- TD51.042
- COURS D'INSTRUCTIONS SUR DIFFERENTS SUJETS DE PIETE.
- ZELE POUR LE SALUT DES AMES.
- Orig.ms. BM3, pp. 235-239; T.D. 51, pp. 42-44.
- 1 CORPS MYSTIQUE
1 RESPONSABILITE
1 SALUT DES AMES - A des dames.
- 1837-1839
Mes Dames, lorsque l’on considère les profondes humiliations du Fils de Dieu, lorsque l’on se demande pourquoi il a quitté le ciel, et qu’on l’entend déclarer lui-même que le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui avait péri, n’est-on pas tenté de conclure que ce qui avait péri était donc bien précieux, pour que le Fils de Dieu ne dédaignât pas d’incliner les cieux et de descendre pour le ramasser du fond d’un abîme de misères? Oui, Mesdames, ce que le Fils de l’homme est venu chercher était précieux, c’étaient les âmes des pécheurs, c’étaient les vôtres, c’était la mienne, et quelque précieuses qu’elles fussent avant la rédemption, elles ont acquis un prix autrement grand depuis qu’un Dieu s’est fait homme pour en payer la rançon à son Père avec son propre sang.
Eh, cependant qui songe au prix des âmes dans le monde? personne, puisque personne ne songe à les sauver; personne ne les aime, personne n’a cette charité surnaturelle puisée à la crèche et à la croix. On ne sait pas ce que c’est qu’une âme. Or c’est en méditant en présence des mystères dont le souvenir va bientôt se renouveler que je veux implanter chez vous, Mesdames, la notion d’un devoir dont la plupart d’entre vous paraissent ne pas se faire une idée, au moins dans toute son étendue. Je viens vous parler du zèle pour le salut des âmes et m’efforcer de l’allumer dans vos coeurs, en vous rappelant: premièrement que c’est un devoir; secondement quels avantages il procure.
Une des lois les plus merveilleuses de la société, et particulièrement de la société religieuse, est que toutes les actions de chacun des membres qui la composent aient [= ont] un rapport direct avec les autres membres et exercent sur eux une influence bonne ou mauvaise; de même que dans le corps humain le pied ne peut faire un faux pas, sans que le corps chancelle, ou de même [qu’on ne peut] porter un aliment à la bouche sans que toute l’organisation n’en ressente les résultats; de même les vices ou les vertus des particuliers agissent d’une manière plus ou moins funeste, plus ou moins avantageuse sur le reste de leurs semblables.
Or, de même que dans le corps humain chaque membre est intéressé à la conservation de tout l’être; de même dans le corps social chaque membre est intéressé à l’existence de l’ensemble. Or, de toutes les sociétés la plus parfaite, c’est la société des intelligences réunies autour d’un centre commun qui est Dieu.
Animés par un principe de vie commun qui est le sang d’un Dieu, d’un lien [?] particulier et commun qui est l’amour de Dieu, les membres de ce grand corps, ce sont les âmes. Et les âmes ont entre elles les mêmes obligations que les membres du corps humain, l’obligation de veiller les unes et les autres au bien général.
Cette grande loi de la responsabilité, nul ne peut s’y soustraire. Le Seigneur n’a-t-il pas dit qu’il a chargé chaque homme du salut de son prochain: Mandavit unicuique de proximo suo. Sans doute, cette loi n’est pas pour tous la même. Un prêtre a sur ce point plus d’obligations qu’un simple fidèle; mais les simples fidèles aussi ont leurs obligations. Vous êtes épouses, mères, soeurs; vous êtes maîtresses de maison, vous êtes haut placées; vous avez une action directe sur vos maris, vos enfants, vos frères, vos domestiques, les personnes sur lesquelles vous avez une certaine responsabilité. Combien de fois par an songez-vous à leurs âmes? Que faites-vous pour rappeler qu’ils en ont une? tant d’hommes aujourd’hui vivent comme s’ils n’en avaient pas. Quels efforts faites-vous pour leur inspirer des sentiments chrétiens? Prenez garde, mes Dames; vous les aimez, dites-vous, et vous leur êtes unies par les liens de l’affection la plus vive; il vous serait impossible de vous en séparer; mais ne craignez-vous pas que votre âme ne penche bien fort vers l’abîme, si la leur vient à y tomber?
J’entends souvent parler des rapports de convenance formés dans la société, et de la nécessité de se soumettre à cet égard aux lois de la politesse. J’applaudis d’autant plus à cette pensée que le principe de cette antique politesse française se perd aujourd’hui. Si vous manquez à une visite, vous êtes au désespoir; mais de grâce il y a une grande convenance qui l’emporte, c’est la convenance de faire du bien en ne scandalisant pas par vos médisances.
C’est une dette. Votre âme a été sauvée, vous devez à Jésus-Christ le prix de votre âme. Payez-le par le rachat d’une autre.