales
  • Instructions du mardi aux maîtres du collège
  • Quatre moyens de purification
  • ECRITS SPIRITUELS, pp. 1340-1345, et Cahiers d'Alzon, 5, pp. 89-95.
  • CZ 88 (notes "d'une plume inconnue" M.S.).
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR DES ELEVES
    1 BAPTEME
    1 BON EXEMPLE
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DEVOTION AUX ANGES GARDIENS
    1 DIACRE OFFICIANT
    1 DISTINCTION
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
    1 FRANCHISE
    1 HYPOCRISIE
    1 JESUS-CHRIST NOURRITURE DES AMES
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 MISSION DES LAICS
    1 PURIFICATION
    1 RESPECT
    1 RESPECT HUMAIN
    1 SAINTETE
    1 VIE DE RECUEILLEMENT
    1 VOIE UNITIVE
    2 ABRAHAM
    2 ISAIE, PROPHETE
  • Maîtres du collège
  • COLLEGE maîtres
  • 29 octobre 1867(1)
  • 29 OCT 1867
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

Un nouveau baptême.

Euntes, docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti… L’éducation chrétienne n’est pas seulement un enseignement, c’est une purification, un baptême; et, avant d’entrer en matière, il est bon de vous faire observer que l’Eglise voulant que le plus grand nombre d’hommes possible eussent part à cette régénération spirituelle du baptême, a permis que tout infidèle, juif ou mahométan, pût le communiquer. Mais il n’en est pas ainsi de cette éducation chrétienne dans laquelle on a aussi à purifier des âmes, non pas du péché originel déjà effacé par le baptême, mais de ces mille misères auxquelles est sujette la nature humaine: pour purifier les autres, il est de toute nécessité d’être pur soi-même. Quelle belle mission que celle du professeur chrétien: c’est la mission du prêtre à l’autel, mission du prêtre au tribunal de la Pénitence, et surtout mission du prêtre dans le catéchisme. Aussi il me semble que le professeur devrait toujours, avant de commencer sa classe, réciter ces belles paroles du diacre avant l’Evangile: Munda cor meum et labia mea, omnipotens Deus, qui labia Isaiae prophetae calculo mundasti ignito. Ita me tua grata miseratione dignare mundare, ut sanctum evangelium tuum digne valeam nuntiare. Oui, c’est l’Evangile que le professeur sous sa parole, soit mathématique, soit historique, soit philosophique, soit littéraire, peut et doit annoncer sans cesse et il faut pour cela que ses lèvres aient été purifiées. Je le répète, il n’y a rien au monde de plus beau qu’une telle mission: purifier les âmes, augmenter leur éclat, leur blancheur; les rendre plus dignes de Jésus-Christ, c’est-à-dire de celui qui est la pureté même.

a) L’exemple.

Mais, par quels moyens le professeur chrétien pourra-t-il opérer plus efficacement cette purification, administrer ce baptême? Les moyens sont nombreux et le premier, le plus efficace, c’est celui de l’exemple. Verba movent, exempla trahunt, a-t-on dit avec raison. En effet, l’on peut juger de l’âme d’un professeur d’après les résultats qu’il produit, au point de vue moral, sur les élèves. Je ne veux point exagérer: un saint pourra n’obtenir sur l’âme de ses élèves que des succès très médiocres, un maître, indigne de sa mission, pourra au contraire avoir une bonne influence sur ceux qu’il est chargé de former. Mais ce ne sont là que des phénomènes très rares, et ici surtout il est permis de dire que l’exception confirme la règle. Mais ce bon exemple que nous sommes obligés de donner aux enfants, dont l’éducation nous est confiée, rencontre bien des obstacles et le plus grand est le respect humain. Parlons franchement: ce respect humain qui arrête si souvent les élèves dans l’accomplissement du bien, n’arrête-t-il pas trop souvent aussi les maîtres? On ne veut pas laisser apercevoir dans la maison, qu’on a changé de conduite, qu’on est devenu meilleur. Or, le respect humain, si nous voulons être dignes de la mission de maîtres chrétiens, nous devons le combattre, et les élèves, en nous voyant pratiquer le bien, l’accepteront, soyez-en sûrs, plus volontairement et plus franchement.

b) L’horreur du mal.

Un second moyen qui se rapproche du précédent et se confond presque avec lui est l’horreur pour le mal qui doit être manifestée en toute occasion par le professeur chrétien. Et permettez-moi à ce sujet de vous parler avec franchise, je ne crains pas de dire qu’il y a des comédies même dans le sacerdoce; oui, il y a des prêtres, qui à la manière dont ils parlent du mal semblent jouer la comédie. On dirait que l’horreur qu’ils en ont n’est pas véritable, que c’est une horreur de convention. Que si cette abomination se trouve même dans le sacerdoce, ne peut-elle pas se trouver dans les professeurs laïques. Ah! tenons-nous bien éloignés de cette disposition, de cette comédie, à laquelle les élèves ne se laissent pas prendre; car, pour le dire en passant, les élèves voient très bien nos défauts, mieux que nous, mieux même que nos collègues; ils vont jusqu’aux moindres détails, ils devinent bien souvent. Je ne dis pas qu’ils voient tout, mais ils voient beaucoup. Aussi, quand nous parlerons devant eux de l’horreur que doit inspirer le mal, que ce soit de toute l’énergie de notre âme, que ce soit avec la plus grande sincérité. Soyez persuadés que cette horreur, étant sincère en nous, passera et s’imprégnera d’autant plus aisément dans le coeur de nos enfants. Mais pour cela que faut-il faire? Ce qu’il faut faire, c’est bien simple: il faut commencer par détester le mal en nous-mêmes, et pour en revenir à ce que je disais au début, il faut nous purifier nous-mêmes. Le temps me manquerait pour développer suffisamment cette idée; mais je la livre à vos réflexions, vous la développerez vous-même.

c) La bonne tenue.

Un autre moyen qui peut nous aider dans l’éducation chrétienne, c’est la tenue. Il y a deux sortes de tenue: la tenue officielle et celle-là j’en fais peu de cas; vous savez ce que sont les discours officiels, les cérémonies officielles, le langage officiel: ce n’est autre chose que ce que font sur les tréteaux pantins et polichinelles. Voilà ce que c’est que la tenue officielle. Mais il y a une autre tenue, tenue vraiment chrétienne et dont celle-là n’est qu’une singerie: tenue qui montre et qu’on respecte les autres et qu’on se respecte soi-même. Peut-être ai-je moi-même des reproches à me faire à ce sujet; mais examinez-vous bien, vous aussi, et voyez si, dans plus d’une occasion, vous n’avez pas été empêchés, par le manque de cette tenue, de faire aux élèves tout le bien qu’ils étaient en droit d’attendre de vous. Pas d’affectation, sans doute; d’ailleurs cela vous regarde, si vous ne voulez pas vous exposer au ridicule. Mais il faut cette tenue qui est une espèce de prédication, cette tenue d’un prêtre à l’autel, cette tenue qui provient du recueillement de l’âme, cette tenue enfin qui prouve qu’on marche sans cesse en la présence de Dieu, selon ce qui fut dit à Abraham: Ambula coram me et esto perfectus. Oui, Maîtres chrétiens, soyez continuellement en la présence de Dieu, et vous obtiendrez la perfection. Admirez en même temps la fécondité de cette tenue, de cette disposition qui consiste à marcher continuellement en la présence de Dieu. Abraham reçoit, aussitôt après de la bouche de Dieu, comme conséquence de cette parole: Ambula coram me, la promesse qu’il naîtra de lui un grand peuple et qu’en lui seront bénies toutes les nations de la terre.

d) La communion fréquente.

Enfin il me restera à vous entretenir d’un dernier moyen qui se joint à celui de l’horreur du mal, dont nous avons parlé déjà, c’est la communication, l’insufflation du bien. Je reviendrai donc aux paroles que j’ai déjà citées, celles du diacre avant l’Evangile. Comment pouvez-vous mieux purifier les autres qu’en introduisant celui qui est la pureté même? Comme Isaïe, approchez-vous de l’autel du Seigneur et là, ce ne sera plus un séraphin, mais un prêtre qui déposera sur vos lèvres et dans votre coeur, après l’avoir pris sur le véritable autel, ce charbon embrasé, si je puis parler ainsi, du feu de l’amour, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Vous avez déjà compris le sens de mes paroles: ce que je conseille avant tout au maître chrétien, c’est la communion fréquente, et remarquez bien que je ne dis pas la communion routinière, mais la communion fréquente. Qu’il est beau de voir s’avancer le professeur chrétien à la table sainte, s’entourant par la pensée des âmes qui lui sont confiées ou du moins de leurs anges gardiens. Que ce professeur-là comprend bien sa mission qui s’adresse à Jésus-Christ même et, pour faire briller la vérité dans les âmes, se nourrit de celui qui est la vérité même, la parole de Dieu, le Verbe incarné qui fait ses délices d’habiter parmi les enfants des hommes! A quel autre peut-on recourir pour faire briller la lumière dans les âmes, la lumière qui purifie, qu’à celui qui est le soleil de justice, à celui qui déclare lui-même qu’il est venu apporter sur la terre le feu de l’amour dont toutes les âmes devront être embrasées. Ah! comprenez bien, Messieurs, la beauté de votre mission, comprenez tout le bien que vous pouvez faire aux élèves par votre exemple, par la dignité et la majesté de votre tenue; comprenez en un mot que vous pouvez, en faisant des saints, devenir vous-mêmes des saints! Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1. Ou 5 novembre 1867.